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A chaque pays, sa reprise économique

19/05/2020
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La vigueur du rebond post-crise dépendra des caractéristiques propres à chaque économie, de la réponse budgétaire apportée mais également du niveau d’intégration du pays aux chaînes mondiales de valeur.

Certaines économies de la zone euro présentaient, avant la crise du Covid-19, des vulnérabilités plus fortes. Un niveau de dette ou de chômage élevé pourrait ainsi freiner la dynamique de sortie de crise.

Sur le plan interne, les structures sectorielles, de l’emploi et de la consommation seront déterminantes. Une trop forte dépendance au tourisme, secteur durablement affecté, pèserait notamment sur la reprise.

Sur le plan externe, un redémarrage lent du commerce mondial pénaliserait les économies les plus ouvertes. Par ailleurs, les disruptions apparues dans les chaînes mondiales de valeur, pendant cette crise, pourraient plus longuement affaiblir les économies les plus intégrées.

Le choc du Covid-19 a été particulièrement sévère pour les économies de la zone euro (cf. graphique 1). Toutes les conséquences de cette crise ne sont pas encore connues et des incertitudes demeurent sur le rythme du rebond économique attendu au second semestre 2020. Les quatre plus grandes économies de la zone euro – Allemagne, France, Italie, Espagne – sont-elles égales face à la reprise ? Le profil du redémarrage dépendra notamment des caractéristiques de chaque État membre (situation initiale, structure de son marché du travail, arbitrage entre épargne et consommation, tissu productif).

Croissance du PIB en zone euro

La réponse en termes de politiques budgétaires et la dynamique des échanges mondiaux joueront également un rôle essentiel. Au final, la réponse à la question n’est pas parfaitement tranchée, les quatre pays présentant chacun des forces et des fragilités. Un classement est néanmoins possible. Il est sans surprise, l’Allemagne se plaçant en tête avec un plus fort potentiel de rebond, suivie de la France, puis de l’Espagne, l’Italie fermant la marche.

Des situations économiques initiales hétérogènes

Avant la crise du Covid-19, les États membres de la zone euro se trouvaient dans des situations économiques différentes, en particulier sur le front des finances publiques et du marché du travail.

S’agissant des finances publiques, le niveau et la dynamique d’endettement divergeaient sensiblement. Alors que la dette publique allemande a baissé de plus de 20 points de PIB entre 2010 et 2019 (pour atteindre moins de 60% du PIB), celle de la France a, de son côté, progressé de plus de 15 points sur la même période (à 98% du PIB). La France est par ailleurs l’un des seuls grands pays de la zone euro à n’avoir pas stabilisé son ratio de dette publique sur PIB. Structurellement plus élevée, la dette publique italienne s’établissait à près de 135% du PIB en 2019, tandis qu’en Espagne, elle décroît progressive depuis 2014 (95,5% en 2019 contre 100,7% en 2014).

La crise du Covid-19 va conduire à une hausse sensible de l’endettement public dans la zone euro, par le biais de la contraction du PIB nominal et du creusement du déficit public. Ce gonflement pourrait freiner la reprise post-crise. Si les risques à court terme sont atténués par l’intervention massive de la Banque centrale européenne (BCE), à moyen terme la vulnérabilité serait plus forte. La hausse du ratio de dette publique pourrait mener à une remontée des taux d’intérêt, via la hausse des primes de risque, à une autocensure des États, limitant ainsi leur effort de relance budgétaire, et à une hausse de l’épargne des ménages qui anticipent une augmentation future des impôts.

S’agissant du marché du travail, les situations de départ différaient aussi considérablement (cf. graphique 2). Alors que l’Allemagne avait en décembre dernier un taux de chômage historiquement bas à 3,2%, il était encore de 14,1% en Espagne et de 10% en Italie. Ces deux pays restaient profondément marqués par les crises de 2008/09 et de 2011 en Europe. Cependant, l’Espagne et l’Italie étaient engagées dans des dynamiques favorables ces derniers mois, avec un taux de chômage en baisse quasi-constante tout au long de 2019. La France enregistrait aussi des résultats encourageants, avec un taux de chômage tombé à 8,1% au dernier trimestre de 2019 (données INSEE), soit le niveau le plus bas depuis 12 ans. La crise du coronavirus va balayer toutes ces « bonnes » tendances.

Taux de chômage

Des spécificités endogènes plus ou moins favorables à un rebond marqué

Fragilité des emplois

Les personnes en contrats temporaires ont, de façon générale, été plus lourdement impactées par la crise du Covid-19, perdant plus souvent leur emploi et ayant un accès plus limité au chômage partiel. En outre, de nombreux secteurs de services faisant appel à des contrats temporaires resteront au ralenti (sinon fermés) bien après la période de confinement. C’est le cas notamment des secteurs artistique, touristique et sportif. L’Espagne – en grande partie du fait de la taille du secteur touristique – est le pays européen avec le taux le plus élevé de contrats temporaires (22%). La France et l‘Italie se situent légèrement au-dessus de la moyenne européenne, avec respectivement 13,7% et 13,1%, tandis qu’en l’Allemagne il est à 10% (cf. graphique 3).

Le poids et la situation des PME

La fragilité des emplois est aussi à mettre en relation avec le poids des PME dans le tissu économique de chaque pays. Ce poids diffère assez nettement entre les grands pays de l’Union européenne. Selon Eurostat, la moitié des emplois marchands dans l’UE-27 se trouve au sein de petites entreprises de moins de 50 salariés (cf. graphique 4). Ce chiffre monte à 64% en Italie et à 58,3% en Espagne. À l’inverse, l’Allemagne, dont l’économie repose davantage sur l’industrie et les économies d’échelle, ne compte « que » 43% d’emplois dans des petites entreprises. La part est plus faible encore (40,6%)1 en France.

Part de l’emploi temporaire

Emploi dans les entreprises de moins de 50 salariés

De nombreuses interrogations portent sur la capacité des petites entreprises à faire face à la crise économique et à survivre, en particulier après l’arrêt des aides publiques. Les PME sont les plus exposées à la crise actuelle, leurs trésoreries étant moins solides. De nombreux blocages semblent déjà exister dans le versement des aides actuelles, notamment en Italie où seulement un tiers des demandes émanant de PME ou de salariés en chômage technique a abouti à un versement à ce jour2. Par ailleurs, l’Italie et l’Espagne sont les pays où la contraction économique pourrait être la plus forte au deuxième trimestre 2020, ce qui accentuera d’autant les difficultés financières des petites entreprises de ces pays.


Épargne forcée : rebond assuré de la consommation ?


Le redémarrage de la consommation des ménages revêt un caractère-clé dans le profil de la reprise à venir. C’est, en effet et en premier lieu, la composante de la demande la plus importante au regard de son poids dans le PIB (un peu plus de 50% pour l’Allemagne et la France, 60% pour l’Italie et l’Espagne). C’est aussi la composante de la demande la plus susceptible de redémarrer rapidement, notamment grâce à l’épargne accumulée pendant le confinement.
Cette épargne « forcée » est la résultante mécanique de la chute de la consommation des ménages tandis que leur revenu disponible a été globalement préservé. Les prévisions de printemps de la Commission européenne permettent de la mesurer3. La Commission s’attend à une hausse du taux d’épargne des ménages en 2020 comprise entre 6 et 7 points pour l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Espagne. Cela porterait le taux d’épargne des ménages allemands à 25%, celui des Français à 22%, celui des Italiens à 17% et celui des Espagnols à 14%. Il convient de préciser que ces prévisions ne recouvrent pas uniquement l’épargne forcée : elles intègrent aussi de l’épargne de précaution.
Toute la question est de savoir à quelle vitesse et dans quelle ampleur cette épargne forcée va être débloquée et consommée lors du déconfinement et de la remise en route de l’économie. Point positif, l’effet amortisseur sur le pouvoir d’achat des ménages de la chute des prix du pétrole, d’un piètre secours pendant le confinement, constitue un facteur de soutien potentiel important pour l’après-crise. Néanmoins, ce qui importera le plus, ce sera la confiance des consommateurs vis-à-vis du risque sanitaire, d’une part, et de l’état du marché du travail, d’autre part. L’ampleur du choc sur les revenus mais aussi sur le patrimoine financier importera également. Pour certains, la question ne sera pas celle de l’ampleur du dégonflement de leur épargne mais de sa reconstitution.
L’état du marché du travail est un élément déterminant car il conditionne le maintien ou non d’un matelas d’épargne de précaution, qui limiterait d’autant le rebond attendu de la consommation. L’ampleur de la rémanence du choc sur l’emploi et le chômage est difficile à évaluer mais le risque est non négligeable. Compte tenu de la situation d’avant-crise, des forces et faiblesses du marché du travail de chaque pays et des mesures prises pour amortir le choc, l’Allemagne semble moins exposée que la France, l’Espagne et l’Italie. Mais si le meilleur fonctionnement de son marché du travail devrait jouer favorablement (sous l’hypothèse qu’il passe le test de la crise actuelle), le rebond de la consommation en Allemagne pourrait être limité par le caractère plus prudent des ménages allemands comparé aux ménages français, italiens et espagnols.

L’incertitude sur la vigueur de la reprise de la consommation des ménages tient aussi à sa composition, au poids des dépenses non impactées par le confinement (les dépenses pré-engagées et alimentaires notamment) et, parmi celles impactées, les dépenses reportées et facilement rattrapables, celles qui mettront plus de temps et les « annulées ». Malheureusement, il est aujourd’hui difficile de présumer des comportements de consommation. Certaines de ces dépenses peuvent intégrer différentes catégories, comme les voyages, l’achat d’une voiture, l’habillement. Certaines dépenses pourraient aussi bénéficier d’un effet « rush » et faire l’objet d’une surconsommation temporaire : ce pourrait être le cas des bars et restaurants, des cinémas, des sorties en général.

Cet effet rush et le rebond global de la consommation, s’ils ne semblent pas soumis à une contrainte de revenus, restent toutefois sous la contrainte des mesures de distanciation sociale. Ils sont également conditionnés à d’éventuels changements dans les modes de consommation. Vue sous cet angle, la question du retour à la normale ne consiste pas tant à savoir combien de temps il prendra mais si même il aura lieu. À cet égard, les quatre grands pays de la zone euro sont logés à la même enseigne. La structure de leur consommation ne montre pas non plus de différences suffisamment importantes pour que ce soit un facteur différenciant dans le rythme de leur reprise (cf. graphique 5).

Structure de la consommation des ménages

Structure sectorielle : avantage à l’Allemagne ?

La sortie de crise, la vitesse et l’ampleur du rebond économique dépendent de nombreux paramètres. La structure sectorielle des économies en est un.

En allant du général au particulier, rappelons que l’une des particularités de cette crise réside dans le fait que les services marchands sont touchés de plein fouet et, qu’au lieu de jouer leur rôle habituel d’amortisseur de récession, ils constituent un facteur aggravant. Le poids important de ce secteur en France, Italie et Espagne (près de 60% de la VAB totale contre 51% en Allemagne) constitue un désavantage comparatif pour ces pays dans la situation actuelle (cf. graphique 6). Comment ce facteur peut-il jouer dans l’après-crise ?

Structure sectorielle des économies

On aimerait pouvoir dire : plus dure aura été la chute pendant le confinement, plus vigoureux sera le rebond. Cependant, les incertitudes entourant la demande, en lien avec la progressivité du déconfinement et les mesures de distanciation sociale, font craindre une reprise plus lente. Ces observations valent d’ailleurs aussi pour la construction et l’industrie. Ces deux secteurs sont certes plus cycliques, c’est-à-dire coutumiers des variations amples et des rebonds marqués après de fortes contractions. Néanmoins, il est plus difficile de remettre en route des chantiers et des usines que de rouvrir des magasins : le retour à la normale dans ces secteurs pourrait être plus lent encore, d’autant plus que les mesures de confinement auront été importantes et les capacités de production sous-utilisées. Ce point joue en faveur de l’Allemagne, moins « confinée » que ses partenaires4, quand les patrons français (tous secteurs confondus) se montrent pessimistes5.
Pour l’ensemble des secteurs, parmi les freins à un redémarrage rapide, il faut également considérer les éventuelles contraintes de main d’œuvre et les difficultés de recrutement. L’activité est aussi susceptible d’être ralentie par les surcoûts et la baisse de productivité entraînés par les gestes « barrière » sanitaires et les mesures de distanciation sociale. Le tissu productif, derrière la structure sectorielle de chaque économie, et sa solidité financière comptent aussi. Dans l’industrie s’ajoutent la variable commerce mondial et l’incertitude de son redémarrage, le tout sur fond d’une possible « démondialisation » et d’un nécessaire « verdissement » des économies, des tendances à même de peser sur le secteur.

Au regard de ces différents éléments, il est possible mais pas certain que l’Allemagne profite de sa puissance industrielle exportatrice pour repartir plus vite que ses partenaires. Plus précisément, elle pourrait jouer favorablement à court terme, mais à plus long terme, dans le monde « d’après », cette dernière pourrait la desservir.

L’Allemagne semble, en effet, plus exposée que ses partenaires à une remise en cause de son modèle de croissance (basé sur sa puissance industrielle exportatrice) en cas de changement de paradigme économique (vers une croissance moins carbonée et moins portée par les échanges mondiaux). Cela ne veut pas dire que tout ira bien pour les autres pays qui devront aussi chercher de nouveaux relais de croissance.

Le cas particulier du tourisme en est une bonne illustration. Son poids important en France6 , en Italie, et plus encore en Espagne (cf. graphique 7), est un handicap certain dans la course actuelle à la reprise et son avenir restera aussi en suspens aussi longtemps que la distanciation sociale doit être maintenue.

Poids du tourisme (2018)

Le poids des chaînes de valeur

La participation accrue aux chaînes de valeur mondiales (CVM) a été une dynamique-clé de l'économie mondiale au cours des dernières décennies. Elle a stimulé la croissance en augmentant la productivité, en lien avec une hausse de la spécialisation. Cependant, ce système a également rendu les chaînes de production plus vulnérables aux perturbations économiques. Les chocs dans un pays sont rapidement transmis à d'autres économies. Dans le cas de la crise du Covid-19, les entreprises ont fait face à des ruptures d'approvisionnement, causées par des restrictions de transport et des fermetures de chaînes de production. La capacité de rebond dépend donc également de la restauration de ces dernières.

La baisse des échanges commerciaux affectera surtout les économies les plus ouvertes. Parmi les grandes économies de la zone euro, l'Allemagne devrait ainsi être la plus touchée. En 2019, ses exportations de biens et services représentaient 47% du PIB, un chiffre bien plus élevé qu’en Espagne (35%), en Italie (32%) et en France (31%) (cf. graphique 8).

La participation aux CVM se mesure souvent par la part des intrants étrangers dans les exportations. Le graphique 9 montre qu’elle est plus élevée pour les petits pays, ce qui les rend plus sensibles aux perturbations des CVM dans le contexte de la crise actuelle. La participation aux CVM d’une grande économie disposant d’une production riche en technologies peut être relativement faible. Cette économie est capable de produire localement une grande partie de la valeur ajoutée, ce qui explique pourquoi en Allemagne la part d’intrants étrangers dans ses exportations est relativement basse.

Les exportations en % du PIB (2019)
Part des intrants étrangers dans les exportations

Ces dernières décennies, l'exposition du secteur manufacturier allemand aux pays d'Asie de l'Est et du Sud, parmi lesquels la Chine, le Japon, et la Corée, s'est rapidement accrue. En 2015 (dernières données disponibles), cette région représentait 20,6% des importations manufacturières de l'Allemagne, contre 18,6% pour la France. De plus, l'Allemagne figure parmi les plus grands pays exportateurs à destination de la Chine. En 2015, les importations chinoises de produits manufacturés se sont élevées à 7,6% en provenance d'Allemagne, contre 2,4% de la France, 1,8% d'Italie et 0,7% d'Espagne. Par conséquent, la forte baisse de l’activité industrielle chinoise a constitué un frein à l’activité manufacturière en Allemagne.

Compte tenu de l’importance du secteur manufacturier allemand, la perturbation a été rapidement transmise aux pays voisins. La demande finale de produits manufacturés en France, en Italie et en Espagne contient respectivement 9,2%, 6,5% et 6,7% de valeur ajoutée en provenance d'Allemagne. Cela souligne l’importance de la reprise de l’industrie manufacturière allemande pour les autres pays européens. Parallèlement, l’industrie allemande dépend également de la demande et des importations de pièces essentielles en provenance de ses voisins.

À court terme, la reprise progressive de l'activité industrielle chinoise est favorable à l'industrie allemande, mais cela ne suffira pas. Les secteurs manufacturiers européens sont tributaires, en grande partie, d’une reprise de la demande sur le continent, qui dépend de la levée des restrictions et de la sortie du confinement.

La crise du Covid-19 a mis en évidence la vulnérabilité des CVM. Ce n'est pas seulement la complexité des chaînes d'approvisionnement qui a retenu l'attention mais également la dépendance des pays à l'égard de la Chine pour certains produits. En particulier, les pays européens questionnent désormais la dépendance du continent à la Chine pour la production de masques et de certains produits pharmaceutiques notamment. Ainsi, la crise a renforcé l'appel à la relocalisation de certaines industries. D'un point de vue environnemental également, le raccourcissement des chaînes de valeur apparaît bienvenu.

Ouverture des vannes budgétaires

L’ensemble des gouvernements ont répondu promptement à la crise en mettant en place en urgence plusieurs mesures budgétaires conséquentes7. Parmi ces mesures, peuvent être distinguées celles représentant une impulsion budgétaire directe (mise en place du chômage partiel, investissements hospitaliers pour faire face à l’épidémie, aides exceptionnelles aux entreprises en difficulté et aux indépendants) et celles parant aux problèmes de liquidité et de trésorerie (prêts garantis par l’État, recapitalisations). Les mesures directes auront un impact fort sur la reprise économique dans le court et moyen terme.

Une grande partie de ces mesures sont synthétisées dans le tableau 1 ci-contre, extrait du Fiscal Monitor du FMI d’avril8. Il n’inclut pas les reports et les annulations de charges sociales qui, pour le cas des annulations, représentent des dépenses directes supplémentaires (positif pour la croissance et négatif pour le déficit public).

Un fait se dégage cependant : les soutiens directs sont, en part du PIB, bien plus élevés en Allemagne que dans les trois autres grands pays européens (première ligne du tableau). Ces dépenses s’élèvent à 4,4% du PIB allemand, contre 1,2% en Italie et en Espagne, et 0,7% en France. Il est clair que l’Allemagne, se reposant sur un excédent budgétaire conséquent, disposait de marges de manœuvre bien plus importantes pour faire faire face à la crise.

Mesures fiscales dans le cadre du Covid-19

Cela dit, sur la question spécifique du dispositif de chômage partiel, le programme Kurzarbeit mis en place en Allemagne s’avère moins dispendieux, tant sur le montant de l’indemnisation que sur son plafond. En effet, le salarié allemand perçoit 60% de son salaire net (67% avec des enfants à charge), alors que le salarié français reçoit 84% (70% du brut) et l’espagnol 70% de son salaire brut. Ce montant est fixé à 80% du salaire brut en Italie, ce pays étant donc le plus généreux sur ce critère. Concernant le plafond d’indemnisation, il oscille entre EUR 1 098 et 1 400 par mois en Espagne et en Italie, entre EUR 2 750 et 2 890 en Allemagne, tandis que la France a un plafond beaucoup plus élevé à environ EUR 5 500 euros (70% de 4,5 smic horaire)9. Par ailleurs, le nombre de travailleurs ayant sollicité ce dispositif est, de loin, le plus élevé en France. À la mi-mai, le ministère du Travail dénombrait 12,4 millions de demande d’autorisation préalable, soit environ 40% de la population active10. L’Allemagne évaluait au début du mois de mai le nombre de demande à 10,1 millions (soit 23% de la population active). On comptabilise, à ce jour, environ 8 millions de demandes en Italie (30,1%) et 3,390 millions en Espagne (14,7%).

L’Espagne et l’Italie seront, sans nul doute, les deux pays, parmi les grandes économies européennes, qui auront le plus de difficultés à traverser cette crise sanitaire. Leur plus grande part de petites entreprises, le tourisme, un chômage endémique, et un endettement public déjà élevé les rendent très vulnérables. La France se trouve, comme souvent, dans une situation intermédiaire. Elle partage les handicaps susmentionnés mais à un degré moindre. C’est aussi une économie plus résiliente : elle devrait se relever moins difficilement que l’Espagne et l’Italie mais davantage que l’Allemagne. Tant sur le plan structurel que budgétaire, l’Allemagne semble, en effet, a priori mieux armée pour opérer un redémarrage économique dans les prochains mois. Néanmoins, des interrogations demeurent sur la capacité du commerce extérieur à tirer la croissance allemande, comme cela a été le cas pendant la crise financière de 2008. En effet, la Chine est en phase de ralentissement, et un regain des tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis aura des répercussions plus fortes sur l’économie allemande.

Le tableau 2 ci-contre reprend les différents indicateurs passés en revue dans cet article et positionne les quatre grandes économies de la zone euro en fonction de ces critères et de ce qu’ils impliquent pour leur potentiel de reprise, élevé ou faible.

Cette crise du Covid 19 constitue plus globalement un test pour la solidité du modèle européen, sachant que les différences de profil de rebond pourraient accroître les disparités économiques entre les États membres de la zone euro. En conséquence, le processus de convergence des économies risque d’être significativement freiné voire inversé. Dans ce cadre, une réponse européenne concertée et forte est attendue. Des discussions pour la création d’un fonds destiné à financer la reprise économique post-crise sont en cours.

Tableau de bord récapitulatif du potentiel de reprise

1 Si on élargit le seuil à 249 employés (les PME au sens d’Eurostat), la part au sein de l’UE-27 est de 67%, avec 76,8% en Italie, 71,8% en Espagne, 63,2% en Allemagne et 53,4% en France.

2 Coronavirus : la survie des entreprises italiennes entravée par la bureaucratie, Les Echos, 11 mai 2020.

3 European Economic Forecast, Spring 2020, Commission européenne, mai 2020

4 “Resilient builders lay foundation for German economy to

Outperform”, Financial Times, 14 mai 2020.

5 D’après une enquête de l’institut Xerfi, publiée début mai et réalisée auprès de 1 300 patrons français, l’été 2021 est, pour 90% d’entre eux, l’horizon auquel ils pensent retrouver la totalité de leurs capacités de production (https://www.xerfi.com/flash/COVID19-Enqu%C3%AAte-entrepreneurs.pdf?utm_source=EMAIL_COVID_19_ENQUETE_VIDEO_08052020&utm_medium=email&utm_campaign=%40EMAIL_COVID_19_ENQUETE_VIDEO_080520).

6 Ce poids important peut être relativisé par la grande part du tourisme national : sur les 7% que représente la consommation touristique intérieure dans le PIB français, 5 points viennent des visiteurs résidents et 2 points des non-résidents.

7 Pour une liste des mesures prises par chaque gouvernement, voir EcoFlash Covid-19 : mesures prises par les banques centrales, les gouvernements et les institutions internationales, 11 mai 2020.

8 https://www.imf.org/en/Publications/FM/Issues/2020/04/06/fiscal-monitor-april-2020

9 Voir https://www.unedic.org/publications/covid-19-les-differents-systemes-dindemnisation-du-chomage-partiel-en-europe

10 À distinguer des demandes réelles d’indemnisation. Selon des statistiques provisoires de l’Unedic publiées le 12 mai, 70% des demandes d’autorisation préalables déposées ont donné lieu à une demande d’indemnisation pour le mois de mars.