La dernière enquête Tankan de la Banque du Japon, publiée en décembre, met en lumière les importantes pénuries de main d’œuvre et difficultés de recrutement dans le pays. Celles-ci touchent la totalité des secteurs et atteignent même des niveaux records dans près d’un quart d’entre eux. Afin d’en faciliter l’interprétation, les données que nous présentons dans ce graphique sont converties en Z-score, soit le nombre d’écart-type séparant chaque indice de sa moyenne de long terme (calculée sur la période 1974-2023).
La crise énergétique a sans nul doute amplifié l’activité et les tensions de recrutement dans les secteurs des fournisseurs d’énergie et de l’extraction minière qui affichent désormais les niveaux les plus dégradés. Par ailleurs, les activités de services sont plus affectées par ce phénomène que l’industrie manufacturière qui peut, dans une certaine mesure, substituer une partie de la main d’œuvre manquante par de l’automatisation.
Le facteur principal de ces difficultés de recrutement demeure toutefois la crise démographique à laquelle se heurte le Japon. Près d’un tiers des Japonais est aujourd’hui âgé de 65 ans et plus. À terme, et sauf à recourir à davantage d’immigration, la baisse et le vieillissement de la population contribueront à réduire significativement le nombre d’actifs, même si l’insertion plus importante des femmes dans le marché du travail depuis 2012 et le lancement des Abenomics atténuent, pour l’heure, ce phénomène de fond.
Au-delà du risque que cela fait peser sur la croissance économique, l’autre enjeu sera de voir si ces tensions sur le marché du travail conduiront, enfin, en 2024 à un véritable tournant en termes de croissance des salaires. Cette dernière n’a pas réellement pris d’ampleur en 2023, alors même que l’inflation s’est réinstallée dans le pays et que les profits et les marges des entreprises se sont établis à des niveaux records l’an passé.
Guillaume Derrien en collaboration avec Nassim Khelifi, stagiaire d'études