Avec l’adoption du traité de Maastricht en 1992, l’UE s’est dotée d’un cadre de gouvernance économique pour coordonner les politiques économiques en vue d’atteindre les objectifs de l’Union[1]. Ces derniers consistant à assurer à tous les États membres des finances publiques saines et viables, à promouvoir une croissance et une convergence économiques durables, à remédier aux déséquilibres macroéconomiques et à engager des réformes et des investissements visant à renforcer la croissance et la résilience. L’une des principales composantes de ce cadre est le Pacte de stabilité et de croissance (PSC) — adopté en 1997 — qui définit les règles pour le suivi et la coordination des politiques budgétaires et économiques nationales[2]. Son volet préventif fixe un objectif budgétaire pour chaque État membre de l’UE. Par ailleurs, les pays de la zone euro sont également soumis au volet correctif du PSC, qui «garantit l’adoption par les États membres de mesures appropriées pour corriger les déficits excessifs (et/ou les dettes) en mettant en œuvre une procédure concernant les déficits excessifs (PDE)[3]».
La convergence économique et la viabilité budgétaire sont des facteurs importants de stabilité économique et de réduction du risque de contagion entre les pays. Leur rôle est crucial dans la zone euro au vu de leur influence sur la transmission de la politique monétaire. Des finances publiques saines permettent également de dégager une marge de manœuvre budgétaire pour remédier aux conséquences de chocs défavorables et d’éviter que la politique monétaire soit le seul instrument pouvant être déployé. En février 2020, un débat a été lancé sur le réexamen de la gouvernance économique de l’UE. La Commission européenne a fait valoir à cette occasion que «le cadre de surveillance a soutenu la correction des déséquilibres macroéconomiques existants et le désendettement public» et estimé qu’il a également favorisé une convergence soutenue des performances économiques et une coordination plus étroite des politiques budgétaires au sein de la zone euro[4]. Cependant, l’examen des estimations de la Commission relatives aux déficits budgétaires et à la dette publique pour 2023 révèle une forte dispersion (graphique). De plus, la Commission a également souligné que l’orientation budgétaire avait souvent été procyclique et que les États membres avaient régulièrement préféré augmenter les dépenses courantes plutôt que préserver l’investissement.
Récemment, un accord a été conclu entre les représentants du Conseil européen, du Parlement européen et de la Commission européenne sur une réforme des règles budgétaires[5]. La réduction des taux d’endettement et des déficits doit se faire «de manière progressive, réaliste, durable et propice à la croissance, tout en protégeant les réformes et les investissements dans des domaines stratégiques tels que le numérique, l’écologie, le social ou la défense». Les États membres doivent présenter des plans budgétaires et structurels nationaux à moyen terme. La Commission soumettra aux États membres, dont la dette publique dépasse 60 % du produit intérieur brut (PIB) ou dont le déficit public dépasse 3 % du PIB, une «trajectoire de référence», indiquant «la manière dont les États membres peuvent garantir que, à la fin d’une période d’ajustement budgétaire de quatre ans[6], la dette publique suive une trajectoire descendante plausible ou se maintienne à des niveaux prudents à moyen terme». L’accord prévoit deux clauses de sauvegarde que la trajectoire de référence devra respecter. Aux termes de la clause de sauvegarde portant sur la soutenabilité de la dette, le «ratio de la dette publique projeté est réduit en moyenne chaque année d’au moins un point de pourcentage du PIB tant qu’il dépasse 90 % du PIB et d’un demi-point de pourcentage tant que le rapport entre la dette publique et le PIB reste compris entre 60 % et 90 %[7]». À cette fin, une trajectoire de dépenses nettes est définie et intégrée dans les plans budgétaires et structurels nationaux à moyen terme[8]. Ces plans et trajectoires de dépenses doivent être approuvés par le Conseil. La trajectoire des dépenses nettes doit ramener le déficit public en dessous de 3 % du PIB dans le délai fixé par le Conseil. L’amélioration structurelle annuelle est fixée à au moins 0,5 % du PIB. La clause de sauvegarde portant sur la résilience du déficit exige la poursuite de l’ajustement budgétaire jusqu’à atteindre une marge de résilience structurelle de 1,5 % du PIB, en deçà de la valeur de référence de 3,0 % du PIB fixée par le Traité de Maastricht. Aux termes de cette clause de sauvegarde, l’amélioration annuelle du solde primaire structurel pour atteindre cette marge est fixée à 0,4 % du PIB (0,25 % si la période d’ajustement a été portée à sept ans)[9]. Enfin, un compte de contrôle, établi par la Commission, suivra les écarts des dépenses nettes, en termes annuels et cumulés, par rapport à la trajectoire cible. Dans des circonstances particulières, le Conseil, sur recommandation de la Commission, pourrait autoriser des écarts par rapport à cette trajectoire[10].
Pour conclure, le nouveau cadre de gouvernance économique présente plusieurs caractéristiques clés : une surveillance fondée sur les risques, une distinction entre les États membres en fonction de leur situation spécifique, ainsi que l’intégration des objectifs en matière de politique budgétaire, de réformes et d’investissements au sein d’un plan budgétaire à moyen terme. Un indicateur opérationnel unique, sous la forme d’une trajectoire de dépenses nettes, devrait faciliter la communication et privilégier le rôle clé des dépenses primaires discrétionnaires au lieu des hausses d’impôts pour ramener les finances publiques sous contrôle. La trajectoire de référence, conjuguée à la clause de sauvegarde portant sur la soutenabilité de la dette et à la clause de sauvegarde portant sur la résilience du déficit, suppose que de nombreux États membres devront consentir un effort d’ajustement soutenu sur plusieurs années.