Depuis 2005, le système d’échange de quotas d’émission (SEQE), plus communément appelé « marché carbone », est au cœur de la stratégie européenne de lutte contre le changement climatique.
Le dispositif, qui couvre environ 45% du total des rejets de gaz à effet de serre de l’Union Européenne (celles des lignes aériennes intracommunautaires et des sites industriels les plus émetteurs) repose un principe simple, qui est celui du « pollueur-payeur ».
Les entités concernées (on en compte environ 11.000) se voient attribuer par l’autorité publique des quotas d’émissions, qui sont autant de tonnes de CO2 qu’elles peuvent rejeter annuellement dans l’atmosphère.
En cas de dépassement, des droits supplémentaires doivent être acquis sur les marchés ou de gré à gré, ce qui crée une incitation financière à évoluer vers des modes de production moins polluants, par exemple en développant les énergies renouvelables.
Un marché du carbone de plus en plus efficient
Parfois critiqué pour son manque d’efficacité, également victime de fraudes, le marché européen du carbone a connu des débuts difficiles. Il faut néanmoins se souvenir que les premières étapes furent celles d’un apprentissage, durant lequel d’importants progrès ont été réalisés.
Les règles encadrant l’attribution des quotas d’émission ont, par exemple, été harmonisées au niveau européen et s’insèrent désormais dans un régime déclaratif commun ; alors que le nombre des secteurs couverts augmentait, le système d’enchères s’est développé, permettant progressivement aux Etats de dégager des recettes pour financer la transition énergétique.
La principale avancée fut néanmoins obtenue suite à l’accord de Paris sur le climat, avec notamment la création en 2019 d’une réserve de stabilité permettant de réguler l’offre et la demande de droits carbone, ceci afin de mieux en contrôler le prix.
Depuis 2021, le SEQE est entrée dans sa quatrième phase, beaucoup plus contraignante, puisqu’elle prévoit d’abaisser le plafond des émissions de 62% à l’horizon 2030 (par rapport à 2005) contre 43% dans la précédente mouture. Autre évolution importante, les attributions de quotas gratuits aux entreprises seront supprimées par étapes pour être in fine remplacées par un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.
Notons enfin que les transports maritimes, puis à compter de 2027 les transports routiers ainsi que le bâtiment, vont entrer dans le champ du système, qui couvrira ainsi la quasi-totalité des émissions de gaz à effet de serre de l’UE.
Baisse des émissions
Alors, à 18 ans, l’âge de la majorité, le marché communautaire du carbone tient-il ses promesses ?
Ce qui est peu contestable, c’est que l’Union européenne parvient, depuis quelque temps déjà, à réduire plus vite que d’autres ses émissions de gaz à effet de serre. Entre 2006 et 2021, ses rejets de CO2 ont baissé de 25%, et même de 40% pour les secteurs couverts par les quotas, un record dans le monde.
Le bilan est par exemple moins bon aux Etats-Unis, même s’il doit être relativisé par le fait que ces derniers ont connu, sur la même période, une croissance à la fois démographique et économique plus rapide.
Autre aspect positif, le prix européen du carbone, bien que toujours soumis à des impondérables tels la guerre en Ukraine aujourd’hui ou l’épidémie de Covid-19 hier, est mieux contrôlé. A environ 90 euros la tonne, il est proche d’un record absolu mais aussi de l’objectif de 100 euros visé par la Commission européenne.
Surtout, ses niveaux anticipés sont assez stables, ce qui offre une lisibilité essentielle aux entreprises s’engageant, sur plusieurs années et souvent au titre d’investissements lourds et sur plusieurs années, dans la transition énergétique.
En conclusion et en dépit des réserves dont il est parfois l’objet, le marché européen du carbone fonctionne aujourd’hui plutôt bien. Il s’est avéré être un instrument efficace pour mesurer et contraindre les émissions industrielles de gaz à effet de serre, également pour leur fixer un prix.
Bien entendu, il n’apporte qu’un élément de réponse au problème du réchauffement climatique, qui est global. Il fait toutefois désormais école, comme par exemple en Chine, où des droits à polluer ont commencer à s’échanger, en 2021.