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Élections au Nigéria : une courte victoire pour des défis immenses

13/04/2023

Le candidat de la majorité sortante, Bola Tinubu, a remporté une victoire serrée aux élections présidentielles du 25 février dernier. Les défis qui l’attendent sont de taille : relancer la première puissance économique africaine et restaurer une stabilité macroéconomique qui s’est détériorée dangereusement malgré l’envol des cours du pétrole.

Transcription

Les élections présidentielles au Nigeria se sont tenues le 25 février dernier. Le président Muhammadu Buhari ne pouvant pas se représenter après deux mandats consécutifs, l’enjeu était de taille pour savoir qui allait lui succéder à la tête de la première puissance économique et démographique africaine. Comme attendu, c’est le candidat de la majorité sortante, Bola Tinubu, qui a été déclaré vainqueur au premier tour.

Pour autant, la victoire est plus serrée qu’il n’y paraît. Avec 36% des suffrages exprimés, le président nouvellement élu totalise un nombre de voix historiquement bas ; ce qui peut s’expliquer par l’émergence d’une troisième force politique dans un système traditionnellement bipartisan.

L’autre enseignement de ces élections est le niveau très bas de la participation qui a été de seulement 27%. Le nouveau président hérite donc d’un pays politiquement divisé et caractérisé par une profonde désaffection de la population. Or, les chantiers à venir sont immenses, en particulier sur le plan économique.

Le Nigéria fait du surplace avec une croissance du PIB qui peine à dépasser les 3%, soit le rythme de progression de la population. Plus inquiétant, la stabilité macroéconomique continue de se détériorer. L’inflation est supérieure à 20% et l’économie souffre de pénurie de dollars, ce qui alimente de fortes pressions sur le taux de change parallèle, dont l’écart avec le cours officiel est de plus 60%. Surtout, les marges de manœuvre financière se considérablement réduites, conséquence d’un déficit budgétaire qui s’est encore creusé en 2022 à 6,2% du PIB et à des charges d’intérêts de la dette qui absorbent désormais près de la moitié des ressources de l’État.

Le Nigéria n’a donc pas tiré profit de l’envolée des cours du pétrole en 2022. Il y a deux principales raisons à cela. Premièrement, la production de pétrole est tombée à seulement 1,1 million de barils/jour l’an dernier, un niveau nettement en deçà des quotas OPEP alloués au pays. En 2019, le Nigéria en produisait 1,9 million. Deuxièmement, la décision de ne pas toucher au système de subventions pétrolières a coûté à l’État plus de 2 points de PIB, ce qui est considérable lorsqu’on considère que les revenus budgétaires du pays sont de l’ordre de 7% du PIB.

Point positif, la remise en route de deux importants pipelines a permis à la production pétrolière de se redresser en fin d’année, et la méga-raffinerie de Dangote devrait enfin être opérationnelle. Pour un pays qui importe la quasi-totalité de son pétrole raffiné, cela devrait permettre d’alléger la pression sur les comptes extérieurs.

Mais il en faudra plus pour restaurer la stabilité macroéconomique. Dans ce contexte, l’on surveillera de près la position de la nouvelle administration sur le sujet sensible des subventions énergétiques. Officiellement, elles sont censées s’arrêter à partir de juin mais un report n’est pas à exclure. La question du taux de change devrait également rapidement refaire surface. Si une flexibilisation n’est pas à l’ordre du jour, la plupart des observateurs s’attendent à un ajustement du cours officiel du Naira à partir du second semestre 2023, pour corriger une partie de la surévaluation de la monnaie. Sans cela, les flux de capitaux extérieurs ne reviendront pas, laissant le Nigéria de plus en plus exposé aux fluctuations des cours du pétrole.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE