La troisième vague de contamination de Covid-19 ne devrait pas remettre en cause la dynamique de reprise de l’économie coréenne. La solidité des fondamentaux, la diversification des exportations et le soutien massif des autorités devraient, en outre, permettre de limiter les conséquences de la crise sur les perspectives de croissance à moyen et long terme. En revanche, le vieillissement de la population continue de peser sur la croissance potentielle et les finances publiques, en dépit des diverses réformes structurelles mises en œuvre par le gouvernement. Par ailleurs, la dette des ménages a rapidement augmenté au cours des 18 derniers mois. Les risques de crédit associés sont toutefois limités par la mise en place de mesures macroprudentielles d’une part, et par le niveau confortable des actifs financiers des ménages d’autre part.
Vivre avec la Covid-19
Contrairement à la majorité des pays de la région, la résurgence de l’épidémie, à la fin du deuxième trimestre, n’a pas compromis le rebond d’activité. L’indice de mobilité de Google est remonté à son plus haut dès la mi-septembre (après avoir brièvement décru à la fin du mois d’août), alors même que le nombre de nouvelles contaminations est resté relativement élevé. Les plus âgés et les plus vulnérables étant vaccinés, le nombre de décès est resté relativement bas au cours de cette vague.
Le gouvernement a d’ailleurs annoncé que la stratégie « zéro Covid », associée à des restrictions sanitaires très strictes, serait rapidement abandonnée, dès la fin du mois d’octobre, au profit d’un ensemble de mesures destinées à permettre de « vivre avec la Covid-19 ». L’objectif est de revenir à une « vie normale », en allégeant progressivement les restrictions en place. Le gouvernement se donne également pour objectif d’avoir vacciné (deux doses) 80% de la population totale à la fin de l’année. Le 4 Octobre, près de 80% de la population avait reçu au moins une dose, et 55% avait reçu deux doses.
La reprise se poursuit donc au deuxième semestre 2021, le rebond de la demande interne n’ayant été que marginalement affecté par la récente hausse des cas. Dans le même temps, le marché du travail a continué de se renforcer : le taux de chômage a baissé de manière continue depuis le début 2021, pour s’établir à 2,4% en août. Il s’établissait à 6% en janvier. La consommation des ménages devrait également être soutenue par les nouvelles mesures de soutien à la consommation (pour un montant proche de 0,5% du PIB) annoncées au début du mois de septembre.
La demande externe reste également bien orientée. Les exportations ont fortement rebondi depuis le troisième trimestre 2020, la Corée ayant bénéficié de la forte demande en biens électroniques liée au développement du travail à distance.
Cette bonne performance des exportations a eu des répercussions sur l’investissement, notamment dans le secteur des télécommunications (infrastructures liées au développement de la 5G par exemple). En termes réels, l’investissement a progressé de près de 4% en g.a. en moyenne au cours du premier semestre 2021, alors que la moyenne de long terme (entre 2015 et 2019) était à peine supérieure à 3%.
Cependant, les exportations ralentiront au cours des trois derniers mois de l’année. Les difficultés d’approvisionnement dans l’ensemble des secteurs (en particulier dans le secteur automobile, pénalisé par la fermeture d’une usine de semi-conducteurs en Malaisie en raison des restrictions liées à la nouvelle vague épidémique) et la laborieuse remise en marche des chaînes de valeur pèseront sur la dynamique de croissance, en plus des effets de base.
Au total, après une récession très limitée en 2020 (le PIB n’a reculé que de 0,9%), grâce à la gestion efficace de la pandémie et au soutien massif des autorités, la croissance du PIB devrait atteindre 3,9% et 3,0% respectivement en 2021 et 2022.
Les conséquences de la crise liée à la Covid-19 sur l’économie coréenne devraient rester très limitées grâce, outre le soutien massif des autorités, à la capacité de l’économie à absorber les chocs. Cette résilience aux chocs est facilitée par la complexité de l’économie, c’est-à-dire la diversité des secteurs d’exportation et l’étendue des connaissances utilisées pour produire ces biens. D’après l’Atlas de la complexité économique établi par l’université de Harvard, la Corée est classée quatrième économie la plus complexe (sur un échantillon de 133), derrière le Japon, la Suisse et l’Allemagne.
En revanche, les perspectives de croissance à moyen terme continuent de se dégrader du fait du vieillissement de la population. Dans une étude récente, le FMI a abaissé son estimation de croissance potentielle à 2% (contre 2,5% auparavant), en raison des effets du déclin de la population active (les 15-64 ans) et de l’accélération de ce déclin attendue au cours de la prochaine décennie. Dans leur étude, les auteurs prennent pourtant en compte les réformes proposées par le gouvernement pour améliorer la croissance de la productivité, notamment le « Korean New Deal » (composé de trois volets « Green », « Digital » et « Human », dans lesquels l’investissement public et privé est facilité,).
La politique budgétaire restera accommodante en 2022
Le déficit public (excluant le fonds de sécurité sociale) s’est nettement creusé en 2020, atteignant 5,8% du PIB (après 1,6% en moyenne entre 2015 et 2019). Le gouvernement a profité des marges de manœuvre dont il disposait pour soutenir l’économie et a annoncé quatre vagues de mesures de relance au cours de l’année, pour un montant proche de 3% du PIB.
La même politique a été appliquée en 2021, et le gouvernement a proposé trois vagues de mesures (annoncées en mars, juillet et septembre) destinées à soutenir la demande interne (particulièrement les ménages les plus vulnérables et les PME) et le bon déroulement de la campagne de vaccination. Cela dit, la forte croissance des revenus budgétaires devrait permettre une réduction du déficit, en 2021, à 4,0% du PIB.
Dans la proposition de budget pour l’année 2022 présentée en septembre dernier, le gouvernement a annoncé la poursuite d’une politique budgétaire expansionniste en 2022 (les dépenses devraient augmenter de plus de 8% cette année encore), et la mise en œuvre d’ une consolidation progressive des finances publiques à partir de 2023. Cela dit, la forte hausse attendue des revenus devrait permettre une réduction significative du déficit dès 2022, à 3,2% du PIB.
Par ailleurs, le gouvernement prévoit de ralentir progressivement le rythme d’augmentation des dépenses (à 5,5% par an en moyenne d’ici 2025) et de stabiliser le déficit entre 2,5% et 3% du PIB à l’horizon 2025.
Dans ce contexte, la dette publique augmenterait continûment, de 48% du PIB en 2021 à près de 58% en 2025. La hausse de la dette ne représente cependant pas de risque à court et moyen terme.
Le résultat de l’élection présidentielle, prévue pour le mois de mars 2022, ne devrait pas remettre en cause ces hypothèses, l’ensemble des candidats ayant déclaré leur intention de poursuivre la politique de consolidation des finances publiques.
La dette des ménages à un niveau record
A l’inverse, la politique monétaire a déjà commencé à se normaliser. La banque centrale a relevé son taux directeur à 0,75% en août, après l’avoir laissé à son plus bas historique (0,5%) depuis le mois de mai 2020. L’inflation devrait se stabiliser autour de 1,7% en moyenne en 2022, après avoir atteint 2,1% en 2021. Outre la forte reprise cyclique, le communiqué de la banque centrale soulignait la montée des risques relatifs à la stabilité financière.
En effet, l’offre limitée et les taux d’intérêt exceptionnellement bas ont poussé à la hausse les prix de l’immobilier. Au niveau national, l’indice du prix de l’immobilier a progressé de plus de 15% depuis le début 2021, et de plus de 25% depuis mi-2020. La dette des ménages a logiquement fortement progressé au cours de la même période, et s’est établie à près de 110% du PIB à la fin du premier trimestre 2021, alors qu’elle se situait à 94,1% du PIB au dernier trimestre 2019. L’encours de la dette a progressé de 12% au cours de cette période.
À court terme, les risques de crédit liés à la dette des ménages semblent cependant limités : d’une part, le secteur bancaire est dans l’ensemble relativement solide, et d’autre part, d’après le dernier rapport sur la stabilité financière de la banque centrale, le montant des actifs détenus par les ménages reste deux fois supérieur au montant de la dette des ménages.
Par ailleurs, les mesures macroprudentielles mises en place régulièrement depuis 2017 ont permis de réduire progressivement le nombre de prêts destinés aux ménages « vulnérables », c’est-à-dire dont la capacité de remboursement est limitée. A la fin du premier trimestre 2021, les montants prêtés aux ménages « vulnérables » ne représentaient plus que 5% du total (près de 7% en 2017). Enfin, le gouvernement et la banque centrale ont récemment annoncé de nouvelles mesures macroprudentielles.
Achevé de rédiger le 06/10/2021