L’activité économique s’est nettement affaiblie au cours de ces trois derniers trimestres. Au T1 2023, le recul du PIB s’explique principalement par le repli de la demande intérieure. Pour 2023, le scénario d’une faible récession semble se dessiner ne serait-ce qu’en raison d’un acquis de croissance fortement négatif. De plus, les perspectives d’un rebond sont faibles à court terme car l’inflation reste très élevée et le marché de l’immobilier donne des signes de faiblesse. En 2022, les déficits budgétaire et courant se sont accentués en raison du choc énergétique. Mais les ratios d’endettement (public et externe) se sont peu aggravés. En 2023, les comptes externes devraient s’améliorer grâce à la relative détente des prix des matières premières et de l’énergie.
La récession se poursuit
L’économie hongroise a enregistré une croissance négative au cours des trois derniers trimestres. Le PIB réel a reculé de 0,3% t/t au T1, après -0,6% au quatrième trimestre 2022 et -0,8% au troisième trimestre. La demande intérieure, en perte de vitesse, en est principalement responsable. La consommation des ménages et le déstockage ont contribué négativement à l’évolution du PIB. En revanche, les exportations nettes se sont améliorées au T1. Elles n’ont cependant pas permis de compenser l’affaiblissement de la demande intérieure.
Cette année, la Hongrie pourrait afficher une moins bonne performance économique que ses voisins d’Europe centrale et orientale. Plusieurs éléments viennent en appui à ce scénario. Premièrement, le pays accuse déjà un acquis de croissance négatif de -1% pour 2023 au T1. L’inflation, bien plus élevée dans la région, va encore peser sur la croissance car les salaires augmentent moins vite que les prix à la consommation depuis août 2022. Par ailleurs, le niveau des taux d’intérêt n’est pas favorable à la demande de nouveaux crédits. Ensuite, la politique budgétaire apportera un soutien relativement faible à l’économie compte tenu des efforts de consolidation entamés durant l’été 2022. L’objectif des autorités est de ramener le déficit budgétaire à 3,9% du PIB en 2023 puis à 2,9% en 2024 même si cela semble optimiste, notamment pour 2023.
Ainsi, les perspectives d’amélioration de l’activité économique sont faibles à court terme. Les indicateurs conjoncturels, tels que la production industrielle, les ventes au détail, les intentions d’achat des ménages pour la période en cours et à venir se sont détériorées ces derniers mois. La production a baissé de 3,6% g.a. en avril après -2,9% et -1% les mois précédents. Le recul des ventes au détail a été plus prononcé (-12,0% en g.a. en avril ; -12,7% en mars ; -8,4% en février). Fait marquant, la production industrielle et les ventes au détail sont repassées en dessous de leur niveau d’avant-Covid-19 en avril.
L’investissement s’est contracté ces derniers trimestres (T1 2023:-6,7% en g.a. T4 2022 :-6,9% ; T3 2022:-0,9%) et ne devrait guère se redresser dans les prochains mois. En effet, les investissements publics prévus cette année seront sans doute reportés en raison des économies budgétaires et l’absence des fonds européens, suspendus par l’Union européenne depuis 2022. L’investissement privé sera lui freiné par le ralentissement dans l’industrie. La dégradation de la confiance dans le secteur manufacturier, reflétée par les indices PMI et ceux de la Commission européenne, ne plaide pas en faveur d’un rebond significatif de l’industrie à court terme. De même, le renchérissement du coût de financement des entreprises, sous la forme de crédits bancaires ou d’émissions obligataires, ne peut que freiner les nouveaux projets d’investissements. La demande extérieure va, quant à elle, probablement s’affaiblir les trimestres prochains. L’économie allemande est déjà entrée en récession au T1 2023, ce qui va peser sur les exportations hongroises, l’Allemagne représentant à elle seule 25,2% des exportations hongroises en 2022). Par ailleurs, la compétitivité-prix à l’exportation de la Hongrie pourrait se dégrader si la trajectoire haussière de la devise, observée depuis janvier 2023, devait se poursuivre. Le forint hongrois s’est, en effet, apprécié face à l’euro et au dollar, de respectivement de 7,1% et de 9,7% au premier semestre après une année 2022 marquée par de fortes pressions baissières. Pour l’instant, le taux de change effectif nominal n’est pas surévalué car il se situe 10% en dessous de la tendance de ces dix dernières années.
En 2024 et 2025, l’activité économique devrait se redresser grâce au rebond attendu de la demande mondiale et au reflux de l’inflation. De même, l’économie pourrait bénéficier du report de certains projets d’investissements initialement prévus en 2023.
Désinflation lente
Parmi les pays de l’Union européenne, la Hongrie détient, de loin, le taux d’inflation le plus élevé. En mai, il s’est établi à 21,5% en glissement annuel contre 10-15% en moyenne dans la région. Cet écart avec les autres pays d’Europe centrale s’explique par la levée du gel de prix sur les carburants en décembre dernier. En outre, les pressions haussières sur les prix des biens alimentaires sont comparativement plus fortes que dans les pays voisins. La raison tient aux plafonnements des prix de certains biens alimentaires qui ont engendré, a priori, des pénuries. Parallèlement, la hausse des prix déplafonnés s’est répercutée sur d’autres produits alimentaires. L’inflation des prix des biens alimentaires était encore de 34,1 % en g.a. en mai, le pic ayant été atteint en décembre dernier (47,9%).
Le point haut de l’inflation semble avoir été atteint en janvier 2023. Toutefois, la désinflation sera lente en raison des pressions salariales relativement fortes. En 2024, la Hongrie continuera d’afficher très probablement le taux d’inflation le plus élevé dans la région. Les nouvelles mesures fiscales (augmentation des taxes sur le carburant, l’alcool et le tabac en 2024, taxe sur les intérêts, etc.), annoncées par le gouvernement pour consolider les comptes publics, auraient un impact de l’ordre +0,7 à 1,0 point sur l’inflation en 2024 selon les estimations de la Banque centrale.
Cette situation devrait conduire les autorités monétaires à maintenir leur taux directeur inchangé à 13% (après le relèvement musclé de 1010 pb de T1-T3 2022) pendant un certain temps. La baisse du taux directeur ne devrait pas avoir lieu avant 2024. Notons tout de même que la Banque centrale a baissé le taux prêteur au jour le jour à 18,5% (650 points de base en cumul depuis avril 2023). Ce taux constitue le plafond du corridor de taux de la Banque centrale, c’est-à-dire le taux de refinancement le plus élevé pour les banques.
Le marché immobilier s’essouffle
L’environnement des taux d’intérêt n’est pas sans conséquence sur le marché immobilier. Dans l’ensemble des pays d’Europe centrale, on observe un retournement du marché immobilier depuis avril/mai 2022. En réponse au renchérissement du coût du crédit résidentiel, les nouveaux crédits à l’habitat ont fortement reculé (73,2% en g.a. en avril 2023). De même, au T1 2023, les transactions immobilières ont baissé de 43% sur un an selon le dernier rapport de la Banque centrale de Hongrie sur le secteur immobilier. La baisse du nombre de permis de construire de nouveaux logements traduit la perte de confiance des constructeurs et des promoteurs qui font face à une baisse de la demande de logements. Parallèlement, les coûts dans la construction ont augmenté en raison de la hausse des prix des matériaux de construction et des pressions salariales. Pour l’instant, les prix résidentiels (en nominal) continuent d’augmenter mais à un rythme très fortement ralenti, après plusieurs années de hausse soutenue. Une baisse des prix des logements semble inévitable à court terme compte tenu de l’ampleur du repli des transactions immobilières.
Notons que, comme en République tchèque et en Slovaquie, les crédits hypothécaires en Hongrie sont majoritairement contractés à taux fixe. Par conséquent, le renchérissement du coût du crédit a surtout concerné les nouveaux emprunts. Ainsi, pour soutenir les ménages, les autorités hongroises ont gelé les taux d’intérêt liés aux nouveaux crédits immobiliers, depuis début 2022.
Des déficits moins importants en 2023
L’année 2022 a été marquée par des déséquilibres macroéconomiques importants tandis que le pays était confronté à une suspension des fonds européens.
En 2022, le déficit budgétaire a atteint 6,2% du PIB, dépassant largement l’objectif officiel de 4,9% en raison des mesures de soutien aux ménages et aux entreprises mises en place à la suite du choc des prix de l’énergie. De même, les charges d’intérêts, en forte hausse, ont atteint 8,3% des recettes fiscales au T4 en 2022. Le déficit aurait toutefois été plus prononcé sans les mesures de consolidation budgétaire instaurées au second semestre 2022.
L’augmentation des prix de l’énergie a aussi creusé le déficit courant à 8,2% du PIB en 2022 après -3,9% en 2021 et -1,1% en 2020. La dette externe a augmenté de 3,6 points à 88,3% du PIB. Toutefois, l’économie hongroise a bénéficié de flux de capitaux importants en dépit des incertitudes liées à la guerre en Ukraine. Les flux de portefeuille et des investissements directs étrangers ont permis de compenser le déficit courant à hauteur de 60%.
En 2023, quelques éclaircies se profilent à l’horizon. Avec l’inflation, le ratio de dette publique rapportée au PIB devrait continuer de baisser même si la croissance ralentit. Ce ratio devrait s’améliorer au cours des trois prochaines années même si les objectifs de réduction des déficits ne sont pas tout à fait respectés. Le solde courant devrait bénéficier d’un certain répit grâce à la détente des prix des matières premières sur les marchés internationaux. D’ailleurs, la balance commerciale a enregistré un excédent au premier trimestre. Le déficit courant s’est établi à EUR 0,8 mds au T1 2023 en comparaison de EUR 2,1 mds au T1 2022. De plus, les flux nets de capitaux sont restés positifs au T1 2023.
Cynthia Kalasopatan