Au cours des 15 derniers jours, la livre turque s’est dépréciée de 21% par rapport à l’euro dont plus de 10% la seule journée du 23 novembre. Parallèlement, les rendements des obligations d’Etat à 10 ans ont franchi la barre des 20%. Cet accès de fièvre fait suite à i/ une nouvelle baisse du taux directeur de la banque centrale le 19 de 16% à 15% malgré l’accélération de l’inflation qui a atteint 19,9% en glissement annuel en octobre et ii/ les déclarations du Président Erdogan justifiant l’assouplissement monétaire au nom d’une nouvelle politique économique, le président ayant demandé au conseil national de sécurité de décréter l’état de « guerre d’indépendance économique ». Le président a également fustigé les comportements spéculatifs opportunistes qui profitent de la dépréciation de la livre pour augmenter les prix.
L’axe principal de la nouvelle politique économique est d’améliorer la compétitivité des exportations, ce que faciliterait la dépréciation du change. De ce fait, la priorité de la banque centrale est de réduire le déficit courant qui serait la cause première de la faiblesse de la livre, et non de combattre l’inflation. Le paradoxe est que le déficit courant a été divisé par deux passant de USD 35 mds en 2020 à 18,4 mds en septembre 2021 en cumul sur 12 mois grâce justement à de bonnes performances à l’exportation. La balance des capitaux (y compris les erreurs et omissions) a même dégagé un très fort excédent permettant une reconstitution des réserves de change qui atteignaient USD 88 mds (or exclu) au 21 novembre contre USD 50 mds en début d’année. Les marchés continuent donc de sanctionner une politique monétaire qui, à leurs yeux, devrait se focaliser sur l’inflation. Et, malgré la pression sur le change, ils n’anticipent pas de changement de cap brutal, comme ce fut le cas en septembre 2020.