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Audiobrief | Le déficit de la balance commerciale française : une France relativement désindustrialisée, mais qui investit

12/03/2024

Dans cet audiobrief, Stéphane Colliac nous explique les raisons du déficit de la balance commerciale de la France pour l’année 2023. Outre un déficit lié aux importations d’hydrocarbures et un déficit structurel reflétant la désindustrialisation du pays, il est aussi lié à l’investissement de la France dans les besoins nés de la transition écologique et digitale et à l’électrification de l’automobile.

Transcription

Claire d'Izarny

Vous êtes économiste au sein de l’équipe OCDE des Études Économiques du groupe BNP Paribas et dans cet Audiobrief vous allez nous parler du déficit de la balance commerciale française : une France relativement désindustrialisée, mais qui investit. Alors Stéphane, première question : Que recouvre la balance commerciale française et pourquoi s’y intéresser ?

Stéphane Colliac

La balance commerciale française synthétise les exportations et les importations de biens. Elle est publiée tous les mois par les douanes. Un chiffre négatif, comme c’est le cas pour la France, signifie que les importations sont supérieures aux exportations et que le pays connait donc un déficit commercial.

Ce déficit commercial, que la France enregistre, évolue au fil du temps. En effet, il est tout d’abord lié à son statut d’importateur net d’hydrocarbures. La France voit ainsi son déficit s’accroitre avec la hausse du prix du pétrole, comme en 2022, et se réduire lorsque ce prix diminue comme en 2023.

Toutefois, l’augmentation du déficit de la balance commerciale est également structurelle, reflétant le creusement du déficit sur les échanges de biens manufacturés, c’est-à-dire hors énergie hors pétrole raffiné et hors produits agricoles non transformés. Ce phénomène est le reflet de la désindustrialisation plus prononcée de la France, dont l’industrie est de plus petite taille qu’en Allemagne ou même en Italie.

La production sur le territoire français a nettement reculé par rapport à ce qu’elle était au début des années 2000 dans des secteurs tels que l’automobile, la métallurgie, les plastiques et caoutchoucs ou même l’agroalimentaire (hors vins et spiritueux) au profit d’importations croissantes, qui ont généré des déficits sectoriels de plus en plus conséquents.

Claire d'Izarny

Sachant tout cela, que dire de la balance commerciale en 2023 ?

Stéphane Colliac

Son déficit est repassé, de peu, sous les 100 milliards d’euros, à 99,6 milliards en 2023, après un chiffre record de 163 milliards en 2022. De fait, cette amélioration s’explique par des éléments exceptionnels, défavorables en 2022 et qui se sont normalisés en 2023.

Le prix du pétrole a reflué, tandis que la production électrique et celle de pétrole raffiné ont rebondi, sachant qu’en 2022 ces deux dernières avait pâti de la fermeture de centrales nucléaires pour maintenance et de la grève dans les raffineries.

En sus, les importations de biens intermédiaires avaient été exceptionnellement élevées en 2022, afin de combler des pénuries, et ont diminué pour revenir à un niveau normal en 2023. Ces biens intermédiaires concernent la chimie, les métaux, les plastiques/caoutchoucs ou le bois/papier.

Le déficit commercial total de 2023 est toutefois le plus élevé de l’histoire si on exclut celui de 2022. Notamment, par rapport à 2019, le déficit sur les biens manufacturés s’est nettement accru, passant de 36 à 55 milliards d’euros en 2023.

Claire d'Izarny

Comment cela s’explique-t-il ?

Stéphane Colliac

D’abord parce que la France investit, et singulièrement les entreprises, dont l’investissement en valeur a augmenté de 24% en 2023 par rapport à 2019, soutenu par les différents plans, France Relance ou France 2030, mais surtout par les besoins nés des transitions digitales et écologiques.

Globalement, la France a besoin de davantage de biens d’équipements pour soutenir cet investissement. Or, ces biens ne sont, pour une large part, pas produits en France, ce qui fait augmenter le déficit commercial, mais pour une bonne raison : car la France investit.

En complément, la France a vu une nette augmentation de son déficit sur l’automobile, qu’il s’agisse des véhicules ou des équipementiers. Cette évolution s’explique principalement par l’électrification qui s’est faite jusqu’ici par l’importation croissante de véhicules produits à l’étranger (notamment en Europe centrale ou en Chine) mais également des équipements (dont les batteries) pour lesquels la France a un plan de développement, mais pour l’essentiel avec une entrée en phase de production qui se fera dans les prochaines années.

Concernant les toutes prochaines années, on peut donc s’attendre à ce que le déficit commercial reste proche de 100 milliards d’euros. En effet, la France continuera à investir et aura besoin d’importations pour se faire. Toutefois, à un horizon un peu plus lointain, lorsque les capacités de production nouvelles entreront en production, ce déficit pourrait alors diminuer.

Claire d'Izarny

Merci Stéphane de vos explications sur les raisons du déficit commerciales de la France.

Merci à nos auditeurs et rendez-vous sur notre site internet, vous y retrouverez tout au long de l’année les analyses de notre équipe de recherche économique.

A très bientôt.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE