Alors que la situation politique s’est légèrement stabilisée avec la nomination d’un nouveau Premier ministre, le contexte économique s’est dégradé. La propagation du Covid-19 à partir du mois d’avril a contraint le gouvernement à imposer de nouveaux confinements entraînant une contraction de l’activité au T2 2021. La situation ne devrait guère s’améliorer avant le T4 avec la levée des restrictions sanitaires grâce à l’accélération de la campagne de vaccination. Pour tenter de soutenir la croissance, le gouvernement a multiplié les plans de soutien à l’économie alors que les recettes étaient inférieures à la cible annuelle sur les sept premiers mois de l’année. Selon le gouvernement, le déficit budgétaire pourrait ainsi atteindre entre 6,5% et 7% du PIB et rester bien au-dessus des niveaux enregistrés avant l’épidémie, au cours des deux prochaines années. Le gouvernement a annoncé qu’il demanderait le relèvement du plafond de la dette au Parlement en octobre. Même si l’État central se refinance facilement sur le marché domestique, il fait face à une baisse structurelle de ses recettes et à une augmentation de la charge d’intérêt.
Contraction de l’activité au T2 2021
Après avoir enregistré une contraction de l’activité de 5,6% en 2020, la croissance en Malaisie devrait être beaucoup plus modeste qu’initialement anticipé. Le rebond épidémique au sein d’une population alors peu vaccinée a interrompu la reprise.
Le pays a été fortement touché par la dernière vague épidémique de Covid-19, laquelle a débuté en avril et s’est accentuée en juin. Les restrictions imposées, dès le mois de mai, par le gouvernement (fermeture des commerce non essentiels, limitation des déplacements inter-régionaux) et renforcées en juin avec la fermeture d’entreprises de certains secteurs d’activité et l’instauration d’un taux maximum de présence des employés de 60% dans les secteurs toujours en activité en dépit de l’épidémie ont généré une forte baisse de la demande intérieure et une hausse du taux de chômage (+0,3pp à 4,8% en juin). Ainsi, au T2 2021, l’activité économique s’est contractée de 2% en données CVS par rapport au trimestre précédent. La consommation des ménages et les investissements des entreprises ont reculé de 10,7% et 7,5% t/t respectivement alors que les exportations sont restées dynamiques.
La croissance du T3 sera affectée par les contraintes sanitaires qui étaient encore en vigueur aux mois de juillet et août dans la majorité des États, dont Kuala Lumpur et Johor qui représentent à eux deux 26% du PIB. La production industrielle s’est contractée de 6% en juillet par rapport au mois précédent. Les ventes au détail ont légèrement rebondi par rapport au mois de juin mais elles restent inférieures à ce qui prévalait sur l’ensemble du deuxième trimestre. Les ventes dans les commerces de gros ont continué de baisser. Selon l’enquête PMI, l’activité dans l’industrie se sont contractées de nouveau au mois d’août pour le troisième mois consécutif, même si l’indice PMI a enregistré un léger rebond à 43,4 (au-delà de 50, l’activité accélère). Néanmoins, l’accélération de la campagne de vaccination (près de 63% de la population était vaccinée fin septembre 2021 contre moins de 1% début avril) a permis un allègement des contraintes sanitaires, ce qui laisse espérer un rebond sensible de la consommation des ménages au T4 2021. Sur l’ensemble de l’année 2021, la croissance devrait atteindre de 4,1% selon le consensus des économistes.
Le plafond de la dette relevé pour la 2e fois depuis le début de la crise sanitaire
Les finances publiques se sont fortement dégradées. Sur l’ensemble de l’année 2020, le déficit budgétaire a atteint 6,2% du PIB contre seulement 3,3% en moyenne au cours de la période 2015-2019. Par ailleurs, en dépit d’un retour à la croissance en 2021, les finances publiques pourraient se détériorer davantage pour l’année en cours. En juin, le ministère des Finances a révisé à la hausse son déficit de 5,4% du PIB initialement, à 6,5-7% compte tenu du ralentissement de la croissance induite par la nouvelle vague épidémique et des mesures de soutien budgétaires.
Sur les huit premiers mois de l’année 2021, alors même que le gouvernement affiche un objectif de recettes budgétaires particulièrement faible pour cette année (15,1% du PIB contre une moyenne de 17% sur la période 2015-2019), celles-ci n’ont atteint que 58% de la cible annuelle.
Cette baisse s’explique par l’absence de dividende exceptionnel versé par Petronas, lequel était à l’origine de 4,4% des recettes en 2020 (0,7% du PIB). Le gouvernement cherche en effet à réduire sa dépendance aux revenus du pétrole, en forte hausse depuis la suppression de la taxe sur les biens et services en 2018.
Dans le même temps, alors que le gouvernement avait initialement prévu une hausse des dépenses budgétaires de 1,1 point de pourcentage (pp) par rapport à 2020, elles ont déjà excédé leur cible annuelle (fixée à 20,5% du PIB) sur les huit premiers mois de l’année. Dans son budget initial, le gouvernement avait prévu des dépenses liées à l’épidémie de Covid-19 d’un montant supérieur à 1% du PIB. Mais avec la propagation de l’épidémie et les mesures de confinement, cette somme a été réajustée à la hausse. Entre les mois de mars et juin 2021, le gouvernement a annoncé l’adoption de quatre programmes budgétaires complémentaires (d’une valeur totale de RM 225 mds soit 16% du PIB) dont l’impact direct sur le budget devrait toutefois être limité à 2% du PIB.
Sur les huit premiers mois de l’année, le déficit a presque été entièrement financé par le marché domestique. Le gouvernement n’a eu aucune difficulté à émettre des obligations même si les taux d’intérêt sont en hausse depuis le début de l’année (les rendements des obligations à dix ans ont augmenté de 50 points de base sur les huit premiers mois de 2021).
Dans un tel contexte, le ratio de dette rapportée au PIB a continué de se dégrader sur la première moitié de l’année 2021. La dette du gouvernement fédéral (hors garanties du gouvernement et dette de 1 MDB) s’élevait à 64,3% du PIB au T2 2021 (62% du PIB selon la définition retenue pour le calcul du plafond fixé par le Parlement), soit 12 pp de plus que fin 2019. Par ailleurs, en incluant toutes les expositions contingentes, l’ensemble de la dette publique atteindrait 91,3% du PIB, selon nos estimations.
Le ratio de dette (tel que défini par le Parlement) étant supérieur au seuil légal fixé à 60% du PIB, le gouvernement va demander en octobre prochain son relèvement de 5 pp à 65% du PIB, pour la deuxième fois depuis la crise de la Covid-19. Le gouvernement présentera par la même occasion son budget 2022. Or, il prévoit de continuer à mener une politique budgétaire expansionniste pour atténuer les effets de l’épidémie de Covid-19. La consolidation des finances publiques sera, une fois encore, reportée. Le financement des besoins du gouvernement ne constitue pas, à ce jour, un problème. Le marché domestique local étant abondant, le gouvernement n’a pas besoin d’émettre sur les marchés internationaux. Ainsi, fin juin 2021, la dette du gouvernement était détenue à près de 76% par les résidents et libellée presque exclusivement en monnaie locale. En revanche, la hausse, depuis 2018, de la charge d’intérêts est une source d’inquiétude car cela réduit les marges de soutien du gouvernement à l’économie. Sur les six premiers mois de l’année, elle a représenté 17% des recettes (contre seulement 11% il y a cinq ans).
La situation politique pourrait être moins instable
Depuis les élections de 2018, la situation politique est instable, la coalition au pouvoir, composée de plusieurs petits partis, ne bénéficiant que d’une très faible majorité au Parlement. La démission en février 2020, du Premier ministre, Mahathir Mohamad, n’a fait que renforcer l’instabilité. Après 18 mois de tensions politiques dans un contexte de crise sanitaire, Muhyiddin Yassin, nommé par le roi suite au départ de Mahathir Mohamad, a finalement été contraint de démissionner, lui aussi, en août 2021, car il ne bénéficiait plus du soutien d’une partie de l’Organisation nationale de l’unité des malais (UMNO).
L’arrivée d’un nouveau Premier ministre, Ismail Sabri Yaakob, le 20 août dernier, pourrait restaurer une certaine stabilité, au moins à court terme. Bien que cette nomination marque le retour de l’UMNO (dirigé par Anwar Ibrahim), le parti politique au pouvoir de 1957 à 2018, le nouveau Premier ministre ne disposera toujours que d’une très faible majorité au Parlement (il a obtenu le soutien de 114 voix sur 220). Aussi, pour parvenir à adopter les mesures de soutien à l’économie, le premier ministre vient de signer un protocole d’accord avec le principal bloc d’opposition, le Pakatan Harapan (HP) qui dispose de 88 sièges. Cet accord porte sur le plan de soutien mais aussi sur l’indépendance de la justice et la réforme parlementaire. Un tel accord devrait permettre d’assurer une certaine stabilité au moins pendant plusieurs mois. Les prochaines élections auront lieu en 2023. il n’est néanmoins pas exclu que des élections anticipées se tiennent d’ici là.
Achevé de rédiger le 30/09/2021