La reprise économique devrait être forte en 2022 grâce à une consommation dynamique des ménages saoudiens et à la progression du PIB pétrolier. La réforme du marché du travail a un effet positif sur la demande intérieure avec notamment la hausse importante du taux de participation féminin. Le risque inflationniste reste modéré, même si la pression salariale a récemment accéléré. Avec l’augmentation des prix et de la production de pétrole, le solde budgétaire devrait à nouveau être en excédent dès cette année. Il se maintiendrait grâce notamment aux progrès de la diversification des revenus. Le niveau plus élevé des prix du pétrole sera un test de la volonté du gouvernement de poursuivre le processus de consolidation budgétaire. Malgré les ambitieux plans de développement, la diversification de l’économie n’a pour le moment que marginalement progressé, notamment en raison de la faiblesse de l’investissement direct étranger. À moyen terme, l’énergie restera un domaine majeur d’investissement.
Reprise plus équilibrée en 2022
La reprise économique s’est accélérée depuis mi-2021 grâce à la conjugaison d’une production pétrolière en hausse et du rebond de la consommation des ménages saoudiens. Cependant, sur l’ensemble de l’année, le PIB ne devrait progresser que de 2,8% en raison de la baisse du PIB pétrolier (-0,9% attendu). En effet, en lien avec la politique des pays membres de l’OPEP+ (OPEP et Russie principalement), la production de pétrole brut a décliné jusqu’en avril 2021. La reprise de la demande mondiale et la position dominante de l’OPEP+ sur le marché du pétrole a permis aux pays membres d’augmenter de nouveau leur production à partir de mi-2021 (environ 400 000 barils/jour supplémentaires par mois).
Depuis son plus bas en avril, la production saoudienne a augmenté de 21% pour atteindre 9,9 b/j en novembre 2021. Le PIB non pétrolier, quant à lui, devrait croître de 5,2% en 2021 grâce au rebond de la consommation des ménages et de l’investissement qui ont progressé chacun d’environ 11% en moyenne durant les trois premiers trimestres de 2021.
La croissance devrait se rééquilibrer, accélérer et atteindre 5,7% en 2022. La hausse de la production de pétrole, si elle est maintenue, devrait faire progresser le PIB pétrolier de 8,8% sur l’ensemble de l’année. La consommation des ménages et l’investissement seront les principaux moteurs de la croissance du PIB non pétrolier (3,7% attendu). La politique de saoudisation de l’emploi dans certains secteurs et un meilleur accès des femmes au marché du travail ont un effet positif sur le revenu disponible des ménages. Si le taux de participation des hommes est quasi stable depuis deux ans (environ 65%), celui des femmes a significativement augmenté pour atteindre 34% en septembre 2021 (contre 20% fin 2018). Parallèlement à ces changements sur le marché de l’emploi, le nombre de travailleurs expatriés est en diminution depuis 2020. Néanmoins, ces derniers restent dominants puisqu’ils représentaient encore 76% de la population active totale en 2020.
L’inflation des prix à la consommation devrait se modérer légèrement cette année (3% attendu contre 3,5% estimé en 2021), en l’absence de nouvelle hausse de TVA. L’accélération de la hausse des salaires observée depuis mi-2021 (supérieure à 5% en g.a. en T2 et T3 2021), devrait soutenir la consommation à court terme. Les pressions salariales pourraient cependant attiser l’inflation sous-jacente.
La propagation récente du variant omicron reste une source d’incertitude notable. Pour le moment, les indicateurs de mobilité n’indiquent pas de freinage de la consommation. En revanche, les dépenses budgétaires ne devraient pas soutenir la croissance. Le projet de budget pour 2022 a prévu une quasi-stabilité des dépenses courantes et une baisse significative de l’investissement, celui-ci étant transféré vers le fonds souverain PIF (Public Investment Fund). Le PIF prévoit d’investir environ USD 40 mds par an (environ 5% du PIB) dans l’économie nationale. Cependant, la capacité d’absorption de l’économie saoudienne est limitée et le fonds n’est parvenu qu’à dépenser la moitié de cette somme en 2021.
En 2023, la croissance devrait mécaniquement ralentir à 2,2% avec la stabilisation de la production de pétrole. L’investissement public demeurerait un élément moteur, mais le royaume reste peu attractif pour les investisseurs internationaux. Les investissements directs étrangers (IDE) entrants ont été équivalents à 0,7% du PIB en moyenne entre 2016 et 2020. Le niveau exceptionnellement élevé enregistré durant les trois premiers trimestres de 2021 (USD 17,4 mds, soit 2,1% du PIB) est dû à la cession de 49% de sa branche oléoduc par Aramco (la compagnie pétrolière nationale) à un consortium d’investisseurs internationaux. La même opération concernant cette fois le réseau de gazoduc (signé fin 2021) devrait générer un montant légèrement supérieur au cours de l’année 2022. Ces opérations financières, si elles accroissent significativement les flux d’IDE, n’ont pas de conséquences directes sur l’investissement productif dans le royaume. Parmi les nombreux programmes d’investissements annoncés depuis quelques années, afin de transformer l’économie saoudienne, ceux du secteur énergétique au sens large paraissent pour le moment les plus prometteurs.
D’un point de vue plus structurel, la diversification du tissu productif ne progresse que très lentement. Au cours de la dernière décennie, si la part de l’extraction énergétique a perdu 7,5 points pour représenter 35% du PIB total, aucun autre secteur n’a significativement accru son poids dans l’économie. Seuls les services financiers (+2,2) et ceux liés au secteur immobilier (+1,6) ont légèrement progressé.
Des investissements massifs dans l’énergie
Les cessions d’actifs réalisées par Aramco doivent contribuer à la réalisation de son ambitieux plan d’investissement. Bénéficiant d’un avantage comparatif important en termes de coût de production et de bas niveau d’émission de carbone par baril de pétrole extrait, la capacité de production pétrolière pourrait augmenter d’1 million de barils par jour (mb/j) pour atteindre 13 mb/j à moyen terme.
Dans un paysage mondial du secteur de l’énergie en mutation rapide, avec notamment des changements stratégiques significatifs de la part de certaines compagnies pétrolières privées, Aramco ambitionne de rester un acteur énergétique incontournable à moyen et long terme, et de participer à la mutation du mix énergétique saoudien vers une génération d’énergie moins carbonée. Actuellement, la production nationale est assurée par le pétrole (42%) et le gaz (57%). L’objectif des autorités est de parvenir à une répartition 50/50 entre gaz et énergies renouvelables. Des investissements significatifs sont prévus afin d’augmenter la capacité de production gazière et d’électricité d’origine solaire. À plus long terme, les vastes ressources en hydrocarbure pourraient alimenter la production d’hydrogène bleu.
Retour à l’excédent budgétaire
En 2020, la baisse conjuguée des prix et de la production de pétrole avait entraîné le déficit budgétaire à un niveau record (11,2% du PIB). Cela a obligé le gouvernement à poursuivre la consolidation des finances publiques en triplant le taux de TVA. Ces changements de la fiscalité ont permis de réduire la dépendance des recettes budgétaires au revenu pétrolier. Les revenus non pétroliers sont actuellement équivalents à environ 35-40% des revenus totaux contre 10% en 2013. Cela a pour conséquence positive une baisse du prix du baril de pétrole qui équilibre le budget. Ce point mort budgétaire devrait être inférieur à 70 USD/b en 2022 alors qu’il équivalait à 84 USD/b en moyenne entre 2015 et 2019.
Les prix du baril de pétrole (équivalent Brent) devant rester supérieurs à 73 USD le baril d’ici 2023, le retour à l’excédent budgétaire est attendu à partir de 2022 (respectivement 3,6% et 2,5% du PIB en 2022 et 2023). Les recettes hors-pétrole devraient également progresser au cours des deux prochaines années grâce notamment à une consommation dynamique des ménages. Du côté des dépenses, la tendance est moins claire. La poursuite du transfert des dépenses d’investissement vers le PIF devrait partiellement compenser la hausse attendue des dépenses courantes.
Avec le retour des excédents budgétaires, la dette du gouvernement continuerait de baisser pour atteindre 23% du PIB en 2023. Néanmoins, les émissions obligataires sur les marchés internationaux se poursuivront, ne serait-ce que pour honorer les importantes tombées de dette. Les actifs du gouvernement logés auprès de la banque centrale (les plus liquides) continueraient de progresser. En 2021, ils ont augmenté de USD 20 mds pour atteindre USD 173 mds en novembre dernier (21% du PIB). Néanmoins, ce montant reste historiquement bas puisque ces actifs étaient supérieurs à 50% du PIB jusqu’en 2014. En parallèle, le montant des actifs gérés par le PIF vont s’étoffer grâce à des cessions d’actifs publics, le recours à l’endettement et le réinvestissement des bénéfices. Il atteint actuellement environ USD 450 mds, soit 54% du PIB. Si on ne prend en compte que les actifs les plus liquides (donc hors PIF), la position nette du gouvernement reste légèrement négative (-8% du PIB à fin 2021).