Secteur bancaire : les risques de crédit semblent maîtrisés
Dans son dernier rapport sur la stabilité financière publié fin décembre 2021, la banque centrale (RBI) a confirmé la consolidation du secteur bancaire entre mars et septembre 2021. Même si l’analyse faite est encore biaisée par les mesures de soutien aux ménages et aux entreprises les plus fragiles, adoptées depuis mars 2020 et en vigueur jusqu’en mars 2022, le secteur bancaire devrait être en mesure de faire face à une hausse attendue des risques de crédit lorsque les agents économiques ne bénéficieront plus des prêts garantis par l’État. Globalement, la qualité des actifs, la solvabilité, et la profitabilité des banques (y compris des banques publiques considérées comme étant les plus fragiles) se sont améliorées depuis 2018 et la crise de la Covid-19 n’a pas altéré cette consolidation. En septembre 2021, le ratio des créances douteuses dans l’ensemble du secteur bancaire s’élevait à 6,9% (vs. 8,5% en mars 2020). En outre, bien que la qualité des actifs des banques publiques reste beaucoup plus fragile que celle des banques privées, elle s’est améliorée. En effet, la part des créances douteuses dans le total des crédits s’est réduite de 11,3% en mars 2020 à 8,8% en septembre 2021.
La qualité des actifs dans le secteur de la construction reste médiocre, bien qu’en légère amélioration depuis mars 2020. La banque centrale estimait qu’encore 20% des crédits étaient douteux. En revanche, la situation s’est consolidée dans l’industrie et les services ; elle est restée relativement stable dans l’agriculture alors que la qualité des prêts aux ménages s’est dégradée (la part des créances douteuses a augmenté de 0,4 pp entre mars et septembre 2021 pour atteindre 2,5%). Les crédits aux ménages les plus risqués sont les prêts automobiles et immobiliers. L’impact sur le secteur bancaire dans son ensemble reste néanmoins modeste car les crédits aux ménages ne constituent que 10,5% de l’ensemble des prêts du secteur bancaire.
Selon les prévisions de la banque centrale, la qualité des actifs devrait se dégrader entre mars et septembre 2022. La part des créances douteuses pourrait augmenter de 1.2 pp à 8.1% (+1,7 pp pour les banques publiques). Celles-ci restent insuffisamment provisionnées. Le ratio des provisions rapportées aux actifs risqués ne s’élevait qu’à 68,1% en septembre 2021 dans l’ensemble du secteur bancaire et à 66,5% pour les banques publiques.
Les ratios de solvabilité se sont améliorés entre mars et septembre 2021, conjointement à la recapitalisation de banques publiques les plus fragiles par le gouvernement et aux augmentations de capital par les banques privées mais aussi par les banques publiques les plus solides. Dans l’ensemble du secteur bancaire, le Capital Adequacy Ratio (CAR) s’élevait à 16,6% en septembre 2021 (vs. 16,3% en mars 2021). En outre, même si la RBI prévoit une légère diminution du ratio à 15,4% d’ici septembre 2022, toutes les banques devraient être en mesure de respecter le ratio réglementaire de 9%, même dans le cas d’un choc particulièrement sévère, ce qui n’était pas le cas il y a un an.
Finalement, la profitabilité des banques s’est sensiblement améliorée, même si elle reste modeste. En septembre 2021, le rendement par actif (Return on Assets) et la rentabilité des capitaux propres (Return on Equity) s’élevaient à 0,8% et 9,2% respectivement. Les banques publiques qui ne parvenaient pas à dégager de profits en mars 2020 affichaient pour leur part un ROA et un ROE de 0,5% et 7,7% en septembre 2021.
Un rebond du crédit bancaire a été enregistré depuis le mois de juillet. Le rythme de croissance des prêts a renoué avec des niveaux qui n’avaient pas été atteints depuis la mi-2019, bien qu’ils restent encore extrêmement modestes (+3,5% en moyenne sur les trois derniers mois dans l’industrie). Ce rebond est particulièrement marqué pour le crédit aux très petites et petites entreprises depuis le mois de juillet.
Sociétés financières non bancaires : grandes disparités
La situation financière des sociétés financières non bancaires (NBFC) reste fragile. Globalement, elle s’est légèrement améliorée depuis mars 2020 mais les disparités entre institutions restent importantes.
Selon la RBI, les crédits octroyés par les NBFC équivalaient à 12,6% du PIB en septembre 2021 (vs. 76,3% du PIB pour le crédit bancaire). La qualité des actifs bancaires des NBFC s’est légèrement dégradée entre mars et septembre 2021 même si elle est plus solide qu’en mars 2020. En septembre 2021, le ratio de créances douteuses s’élevait à 6,5% des prêts totaux (+0,1 pp par rapport à mars 2021). Les créances douteuses atteignaient 11,5% des prêts dans l’agriculture, 11% dans les services et 7,9% dans l’industrie (40% des crédits octroyés par les NBFC).
Globalement, les ratios de solvabilité restaient confortables. Le Capital Adequacy Ratio (CAR) s’élevait en moyenne à 26,3% en septembre 2021 (vs. 23,7% en mars 2020). Mais dix institutions (dont les actifs représentent 4,6% des actifs totaux des NBFC) sur les 191 analysées par la RBI ne respectaient pas le ratio réglementaire fixé à 15%, soit trois organismes de plus qu’en mars 2021.
Abandon de la réforme agricole
À l’automne 2020, le gouvernement de Narendra Modi avait adopté plusieurs réformes majeures pour stimuler la croissance à moyen terme. Parmi elles, celle sur l’agriculture. Cette réforme avait pour but d’augmenter la productivité du secteur, lequel emploie une part importante de la population active. Or, en novembre dernier, le gouvernement a finalement décidé de retirer cette réforme tant décriée par les agriculteurs. Un tel abandon pourrait permettre au parti de N. Modi de remporter davantage de sièges lors des élections régionales dans l’Uttar Pradesh prévues en début d’année. Mais cela jette un doute la capacité du gouvernement à mettre en place des réformes pourtant indispensables.