Dans leurs perspectives de printemps, les économistes du FMI anticipent une reprise mondiale en 2021 à plusieurs vitesses et incomplète. « Vitesse » est bien le maître mot car l’année 2021 se caractérisera par plusieurs courses de vitesse pour les pays émergents. L’une entre la progression de la pandémie et la vaccination, et l’autre entre les prix de l’alimentation et le rattrapage a priori partiel des revenus des plus faibles présentent à nos yeux les plus grands risques à très court terme. Avec, en cas de divergence persistante, une augmentation du risque social dont la capacité de déstabilisation peut être beaucoup plus radicale que les risques financiers.
Dans leurs perspectives de printemps, les économistes du FMI anticipent une reprise mondiale en 2021 à plusieurs vitesses et incomplète. Rien de très inédit par rapport aux grandes crises passées. Mais « vitesse » est bien le maître mot car l’année 2021 se caractérisera par plusieurs courses de vitesse.
Course de vitesse entre l’extension de la pandémie et les vaccinations
Depuis la mi-mars, une nouvelle grande vague de contaminations sévit alors que les campagnes de vaccination ont commencé de se déployer. Point positif, dans pratiquement tous les pays les injections de dose, voire le nombre de personnes vaccinées, progressent plus vite que les nouveaux cas d’infection déclarés. Mais le pourcentage de la population vaccinée reste faible, à l’exception des cas emblématiques d’Israël et du Chili et, dans une moindre mesure, de la Hongrie et du Maroc.
Au-delà de ces quelques pays, c’est en Europe centrale et orientale et en Turquie qu’il est le plus élevé, compris entre 5% et 10%. Dans les pays d’Asie et en Amérique latine, il ne dépasse pas 2% à l’exception de Singapour. Mais, en Amérique latine, et contrairement aux pays d’Asie les plus industrialisés, la pandémie est loin d’être maîtrisée. Le Brésil est le pays où la situation est la plus préoccupante avec une progression des vaccinations à peine supérieure à celle des nouveaux cas et un taux de vaccination faible.
Course de vitesse entre la hausse des prix des matières premières et le rattrapage des revenus des ménages
Les prix des matières premières se sont fortement redressés depuis la mi-2020, d’abord les prix des métaux et du pétrole puis, à partir du dernier trimestre, ceux des produits agricoles. Le rebond s’est même accéléré depuis le début de l’année. Pour les pays exportateurs nets de matières premières, c’est un facteur d’atténuation du risque de balance des paiements, voire du risque souverain. En revanche, c’est un facteur d’aggravation du risque social, notamment en cas de hausse des prix de l’alimentation qui frappe les plus pauvres.
Les experts du FMI estiment que l’année dernière, 98 millions de personnes supplémentaires ont basculé en dessous du seuil de pauvreté et 68 millions dans la malnutrition principalement à cause de la baisse des revenus mais aussi de la hausse des prix des produits alimentaires. Les prix des matières premières agricoles sont déjà supérieurs de 20% à leur niveau des cinq années précédentes et proches des points hauts de 2008 et 2011. Or le rattrapage des revenus sera nécessairement partiel même si, dans les pays émergents, l’emploi répond généralement plus rapidement à l’activité que dans les pays développés.
Course de vitesse entre le redressement des recettes fiscales et l’alourdissement de la charge de la dette
En 2020, la dette publique a augmenté d’environ 10 points de PIB pour l’ensemble des pays émergents et en développement. Cependant, la charge de la dette a continué de diminuer grâce à la poursuite de la baisse des taux d’intérêt. Ce ne sera plus le cas en 2021, principalement parce que la dette a gonflé mais aussi en raison du durcissement de la politique monétaire aux États-Unis, voire dans les pays émergents eux-mêmes, qui se traduit par un renchérissement du coût d’emprunt des États. Si on compare la période 2021-2022 à la période 2019-2020, le ratio entre la charge d’intérêts et les recettes budgétaires va augmenter pour 2/3 des principaux pays émergents. Pour la plupart d’entre eux, ce ratio est encore modéré voire faible (seulement 10% des pays présentent un ratio supérieur à 20%). Au sein des pays émergents, la solvabilité des États n’est pas une réelle menace, même pour les plus fragiles de ce point vue (Afrique du Sud, Brésil, Inde). Mais c’est une contrainte supplémentaire, sinon au maintien des mesures de soutien aux revenus (qui devraient prendre fin dans la très grande majorité des pays), du moins aux investissements.
Course de vitesse entre la normalisation du chiffre d’affaires des entreprises et la fin des moratoires accordés par les banques ou les échéances de remboursement des crédits de trésorerie distribués depuis le début de la pandémie
Malgré la récession, l’augmentation des crédits bancaires aux ménages et aux entreprises a été supérieure à 5% pour la moitié des pays émergents. De plus, les autorités monétaires ou de surveillance des banques ont accordé à ces dernières un délai pour comptabiliser les prêts souffrant de retard de paiement en tant que créances douteuses. Ces dernières vont brusquement augmenter cette année, sans doute plus qu’à la suite de la crise de 2008. Heureusement, la capitalisation des systèmes bancaires a été renforcée au cours de la décennie passée.
À nos yeux, les plus grands risques à très court terme découlent des courses de vitesse entre, d’un côté, la progression de la pandémie et la vaccination et, de l’autre côté, entre les prix de l’alimentation et le rattrapage des revenus les plus faibles. Avec, en cas de divergence, une augmentation du risque social dont la capacité de déstabilisation peut être beaucoup plus radicale que les risques financiers.