Eco Flash 22-12 // 21 juillet 2022
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Dans le cas allemand, les hausses de salaires négociées en 2022
paraissent élevées à cause d’un effet de base important : les
travailleurs ont été majoritairement récompensés via des primes
l’année dernière, or les grilles salariales n’ont quasiment pas progressé
en 2021. En réalité, une partie des hausses de salaires va être rognée
par la baisse des primes versées à titre exceptionnel l’an passé. La
rémunération totale des salariés va donc augmenter plus modérément
en 2022 que ce que suggèrent les accords signés.
NOMBRE D’ADHÉRENTS (EN MILLIERS) DES SYNDICATS MEMBRES
DE LA CONFÉDÉRATION ALLEMANDE DES SYNDICATS (DGB) EN 2018
IG Metall (métallurgie, textile,
bois, plastique)
ver.di (transports, commerce,
services postaux, banque)
IG-BCE (mines, chimie,
énergie)
Les coûts salariaux unitaires tiennent compte de la rémunération totale
et sont corrigés des gains de productivité. Ils devraient progresser plus
modérément que les salaires (de l’ordre de 3% en 2022) et ainsi ne
pas générer de pressions inflationnistes sur les coûts des entreprises.
GEW (éducation et sciences)
1969
IG-BAU (BTP, agriculture,
environnement)
1
98
er
GNGG (hôtellerie, restau-
ration)
Les données disponibles pour le 1 trimestre 2022 semblent confirmer
2
79
cette thèse : alors que les salaires dans le secteur privé ont augmenté
de +5% a/a, les coûts salariaux unitaires n’ont progressé que de
GDP (police)
+
1,8% a/a (Graphique 1).
EVG (ferroviaire)
2
271
632
247
191 187
Du côté des salariés, leur pouvoir de négociation s’est effrité à me-
sure que conjoncture s’est dégradée. Alors qu’ils étaient en position
de force en fin d’année dernière, avec une croissance du PIB prévue à
plus de 4%5, la baisse de l’activité et des bénéfices attendus par les
entreprises a renforcé la capacité des syndicats patronaux à conclure
des accords de branches moins généreux. Le recul du chiffre d’affaires
dans de nombreux secteurs, notamment industriels, a aussi permis aux
entreprises en difficultés de s’exclure des accords signés et de geler
les salaires.
GRAPHIQUE 4
SOURCES : DGB, BNP PARIBAS
bâtiment a fusionné avec la fédération agricole, forestière et horticole
pour donner naissance au IG BAU. L’année suivante, les organisations
syndicales de la chimie, des extractions minières et des tanneries
se sont associées pour former le IG BCE, et IG Metall (composé des
secteurs de la sidérurgie, du bois, du plastique) a aspiré le syndicat
du textile. Le secteur des services a lui aussi connu un regroupement
massif, avec la création de Ver.Di en 2001 issu de la fusion des syndicats
du transport, du commerce, de la poste, des autres services publics, et
On peut donc conclure qu’à ce stade la dynamique des salaires en
Allemagne n’est pas d’une ampleur suffisante pour alimenter une
inflation par les coûts.
Pour comprendre dans quel cadre ont lieu ces négociations salariales, des activités bancaires et assurantielles.
il est essentiel de revenir sur la structure des syndicats allemands et
les mécanismes de fixation des salaires.
Ce mouvement s’est poursuivi jusqu’à ce que la grande majorité des
syndicats se regroupe au sein de la Confédération allemande des
syndicats (DGB). Celle-ci regroupe près de 6 millions de syndiqués
DES SYNDICATS ORGANISÉS ET REGROUPÉS POUR LUTTER à travers l’Allemagne (Graphique 4). Bien que plurielle, la principale
confédération du pays est dominée par de grands acteurs comme
CONTRE À LA BAISSE STRUCTURELLE DU NOMBRE D’ADHÉRENTS
IG Metall ou Ver.Di qui bénéficient d’une influence considérable.
Historiquement, les syndicats allemands sont organisés par branches
(
Industriegewerkschaft). Chaque organisme défend les intérêts des DES NÉGOCIATIONS SALARIALES CENTRALISÉES AVEC UNE DOSE
salariés du secteur qu’il représente. Cela conduit à une multiplicité
de syndicats dès lors qu’un secteur est suffisamment important pour
en créer un. Ce système a perduré de l’après-guerre jusqu’à la fin
des Trente glorieuses en Allemagne de l’Ouest. Ensuite, les grandes
organisations ont progressivement souffert de l’individualisation du
travail qui n’a plus favorisé l’entente des travailleurs au sein d’une
structure commune. En d’autres termes, les syndicats ont perdu de
leur influence en raison de la modification de la structure du marché
du travail. Les travailleurs de l’industrie et de l’agriculture, dont le
nombre a fortement diminué au cours du temps, étaient fortement
représentés par les organisations syndicales, or ce n’est pas le cas pour
les nouveaux emplois dans les services. Par exemple, seulement 2% des
DE FLEXIBILITÉ
En matière de négociations salariales, l’Allemagne se caractérise par
un fort degré de centralisation, les accords étant majoritairement
définis au niveau d’un branche ou d’un secteur. Bien qu’un mouvement
de décentralisation ait été amorcé à partir du milieu des années 90,
afin de favoriser les négociations à l’échelle des entreprises, les
rémunérations restent principalement définies, et de très loin, lors
de négociations collectives sectorielles. Les syndicats revêtent une
importance particulière et leur rôle institutionnel majeur fait d’eux
des acteurs de la négociation à part entière. Cette cogestion implique
qu’ils soient co-responsables, au même titre que leurs homologues
patronaux et les pouvoirs publics, des décisions économiques et
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informaticiens sont membres d’un syndicat en Allemagne .
Avec la baisse sensible du taux de syndicalisation dans les années 90, sociales qui sont prises. Les syndicats allemands sont aussi peu en
qui a conduit à une réduction des effectifs des syndicats et des recettes proie à des oppositions d’ordre idéologique. La nécessité et la volonté
liées aux cotisations, les fédérations indépendantes ont entamé un de trouver un accord commun laisse peu de place aux revendications
mouvement de fusion. Des structures plus grandes, capables de politiques. Ce processus de fixation des salaires se traduit par une
conserver une influence importante, ont été créées. La taille étant un culture du compromis très prononcée.
facteur déterminant dans les négociations, dès 1996 le syndicat du
IFRI 2007 « Les syndicats en France et en Allemagne : Difficiles adaptations aux mutations de la société », Visions franco-allemandes n° 12.
La banque
d’un monde
qui change