Au Royaume-Uni, les marchés financiers ont été récemment confrontés à une «ruée sur les liquidités » qui a amené les investisseurs à céder des actifs, y compris sûrs, comme les obligations d’État, pour obtenir des liquidités. Le catalyseur a été l'annonce d'une politique budgétaire expansionniste. Celle-ci pourrait obliger la Banque d'Angleterre à relever plus fortement les taux d'intérêt compte tenu de possibles conséquences inflationnistes. L’effet de levier et les appels de marge qui en ont découlé ont accéléré la hausse des rendements du Gilt. Cette situation montre la nécessité de coordonner les politiques économiques. En cas d'inflation élevée due à un choc d'offre, cela signifie un resserrement monétaire pour amorcer la désinflation, un soutien ciblé de la politique budgétaire à ceux qui souffrent le plus de l'inflation, et une politique macroprudentielle qui s'attaque aux conséquences de la volatilité du marché et à l'augmentation importante des rendements obligataires.
Les marchés financiers britanniques ont récemment été confrontés à une «ruée sur les liquidités». Cette expression désigne une situation de «flight to safety» amenant les investisseurs à céder des actifs, y compris sûrs, comme les obligations d’État, pour obtenir des liquidités1. L’analyse de ce phénomène et des facteurs à l’œuvre apporte un éclairage utile en faveur d’une coordination des politiques économiques.
La préférence accrue des investisseurs britanniques pour les liquidités peut être due à leur volonté de réduire le risque de taux dans leurs portefeuilles. Le principal facteur, néanmoins, a été l’augmentation de la demande de liquidité des investisseurs endettés devant la nécessité de couvrir les appels de marge sur les positions de produits dérivés ; celles-ci ont été, directement ou indirectement, malmenées par la flambée des rendements des emprunts d’État britanniques (Gilts).
Comme cela a été rapporté par les médias, plusieurs fonds de pension ont procédé à des ventes forcées d’obligations souveraines afin d’obtenir des liquidités pour faire face aux exigences en matière de collatéral, une décision qui a amplifié l’augmentation des taux d’intérêt à long terme. La remontée des rendements s’est alors autorenforcée.
Selon le Comité de politique financière de la Banque d’Angleterre, on pouvait craindre « un risque important pour la stabilité financière du Royaume-Uni en cas de persistance ou d’aggravation des dysfonctionnements du marché. Cela pourrait conduire à un resserrement injustifié des conditions de financement et à une réduction du flux de crédit vers l’économie réelle »2. Ainsi, le Comité a décidé de procéder à des rachats temporaires d’obligations d’État britanniques à maturité longue afin de ramener le calme sur le marché de la dette3 .
La tempête qui a secoué le marché obligataire a, d’abord, été déclenchée par l’annonce d’un «mini-budget» le 23 septembre dernier, prévoyant des baisses d’impôt à hauteur de 45 milliards de livres, un niveau inégalé depuis 19724 . Les rendements des emprunts d’État se sont envolés (graphique 1) devant le risque d’un accroissement des besoins d’emprunt, dans un contexte de réduction de la taille du bilan de la Banque d’Angleterre (resserrement quantitatif). La perspective de nouveaux tours de vis par la banque centrale, pour compenser les conséquences inflationnistes à moyen terme d’une politique budgétaire expansionniste, a constitué un autre facteur.
Enfin, le plongeon de la livre sterling à un plus bas historique face au dollar (graphique 2) a aggravé le risque d’une nouvelle hausse de l’inflation et contribué à la flambée des rendements obligataires. La chute de la monnaie britannique est le résultat des inquiétudes portant sur la crédibilité de la politique budgétaire – quand l’expansion budgétaire sera-t-elle suivie par un mouvement dans la direction opposée ? –ainsi que sur celle de la politique monétaire – la Banque d’Angleterre fera-t-elle tout ce qui est en son pouvoir pour faire face aux risques d’inflation accrus ?
La crédibilité joue un rôle important dans la conduite de la politique économique, surtout dans le cas au Royaume-Uni, un pays qui accuse un déficit de la balance des opérations courantes et qui dépend de la volonté des investisseurs étrangers de couvrir le déficit de financement des secteurs domestiques (ménages, entreprises et secteur public). Par ailleurs, le bond des rendements des Gilts a entraîné dans son sillage l’augmentation des taux obligataires à l’étranger, y compris aux États-Unis (graphique 3). Les marchés obligataires mondiaux sont fortement corrélés en temps normal et encore plus en cas de mouvements de grande ampleur comme ceux observés ces derniers jours.