Le scénario d’un ralentissement de la croissance du PIB dans les économies émergentes en 2023 repose sur deux hypothèses : le ralentissement du commerce mondial et l’impact récessif du diptyque inflation/resserrements monétaires. La première hypothèse n’en est plus une : les exportations se sont déjà contractées au cours des derniers mois pour les pays avancés comme pour les pays émergents. Bonjour et bienvenue pour vos 2 minutes d’économie.
L’essentiel de l’impact récessif des resserrements monétaires est probablement encore à venir car l’épargne accumulée durant la pandémie de Covid-19 et les mesures de soutien aux revenus des ménages ont permis à la consommation de résister à l’érosion inflationniste, d’autre part l’effet de la hausse des taux d’intérêt sur le crédit est encore peu visible.
En revanche, le ralentissement du commerce mondial est déjà très marqué. D’après les estimations du Centraal Planbureau hollandais, si on compare la moyenne novembre 2022-janvier 2023 et celle des trois mois précédents, les exportations en volume se sont contractées de 2,7% (-1,9% pour les économies avancées et 4,3% pour les économies émergentes), alors qu’elles progressaient encore sur une pente de 3% par an mi-2022.
En mars et mesurée en moyenne sur 12 mois, les exportations chinoises mesurées en dollars sont en recul de 2% par rapport à leur point haut de septembre 2022. Autres indicateurs concordants, l’opinion des industriels sur l’évolution des carnets de commandes à l’exportation était en dessous de 50 qui est la valeur-frontière entre la zone de contraction et celle d’expansion.
Depuis le début des hostilités commerciales entre les deux pays en 2017, les échanges extérieurs ont connu une vraie rupture, d’après le Petersen Institute for International Economics. Ainsi, pour le matériel de transport terrestre ou aérien, l’effet du découplage est très marqué ; les exportations d’avions et de motorisation ont été divisées par trois entre 2017 et 2022 et les exportations d’automobiles, de camions et de pièces détachées par 2,5. Enfin, les exportations de services ont diminué d’environ 30%.
Les conséquences du découplage entre les États-Unis et la Chine sur les échanges extérieurs des pays émergents sont multiples avec des effets potentiellement opposés. Premièrement, l’augmentation des barrières tarifaires ou des interdictions et restrictions aux échanges a apriori des effets récessifs via le jeu du multiplicateur du commerce international. Deuxièmement, la réorganisation ou le raccourcissement des chaînes de valeur ont des effets récessifs également si le pays n’est qu’un simple maillon au sein des chaînes existantes, sans capacité de renforcer sa position parmi les fournisseurs ; dans ce cas, le pays subira, au mieux, les répercussions de la hausse des tarifs extérieurs, au pire, il sera évincé des nouvelles chaînes de valeur.
Mais la réorganisation des chaînes de valeur peut avoir un effet bénéfique si le pays peut se substituer aux États-Unis ou la Chine comme fournisseur ou s’il renforce sa position comme fournisseur intermédiaire du fait de l’éviction d’autres pays.
On pourrait penser que les pays les plus industrialisés, disposant d’un appareil productif diversifié et proche géographiquement de la Chine ou des États-Unis, seront parmi les gagnants. Or, d’après le FMI, entre 2018 et 2022, la part du Japon et de la Corée du Sud dans les importations chinoises a diminué alors que celles de l’Inde, de la Malaisie et du Vietnam ont augmenté. Vis-à-vis des États-Unis, le Mexique devrait a priori tirer son épingle du jeu mais ce n’est pas encore le cas ; la part des exportations de produits manufacturés mexicains dans le total des importations américaines (hors pétrole) n’a en effet que modérément augmenté (de 14,8% à 15,6%) entre 2018 et 2022.