La forte progression de l’inflation observée en Europe depuis 2021 a été principalement causée par le renchérissement du coût de l’énergie (gaz, électricité et produits pétroliers), puis par sa transmission aux autres composantes de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH). Alors que l’inflation en zone euro a atteint son pic, à 10,6% a/a en octobre 2022, l’inflation suisse n’a jamais dépassé 3,3% a/a, en juillet-août 2022. Cet écart favorable s’explique par des caractéristiques structurelles du pays, notamment liées à son mix énergétique, mais également par la force de sa monnaie.
La part des énergies fossiles dans la consommation finale d’électricité avoisine les 2% en Suisse. Le poids plus élevé de l’énergie hydraulique (68%), du nucléaire (19%) ou encore des énergies photovoltaïques et éoliennes (11%) a ainsi permis à l’économie helvétique de n’être que faiblement impactée par le renchérissement des prix du gaz provenant de Russie[1] et par la flambée des prix du pétrole (+29% a/a d’inflation énergétique au maximum entre 2021 et 2022, contre +44% en zone euro). L’énergie représentant, par ailleurs, une part moins importante des dépenses de consommation des ménages, le poids attribué à sa contribution dans le calcul de l’inflation se retrouve mécaniquement plus faible qu’en zone euro (5,5% contre 10,2%, respectivement). En conséquence, la composante énergétique n’a contribué, en moyenne, qu’à hauteur de 38% à l’inflation totale suisse, alors que cette proportion a atteint 54% en zone euro. Les effets de premier tour associés à ce choc se sont ensuite diffusés aux autres composantes de l’IPCH. Toutefois, la hausse des prix de l’énergie ayant été globalement contenue en Suisse, sa transmission aux composantes alimentaire et sous-jacente l’a également été.
L’appréciation du franc suisse a aussi contribué à contenir l’inflation en diminuant le coût des biens et des services importés. Cette stratégie a permis de maîtriser encore davantage les prix de pétrole et de gaz importés, en grande partie échangés en EUR et en USD. En outre, en raison de cette faible hausse des prix, la Banque nationale suisse a été l’une des dernières banques centrales à sortir de la période des taux d’intérêt négatifs. Elle n’a également augmenté ses taux que cinq fois depuis mi-2022 (250 points de base en cumulé), portant le taux d’intérêt nominal à 1,75% et laissant donc le taux réel en territoire négatif (l’inflation se situant aux alentours de 2% a/a fin 2023).