Un mois de tractations supplémentaire – les députés britanniques devaient initialement s’exprimer le 11 décembre 2018 - n’aura donc pas suffit à la première ministre britannique, Theresa May, pour obtenir le soutien de sa propre majorité, ni l’engagement de l’UE sur une durée limitée du « backstop »[1], voire son évitement. Ce dernier constitue en effet le principal point d’achoppement du projet d’accord pour la sortie du Royaume-Uni de l’UE, mais pas le seul puisque les voix en faveur d’un second referendum se font de plus en plus pressantes, remettant en cause le principe même du Brexit. Ce dernier scenario a été alimenté par l’avis de la Cour de Justice de l’UE du 10 décembre 2018, selon lequel le Royaume-Uni est « libre de révoquer unilatéralement (…) son intention de se retirer de l’Union européenne ». L’issue d’un second referendum serait toutefois hautement incertaine, compte tenu des sondages.
À défaut d’être annulé, le Brexit pourrait être reporté si le gouvernement britannique le demande. L’UE y réfléchirait, tout en étant contrainte par les élections législatives européennes prévues entre le 23 et le 26 mai 2019 puisque le Parlement européen doit lui aussi entériner l’accord de retrait – si accord il y a. Les députés européens actuellement en fonction sont censés tenir leur dernière session plénière du 16 au 18 avril 2019, tandis que le parlement prochainement élu, sans représentant britannique, prendra ses fonctions tout début juillet 2019. Dans ces conditions, l’UE pourrait reculer l’échéance de l’Article 50 au-delà du 29 mars afin de laisser du temps au Royaume-Uni pour que ses députés adoptent un texte, convoquer des élections législatives nationales, ou encore soumettre à nouveau le sujet à l’avis de sa population. Reste à savoir quel délai sera accordé et s’il sera suffisant pour trouver une solution au dénouement de ce Brexit.
Poursuite des activités financières
En cas de Brexit, avec ou sans accord, le Royaume-Uni deviendra un pays tiers et sera a priori soumis au régime des équivalences s’agissant de ses échanges de services financiers avec l’Espace économique européen (EEE)[2] en lieu et place des passeports européens en vigueur jusque-là. À cet égard, l’adoption du projet d’accord sur le Brexit par les députés britanniques ce 15 janvier n’aurait pas eu d’autre effet que de retarder la perte de ces passeports à la fin de la période de transition prévue puisque l’UE refuse de les répliquer au bénéfice du Royaume-Uni après son retrait. Or le régime des équivalences est nettement moins avantageux et stable que celui des passeports. Soumis à acceptation par les autorités européennes, il peut être accordé pour une durée limitée et porte sur des champs géographiques et d’activités moins larges. Autant de restrictions qui risquent d’entraver l’accès des sociétés européennes à la place de Londres et réciproquement pour les sociétés britanniques. Ce changement de régime requérrait également une modification de statut des sociétés britanniques et européennes désireuses de poursuivre leurs activités dans l’EEE pour les premières, et au Royaume-Uni pour les secondes.
Ceci étant, le secteur financier passe pour être l’un des mieux préparé, y compris à une sortie sans accord. Dans cette perspective, la Commission européenne estime cependant qu’un arrêt brutal de l’accès des sociétés européennes aux chambres de compensation londoniennes pourrait affecter la stabilité financière de l’UE. C’est pourquoi elle est prête à autoriser cet accès durant les 12 mois suivants une éventuelle sortie sans accord pour laisser le temps aux sociétés européennes de s’adapter et aux chambres de compensation londoniennes d’obtenir les équivalences nécessaires à la poursuite de leurs activités avec l’EEE.