La situation économique et financière de l’Inde s’est légèrement consolidée depuis l’été. Après avoir enregistré une forte contraction au T2 en raison de la propagation de l’épidémie de Covid-19, l’activité économique a sensiblement rebondi au T3. Elle n’est toutefois pas à l’abri d’une troisième vague épidémique dans la mesure où seulement 20% de la population est entièrement vaccinée. Les perspectives de croissance pour le reste de l’année restent bien orientées. La consommation des ménages va bénéficier du recul de l’inflation et de la hausse des dépenses du gouvernement. Les entrepreneurs restent confiants, même si leurs intentions d’investissement sont encore prudentes. Les taux d’intérêt sur les crédits sont bas et le secteur bancaire, toujours fragile, se porte mieux qu’il y a trois ans. Sur les cinq premiers mois de l’année budgétaire (avril-août 2021), les recettes budgétaires ont fortement augmenté et le gouvernement pourrait réviser à la baisse son objectif de déficit budgétaire pour l’année en cours, de 6,8% à 6,2% du PIB. Le ratio de dette rapportée au PIB, devrait diminuer, au moins cette année, éloignant le risque d’une dégradation de la note souveraine par les agences.
Rebond de la croissance attendu au T3 2021
Corrigée des variations saisonnières, l’activité indienne s’est contractée de plus de 12,7% au deuxième trimestre 2021 par rapport au trimestre précédent selon nos estimations. Cette contraction est la conséquence des mesures de confinement prises pour enrayer la propagation de l’épidémie de Covid-19. Le recul du PIB reste toutefois sans commune mesure avec celui enregistré un an plus tôt.
En outre, dès le mois de juin, les indicateurs d’activité ont rebondi et les résultats d’enquête de juillet-août confirment cette amélioration. Cependant, le niveau d’activité en août était toujours inférieur à ce qui prévalait au T1 2021 et la reprise semble s’essouffler. Les ménages restent beaucoup moins optimistes que les chefs d’entreprises et leur moral peine à rebondir. Bien qu’en baisse, le niveau d’inflation reste élevé (5,3% en août 2021). Le taux de chômage est supérieur au niveau qui prévalait avant la deuxième vague épidémique (7,5% fin septembre 2021) et le niveau de l’emploi a continué de se contracter. Ce dernier a atteint seulement 34,6% alors qu’il s’établissait à près de 40% avant la crise.
De plus, même si la situation financière des entreprises s’est consolidée, l’investissement privé est toujours faible si l’on en croit l’évolution du crédit bancaire et de la production de biens en capital. Sur les sept premiers mois de l’année calendaire, les projets d’investissement restaient inférieurs à ceux de 2020 alors même que les taux d’intérêt ont atteint un point bas au T2 2021 (le taux d’intérêt moyen sur les crédits nouvellement octroyés en roupies était de 7,8% contre 9,3% avant la crise).
Par ailleurs, le pays reste vulnérable à un nouveau choc épidémique car moins de 20% de la population était entièrement vaccinée fin septembre 2021. Au deuxième semestre de l’année budgétaire en cours, la croissance devrait être soutenue par la hausse des dépenses du gouvernement, des exportations qui devraient rester dynamiques et la reprise de l’activité dans les services conjointement à la diffusion du vaccin et à la décélération de l’inflation. D’ici fin 2021, le taux de vaccination pourrait être de 40%.
Légère consolidation des finances publiques
Les finances publiques restent fragiles. Mais sur les cinq premiers mois de l’exercice budgétaire 2021/2022, elles se sont légèrement consolidées, éloignant le spectre d’une dégradation de la note souveraine par les agences de rating.
Au cours de l’année budgétaire 2020/2021, les finances publiques se sont fortement détériorées en raison de l’augmentation des dépenses alors que les recettes sont restées extrêmement modestes. Le déficit du gouvernement a atteint 9,2% du PIB alors qu’il s’élevait à seulement 3,8% du PIB en moyenne au cours des cinq années précédentes. Par ailleurs, on estime que le déficit de l’ensemble des administrations pourrait avoir atteint 13,7% du PIB.
De même, la dette publique représenterait plus de 88% du PIB (contre 72% du PIB un an plus tôt). Même si son financement n’est pas problématique au regard de sa structure peu risquée (en monnaie nationale, à taux fixe et avec une maturité longue), les agences de notation ont mis la note souveraine en perspective négative au regard de la faible base fiscale (les revenus du gouvernement en baisse régulière depuis l’exercice 2017/2018 ne s’élevaient qu’à 8,6% du PIB avant la crise) et de la forte hausse des intérêts (40% des recettes l’année dernière) conjointement à la hausse de la dette.
Dans son exercice budgétaire 2021/2022, le gouvernement a prévu de réduire son déficit à 6,8% du PIB. Avec une croissance prévue de 14,4% (en termes nominaux), le ratio de la dette rapportée au PIB devrait s’améliorer, si le gouvernement parvient à atteindre son objectif.
La bonne tenue des finances publiques sur les cinq premiers mois de l’année 2021/2022 est encourageante. En effet, seulement 31% du déficit annuel prévu a été atteint sur cette période, ce qui n’avait jamais été le cas depuis l’exercice 2011/2012. Ce bon résultat s’explique par une très forte hausse des recettes (+130% par rapport à la même période en 2019) qui ont atteint 42,4% de la cible annuelle (contre une moyenne de 29% au cours des cinq dernières années), reflet d’une forte augmentation des prélèvements fiscaux (notamment des recettes de TVA).
En revanche, les revenus issus des privatisations pourraient, une fois encore, être bien inférieurs à l’objectif fixé par les autorités. La principale incertitude porte sur l’évolution des recettes sur le reste de l’année. Il semblerait en effet que les bons résultats sur les premiers mois de l’exercice 2021/2022 correspondent à des retards de paiements qui auraient dû être perçus l’année précédente. Si, au contraire, l’amélioration reflète une hausse pérenne de la base fiscal, alors les recettes du gouvernement pourraient atteindre 9,9% du PIB sur l’ensemble de l’année, soit le niveau le plus élevé depuis l’exercice 2013/2014.
Les dépenses n’ont atteint que 22,8% de la cible annuelle. Point positif, la part des investissements en capital a augmenté. De plus, même si le gouvernement a annoncé des programmes de soutien à l’économie en raison de la deuxième vague épidémique, le coût budgétaire direct restera modeste (0,2% du PIB).
Finalement, l’objectif fixé par les autorités de réduire le déficit à 6,8% du PIB semble atteignable. Il pourrait même être révisé à la baisse à 6,2% du PIB. De plus, l’État n’a pas de difficulté à se financer. Le ministère des Finances estime que 55% des émissions nettes de dette seront souscrites directement par la banque centrale qui détenait en juin 2021 plus de 17% de la dette contre seulement 14% un an plus tôt. La part de la dette détenue par les investisseurs étrangers reste extrêmement modeste (6%). En outre, sur la première moitié de l’année budgétaire, le gouvernement n’a rencontré aucune difficulté pour placer ses obligations sur le marché. Il a emprunté à un taux moyen de seulement 6,2% et une maturité moyenne de 16,7 ans.
Secteur bancaire encore fragile mais résistant
En juillet 2021, la Banque centrale indienne (Reserve Bank of India, RBI) a confirmé la bonne résistance du secteur bancaire à la crise de la Covid-19. Bien que toujours fragile, il est plus solide qu’il y a trois ans.
La qualité des actifs s’est améliorée pendant l’année budgétaire 2020/2021. Les créances douteuses ne constituaient en mars 2021 « que » 7,5% des crédits de l’ensemble du secteur bancaire contre un pic de 11,5% en mars 2018. L’adoption par le gouvernement de quatre programmes de prêts garantis aux petites et moyennes entreprises ainsi qu’aux secteurs en grande difficulté, entre mai 2020 et juin 2021, (Emergency Credit Line Guarantee Scheme) a permis de contenir la hausse des risques de crédit. Ces prêts constituent, selon Fitch, plus de 10% de l’encours des crédits du secteur bancaire (i.e. près de 5% du PIB).
Néanmoins, alors que la qualité des actifs s’est consolidée dans les secteurs de l’agriculture, de l’industrie et des services, elle s’est légèrement dégradée pour les prêts personnels, même si la part des crédits risqués reste contenue (2,1% de l’ensemble des prêts personnels). Les secteurs d’activité qui concentrent le plus de prêts risqués restent la joaillerie et la construction.
Dans le même temps, le taux de couverture des créances douteuses par les provisions, bien que toujours modeste, s’est élevé à 68,9% en mars 2021 et le ratio de solvabilité a atteint un niveau satisfaisant de 16%.
Par ailleurs, bien que la situation des banques publiques reste beaucoup plus fragile que celle des banques privées, la banque centrale estimait en juillet qu’elles seraient en mesure de faire face à la hausse des risques de crédit. Dans son scénario central (la croissance atteindrait 9,5% sur l’ensemble de l’année budgétaire en cours), la RBI anticipe une dégradation du ratio de créances douteuses de 7,5% en mars 2021 à 9,8% en mars 2022. Néanmoins, le ratio de solvabilité se maintiendrait à un niveau suffisant (15,5%) pour satisfaire aux exigences réglementaires. En outre, même dans le pire scénario (celui d’une croissance de seulement 0,9%), toutes les banques (y compris les banques publiques) respecteraient le ratio réglementaire de 9%.
La principale inquiétude porte sur la capacité des banques à accroître leur offre de crédit. Depuis deux ans maintenant, la croissance du crédit s’est nettement modérée (+6,1% en glissement annuel en juillet 2021) en particulier dans l’industrie (+1% en g.a. en juillet). Seuls les prêts aux particuliers continuent d’enregistrer une croissance soutenue (+11,2% en g.a).
Pour permettre aux banques de soutenir la reprise, le gouvernement avait annoncé en février 2021 la création d’un organisme de défaisance : la National Asset Reconstruction Company Ltd (NACL). Sa mise en fonction, prévue initialement pour le mois de juin a été retardée et la RBI estimait en septembre dernier que le transfert de la première partie des créances douteuses par les banques publiques et les sociétés financières non bancaires publiques, d’un montant total de INR 900 mds sur les INR 2000 mds prévus (1,8% des crédits i.e. 0,9% du PIB), ne pourrait pas avoir lieu avant la fin 2021.
Achevé de rédiger le 30/09/2021