La croissance est restée assez élevée en 2020/21 grâce principalement au dynamisme de la consommation des ménages et au soutien modéré de la dépense publique. Cela a soutenu les secteurs du commerce de détail et de la construction. Poursuivant une gestion des finances publiques prudente, le gouvernement a dégagé un déficit budgétaire en léger repli en 2020/21. Cette amélioration devrait se poursuivre cette année, malgré une possible pression à la hausse sur les dépenses courantes. Le principal obstacle à une politique budgétaire plus ambitieuse reste le service de la dette du gouvernement, qui, malgré de meilleures conditions de financement, ne se réduira que très graduellement. Concernant les comptes extérieurs, à la question de l’attractivité de la dette égyptienne dans un contexte de resserrement monétaire attendu aux États-Unis, il faut ajouter la vulnérabilité des déficits courants soumis à la rigidité des importations, à la hausse du prix des matières premières et à la reprise incertaine du tourisme.
Dynamisme de la consommation des ménages
L’activité économique s’est maintenue à un niveau assez élevé (3,3%) au cours de l’année fiscale 2020/21 grâce au soutien de la consommation des ménages. Cette performance est notable si on la compare aux autres pays émergents, et si l’on considère les difficultés rencontrées par le secteur du tourisme en période de pandémie.
Depuis le début de 2020, la consommation privée n’a pas connu un seul trimestre de contraction. Les restrictions de mouvement liées à l’épidémie de Covid-19 ont été très temporaires et n’ont eu que des conséquences limitées sur l’activité.
Le crédit aux ménages (hors immobilier) est resté très soutenu. Il connaît une croissance moyenne de plus de 30% en g.a. depuis fin 2019, et représentait environ 8,5% du PIB en juin 2021 (6,7% à fin 2019). En termes réels, la progression du crédit est significative depuis mi-2019 (supérieure à 20% en g.a.) étant donné le repli de l’inflation.
Parallèlement, les transferts des Égyptiens expatriés (principalement dans les pays du Golfe) ont été très élevés en 2020/21, malgré une situation économique difficile dans le Golfe en 2020 et l’accélération des politiques de nationalisation du marché du travail. Ces transferts ont progressé de 13% en 2020/21 pour atteindre USD 31,4 mds, soit environ 40% des revenus des comptes courants. Cette progression semble être liée à la cession d’actifs de la part d’expatriés quittant le Golfe et à des transferts financiers contraints d’être officialisés en raison des restrictions de déplacement entre les pays. Par ailleurs, si le soutien de la politique budgétaire est resté modéré, le revenu des catégories de population les plus pauvres a bénéficié d’aides ciblées de la part du gouvernement.
En revanche, l’évolution de l’investissement continue de peser sur l’activité (-50% en g.a. au cours des trois premiers trimestres de 2020/21), après un repli de 20% en 2019/20. Cela s’explique notamment par la baisse de 80% de l’investissement dans le secteur des hydrocarbures (environ 18% de l’investissement total).
D’un point de vue sectoriel, la bonne tenue de la consommation a profité au commerce de détail. Sans surprise, les secteurs de la construction (+6,8% en 2020/21) et de l’immobilier (17% du PIB pour l’ensemble) alimentent également l’activité, soutenus par les grands projets urbains et d’infrastructure. Au contraire, le secteur manufacturier (16% du PIB) s’est replié de 5,8% au cours de l’année 2020/21.
À court terme, nous anticipons une augmentation de la croissance à 5,6% pour l’année 2021/22. Les indicateurs avancés d’activité ont rebondi depuis juin 2021. L’indice de production industrielle a fortement accéléré depuis la fin du premier trimestre 2021, tandis que les indicateurs de mobilité sont en zone de reprise d’activité depuis le mois de juin. Par ailleurs, le budget 2021/22 prévoit des hausses de salaire et des retraites dans le secteur public. Concernant l’activité touristique, la levée des restrictions concernant les arrivants de certaines destinations ainsi que le possible reflux de la pandémie au niveau mondial devraient soutenir une hausse très progressive de la fréquentation.
Poursuite de l’assainissement budgétaire
Dans un contexte de relatif dynamisme de l’activité, les mesures de soutien budgétaire ont été limitées (environ 2% du PIB, mais seule une partie a été effectivement dépensée) et ciblées, notamment vers les catégories les plus défavorisées et les secteurs les plus exposés. Parallèlement, certaines taxes à caractère exceptionnel ont permis d’amortir les conséquences du ralentissement économique sur les recettes du gouvernement. D’une manière plus structurelle, les recettes budgétaires bénéficient de la mise en place de mesures améliorant la collecte des revenus depuis 2019, telles que l’automatisation et la digitalisation de certaines recettes, ainsi que l’élargissement de l’assiette fiscale. Selon des sources gouvernementales, ces mesures auraient contribué à environ 15-20% de la hausse des recettes budgétaires constatée durant les trois premiers trimestres de 2020/21. Au total, celles-ci ont augmenté de 15% sur cette même période.
De leur côté, les dépenses totales n’ont augmenté que de 11%. Le solde budgétaire primaire restera positif en 2020/21 (équivalant à environ 1,4% du PIB) et permettra la baisse du déficit budgétaire étant donné la quasi stabilité de la charge d’intérêt (+1% en durant les trois premiers trimestres de 2020/21). Ce déficit est estimé à 7,4% du PIB sur l’ensemble de l’année contre 8% en 2019/20. Le service de la dette reste le principal poids qui pèse sur les finances publiques. Bien qu’il soit en légère baisse à environ 54% des recettes budgétaires totales (contre 58% en 2019/20), il reste élevé et réduit fortement la marge de manœuvre des politiques publiques.
Le déficit budgétaire devrait continuer de baisser en 2021/22 (attendu à 6,9% du PIB) dans un contexte d’accélération de l’activité et malgré la hausse de la masse salariale du secteur public. Les risques pesant sur ce scénario central sont notamment l’évolution du prix des matières premières alimentaires et énergétiques. Les subventions alimentaires représentent 5% des dépenses budgétaires totales et ont augmenté de plus de 10% sur les neuf premiers mois de l’année budgétaire 2020/21. Le prix du blé sur le marché mondial – dont l’Égypte est le premier importateur mondial – a augmenté de 11% depuis fin juin 2021.
Les conséquences de la hausse des prix du pétrole sont moins évidentes étant donné la fin officielle des subventions sur les produits pétroliers depuis 2019. Néanmoins, le mécanisme d’ajustement trimestriel des prix de vente au détail (dans la limite de 10%) en lien avec les prix sur le marché international n’est pas automatique. Une hausse de 40% du prix du pétrole étant attendue en 2021/22, l’insuffisance de l’ajustement des prix de vente pourrait représenter un coût supplémentaire pour les finances publiques.
Le service de la dette devrait continuer de fléchir, mais à un rythme plus lent. L’arrêt attendu du cycle de baisse des taux de la banque centrale devrait maintenir les taux des émissions de dette en monnaie locale à un niveau élevé. L’allongement des maturités sur le marché local (les émissions nettes de Tbonds sont supérieures à celles de Tbills depuis 2018/19) et l’émission de dette internationale en devises à moyen-long terme est positive pour la dynamique de dette. Selon le FMI, la maturité moyenne du stock de dette était de 3,38 ans en février 2021 contre 2,1 ans en juin 2016. Cependant, étant donné la pente de la courbe des taux pour les émissions en monnaie locale (écart de 230 points de base à l’émission entre le TBill un an et le Tbond 5 ans à fin septembre 2021), la réduction du service de la dette sera très graduelle.
Vulnérabilité extérieure maîtrisée à court terme
Grâce au soutien du FMI en 2020, à l’émission régulière d’Eurobonds et à l’afflux d’investissements de portefeuille en 2021, la liquidité en devises a atteint un niveau satisfaisant. Les réserves de la banque centrale s’élevaient à USD 40,7 mds à fin août 2021 (USD 53 mds si on inclut les réserves Tier II), équivalant à 6,1 mois d’importations de biens et services. Néanmoins, ce montant reste inférieur d’environ USD 5 mds par rapport à fin 2019. Les risques pesant sur la liquidité extérieure paraissent limités à court terme compte tenu de l’attractivité de la dette égyptienne (le taux réel des émissions à dix ans est actuellement à 9,2%). Cependant, le besoin de financement extérieur reste significatif (plus de USD 30 mds si on prend en compte la dette à court terme du secteur public détenue par les non-résidents et que l’on suppose le renouvellement des dépôts des pays du Golfe auprès de la banque centrale) et des vulnérabilités persistent. Ainsi, le déficit courant est élevé (estimé à 4,2% du PIB en 2020/21, soit plus de USD 16 mds) étant donné la rigidité à la baisse des importations et la faiblesse de l’activité touristique.
À court terme, l’accélération de la croissance devrait favoriser la hausse des importations, tandis que la reprise de la fréquentation touristique serait progressive. La hausse des prix du pétrole devrait creuser le déficit des comptes énergétiques. Par ailleurs, la pérennité de la hausse des exportations de GNL constatée depuis mi-2020 reste à confirmer.
En 2021/22, le déficit courant devrait atteindre 2,8% du PIB. Au vu des perspectives mitigées en matière d’investissements directs étrangers (en baisse de 19% durant les trois premiers trimestres de 2020/21, et nous gardons une prévision prudente pour 2021/22 d’un montant d’IDE entrants équivalents à 2% du PIB), le maintien d’un important volume de dette du gouvernement détenue par les non-résidents – par nature volatile - reste l’élément déterminant de la liquidité en devises. Enfin, Il faut noter que la volonté de la banque centrale de limiter la volatilité du taux de change est potentiellement couteuse en devises, comme l’a montré le début de l’année 2020, et rend incertaine l’estimation du niveau acceptable de réserves de change de la banque centrale.
Achevé de rédiger le 06/10/2021