Dans son projet de loi de finances pour 2022, le gouvernement français prévoit un déficit de 8,4% du PIB en 2021 et de 4,8% en 2022 (après 9,1% en 2020). Le ratio de dette publique s’élèverait à 115,6% du PIB en 2021 (après 115% en 2020), avant de refluer légèrement à 114% en 2022.
La réduction importante du déficit entre 2021 et 2022 est de nature mécanique. L’amélioration du déficit conjoncturel y contribue pour 1,6 point, tandis que la diminution de 2,1 points du déficit structurel est imputable à l’arrêt de l’essentiel des mesures d’urgence. Cette disparition contribue à la forte baisse du poids des dépenses publiques dans le PIB (-4,3 points), qui fait plus qu’expliquer la réduction du déficit budgétaire (-3,6 points) et couvre également la baisse de la pression fiscale (-0,8 point).
L’heure de la consolidation budgétaire discrétionnaire n’a pas encore sonné. L’ombre de la crise de la Covid-19 plane toujours sur ce budget 2022 : l’économie et la société française ont encore besoin d’être soutenues, et elles le sont (montée en puissance du plan France Relance, plan France 2030 à venir, hausse des dépenses ordinaires). Bien que dans des proportions nettement moindres qu’en 2020 et 2021, la logique du « quoi qu’il en coûte » continue de prévaloir : aucune mesure de financement n’est mise en face des mesures de soutien. Le Haut Conseil des Finances Publiques estime « prudente » la prévision de croissance du gouvernement pour 2021 (6%) et « plausible » celle pour 2022 (4%).
S’agissant des prévisions de déficit budgétaire, le HCFP ne s’est pas prononcé sur leur plausibilité, faute de disposer d’un PLF complet. En effet, certaines dépenses, annoncées mais non finalisées (nouveau plan d’investissement France 2030, revenu d’engagement notamment), ne sont pas intégrées au PLF 2022. Il est prévu qu’elles le soient par voie d’amendement lors du débat parlementaire. Les prévisions de déficit budgétaire du gouvernement sont donc susceptibles de bouger dans les prochaines semaines. Le gouvernement a déjà rehaussé sa prévision de croissance pour 2021 à 6,25%. Un déficit plus dégradé en 2022 n’est toutefois pas une certitude, la sous-estimation actuelle des dépenses pouvant être contrebalancée par celle des recettes.
Le projet de loi de finances pour 2022 (PLF 2022) a été présenté le 22 septembre 2021 en Conseil des ministres. Cet article passe en revue les principaux chiffres et éléments que nous retenons de ce budget, le dernier avant l’élection présidentielle de 2022. En résumé, le budget 2022 reste marqué par le soutien à la croissance et à l’emploi. La question d’une réduction volontaire du déficit budgétaire, pour apporter un début de réponse à son ampleur, n’est toujours pas un sujet pour 2022 : toute consolidation discrétionnaire reste prématurée. L’enjeu du budget 2021 résidait dans son efficacité à amortir la crise et à soutenir la reprise. C’est chose faite. S’agissant du budget 2022, qui s’intitule « Pour une croissance durable », l’enjeu est, aussi, de réussir la sortie de crise, avec en toile de fond le retrait progressif des mesures d’urgence, la poursuite de la montée en puissance de France Relance et le lancement du nouveau plan d’investissement France 2030.
Selon les prévisions arrêtées pour le PLF 2022, le gouvernement table sur un déficit budgétaire de 8,4% du PIB en 2021, après 9,1% en 2020, et qui sera ramené à 4,8% en 2022. L’amélioration entre 2020 et 2021 est limitée (0,7 point) alors même que la croissance devrait connaître un rebond conséquent (+6% après -7,9%). La raison en est que la réduction de près de 3 points du déficit conjoncturel, comme celle des mesures ponctuelles et temporaires (one-offs), est contrebalancée par le creusement de 5 points du déficit structurel. Ces évolutions portent la trace du choix du gouvernement de comptabiliser les mesures d’urgence en one-offs en 2020 et dans le solde structurel en 2021.
La réduction attendue du déficit entre 2021 et 2022 est plus importante (3,6 points) et elle se caractérise par sa nature mécanique. Elle repose à hauteur de 1,6 point sur l’amélioration du déficit conjoncturel, permise par la croissance forte attendue en 2022 (4%), et, à hauteur de 2,1 points, sur l’amélioration du déficit structurel imputable à la disparition de l’essentiel des mesures d’urgence. Après avoir totalisé EUR 69,7 mds en 2020 puis EUR 63,7 en 2021, ces mesures d’urgence ne compteront en effet plus que pour EUR 8,1 mds en 2022 (cf. tableau 3). Face à cette diminution, les mesures de France Relance représentent encore EUR 30,1 mds en 2022 après EUR 38,2 mds en 2021. Cet ajustement structurel de 2,1 points ne recouvre pas des mesures discrétionnaires de consolidation budgétaire. De telles mesures auraient certes permis de réduire plus nettement le déficit mais il n’est pas encore temps d’amorcer le tournant de la rigueur budgétaire : aussi nécessaire soit-il, le faire en 2022 reste prématuré compte tenu de l’ampleur du choc de la Covid-19 et du soutien dont l’économie et la société française ont encore besoin (soutien apporté notamment par la montée en puissance du plan France Relance, par le plan France 2030 à venir et au regard aussi de l’augmentation des dépenses ordinaires, cf. infra).
Combinée à l’effet favorable de la forte hausse du PIB au dénominateur, l’arrêt de l’essentiel des mesures d’urgence sous-tend la forte baisse du poids des dépenses publiques dans le PIB (-4,3 points[1]) ; celle-ci fait plus qu’expliquer la réduction du déficit budgétaire et couvre aussi la baisse de 0,8 point du poids des recettes totales (-0,2 point pour le taux de prélèvements obligatoires (PO) nets des crédits d’impôts). Le gouvernement propose une version « retraitée » des mesures exceptionnelles d’urgence et de relance de l’évolution des dépenses publiques en volume, afin de mettre en avant l’effort de maîtrise qui est consenti d’après lui, malgré l’impression du contraire due aux nombreuses dépenses nouvelles annoncées (la plupart pérennes)[2] s’ajoutant à celles déjà engagées[3].
D’après cette nouvelle métrique, la progression des dépenses publiques ordinaires se limite à 0,8% en 2022, un taux de croissance légèrement inférieur à la moyenne annuelle de 1% obtenue au cours du quinquennat précédent, considérée comme déjà très contenue (cf. graphique 3). Un surcroît de dépenses est toutefois visible dans la hausse de près de 2 points du ratio de dépenses publiques en 2022 par rapport à 2019. Le graphique 4 illustre également bien ce surcroît et d’où il vient. Et les compteurs ne sont pas encore définitivement arrêtés puisque le PLF 2022 n’intègre pas le nouveau plan d’investissement France 2030 (détaillé le 12 octobre), ni le revenu d’engagement (dernières précisions attendues d’ici le 22 octobre), ou encore le nouveau plan compétences, annoncé fin septembre par le Premier ministre, pour répondre aux difficultés de recrutement.
Ce budget 2022 est assis sur des prévisions de croissance très élevée, dans un contexte de rattrapage post-Covid-19, soutenue également par les mesures d’urgence et de relance déployées. Dans son avis du 17 septembre, le HCFP considère « prudente » (comprendre « sous-évaluée ») la prévision de croissance du gouvernement pour 2021 et « plausible » celle pour 2022. S’agissant de 2021, le gouvernement a, depuis, corrigé le tir et rehaussé sa prévision de 6% à 6,25% (se calant sur l’INSEE). Entre cette révision et la sous-estimation des recettes par ailleurs identifiées par le HCFP, d’un côté, et, de l’autre, un total de dépenses qui sera également plus élevé en bout de course (auquel s’ajoute le coût des mesures prises pour amortir la hausse des prix du gaz, de l’électricité et des carburants), nous ne sommes pas en mesure, au moment de la rédaction de cet article, d’évaluer l’effet net sur les déficits 2021 et 2022. Que cela se solde par des chiffres moins négatifs paraît moins probable que par des déficits plus importants, mais les différents changements pourraient tout autant se neutraliser.
Face à ses manques, on mettra à l’actif de ce budget 2022 la poursuite de la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés et de la taxe d’habitation. Cette poursuite apporte, de manière salutaire, de la stabilité et de la visibilité dans un environnement marqué par l’incertitude. Et si les économies budgétaires manquent à l’appel au moment des premiers bilans du quinquennat d’Emmanuel Macron, ce n’est pas le cas des baisses d’impôts, nombreuses et importantes. Elles totalisent EUR 52 mds pour les ménages et EUR 54 mds pour les entreprises (cf. tableau 2).
Ce budget 2022 est encore loin d’être un budget normal ou même de « retour à la normale » selon les termes d’Olivier Dussopt, le ministre délégué chargé des comptes publics. Il marque un début de normalisation de la politique budgétaire exceptionnelle mise en œuvre pour faire face à la crise de la Covid-19. Il entérine le retrait de l’essentiel des mesures d’urgence (sous l’hypothèse que la situation sanitaire n’obligera pas à les réactiver) mais il comporte encore nombre de mesures de soutien et la logique du « quoi qu’il en coûte », bien que dans des proportions nettement moindres qu’en 2020 et 2021, continue, à nos yeux, de prévaloir dès lors qu’aucune mesure de financement n’est mise en face de ces mesures de soutien.
Le déficit attendu en 2022 rejoint, certes, un niveau moins anormalement élevé, déjà atteint par le passé (en 2012, en 1995). Mais il n’en reste pas moins important et, qui plus est, quasiment 100% structurel. En outre, le ratio de dette publique est à peine stabilisé. Ce sujet, et plus globalement celui de la soutenabilité de la dette publique française, sera développé dans un prochain numéro d’EcoConjoncture.