Le ciel conjoncturel ne cesse de s’assombrir au-dessus de la zone euro. Le bilan des premières données disponibles pour septembre n’est pas bon et cela se voit sur notre baromètre. Au niveau des données d’enquêtes, la zone bleue (relative aux conditions récentes) se rétracte par rapport à la ligne pointillée (relative aux conditions des quatre mois précédents) et même, sur certains indicateurs, par rapport au dodécagone gris (la moyenne de long terme). La situation est inverse pour les données d’inflation.
De fait, l’inflation a franchi un nouveau cap, en atteignant 10% en g.a. en septembre selon l’estimation préliminaire d’Eurostat. Non seulement l’inflation atteint les deux chiffres – c’était prévisible mais ce n’en est pas moins une mauvaise nouvelle – mais sa hausse de 0,9 point par rapport à juillet est généralisée à l’ensemble de ses principales composantes. L’accélération des prix des produits manufacturés contribue à hauteur de 0,1 point, celle des prix des services de 0,2 point et l’énergie et l’alimentaire pour 0,3 point chacun.
Certes, la nouvelle hausse de l’inflation n’est pas généralisée à l’ensemble des États membres de la zone euro. Elle a baissé dans six d’entre eux, de 0,8 point en moyenne. Ce n’est pas négligeable mais c’est insuffisant par rapport à la hausse moyenne de 1,1 point dans les treize autres pays, qui pèsent plus lourd. La France continue de se démarquer avec le taux d’inflation le plus bas de la zone euro (6,2% en g.a.), en baisse de 0,4 point par rapport à juillet. L’inflation a aussi nettement reflué en Espagne (de 1,2 point, à 9,3% en g.a., repassant ainsi sous la barre des 10%). Mais la nouvelle hausse de l’inflation en Italie (+0,4 point, à 9,5% en g.a.), et plus encore en Allemagne (+2,1 points, à 10,9% en g.a.), emporte la donne.
Septembre marquera-t-il le pic de l’inflation dans la zone euro ? L’incertitude reste grande. Ce qui est nettement moins incertain (voire certain), c’est le temps long que prendra l’inflation pour revenir à l’objectif de 2%. Fin 2023, selon nos prévisions, l’inflation serait encore supérieure à 3% en g.a. et fin 2024, elle serait tout juste à la cible, sachant que ces prévisions sont assorties d’un risque haussier clair. Face à cette situation, nous pensons désormais que la BCE poursuivra la remontée de ses taux directeurs même une fois le niveau neutre estimé atteint (2%), et qu’elle les portera au-delà, en territoire restrictif (3% pour le taux de dépôt). La hausse cumulée d’ici la fin de l’année atteindrait 150 pb (deux fois +75 pb en octobre et décembre, au lieu de +75 pb et +50 pb) et elle se prolongerait au T1 2023 (+50 bp en février, +25 pb en mars).
Ce resserrement monétaire à marche forcée aura lieu alors que l’économie semble se diriger vers une récession. Les enquêtes de la Commission européenne pour le mois de septembre pointent dans cette direction, de même que les indices PMI (légèrement sous le seuil des 50 depuis juillet pour l’indice composite). Comme l’inflation, la nouvelle détérioration de l’indicateur du sentiment économique de la Commission (ESI) en septembre est non seulement marquée (-4 points sur un mois) mais aussi généralisée à tous les secteurs d’activité (comme en juillet). Or, par le passé, lorsqu’une telle baisse généralisée a été observée, elle coïncidait avec un épisode récessif. Aujourd’hui, nous ne disposons que deux observations de ce type mais la baisse enregistrée est importante, et il faut s’attendre à ce qu’elle se reproduise à l’horizon des prochains mois.