Reprise compromise
Alors que le nombre de cas de Covid-19 remonte de nouveau à un rythme rapide depuis le début du mois de janvier, les perspectives d’une reprise dynamique de la croissance sont sérieusement compromises.
Bien que l’objectif de vaccination fixé par le gouvernement ait quasiment été atteint (près de 68,5% de la population avait reçu deux doses de vaccin à la fin du mois de décembre, pour un objectif de 70%), une nouvelle vague de restrictions a été annoncée par le gouvernement le 6 janvier dernier.
Le niveau 4 d’alerte (sur 5) est de nouveau en vigueur : le télétravail est très fortement encouragé, de nombreux sites identifiés comme « présentant un risque élevé de propagation » pourront être fermés, tandis que les sites restés ouverts seront soumis à une réglementation stricte, et les rassemblements de plus de 500 personnes sont interdits. À l’exception des 8 provinces les plus touristiques (nommées « zones pilotes »), toutes les provinces sont repassées en « zone orange ».
Dans ce cadre, et alors que de nouvelles mesures plus restrictives ne sont pas à exclure à court terme (le niveau 5 d’alerte permettrait l’instauration d’un couvre-feu et l’interdiction des rassemblements de plus de cinq personnes), les autorités devraient continuer de soutenir l’économie. Le budget 2023 soumis au Parlement en décembre 2021 comprenait déjà une composante « Covid-19 » et la banque centrale a laissé son taux directeur à 0,5% lors de sa dernière réunion (taux inchangé depuis mai 2020), compte tenu de pressions inflationnistes limitées (l’inflation est ressortie à 2,2% en g.a. en décembre, soit une moyenne annuelle de 1,2%). La banque centrale estime également que l’écart de production négatif devrait perdurer au moins jusqu’en 2023.
Ces mesures ne suffiront probablement pas à dynamiser la demande interne, qui devrait rester atone au moins au premier trimestre, avant de rebondir progressivement. De même, les exportations pourraient être pénalisées par le ralentissement de la demande mondiale en début d’année. Au total, la croissance du PIB ne devrait pas dépasser 3,5% en 2022.
Le retour des touristes encore différé
Même dans ce scénario peu optimiste, les risques pesant sur la croissance à court et moyen terme restent orientés à la baisse. Les faiblesses structurelles de l’économie thaïlandaise (manque d’investissement et d’infrastructures, risque politique très élevé) atténueront l’ampleur du redressement. Alors qu’elle était supérieure à 3,5% avant la crise, la croissance potentielle est à présent estimée autour de 2%.
Concernant le secteur du tourisme (représentant au sens large près de 20% du PIB en Thaïlande), le retour à un niveau comparable à celui enregistré en 2019 semble encore devoir être décalé de plusieurs années, ce qui pèse sur la croissance et l’excédent courant.
D’une part, plusieurs pays de la région, dont la Chine (les touristes chinois représentaient près de 30% du total en 2019), imposent encore des conditions de quarantaine très strictes pour les voyageurs de retour d’un pays étranger. D’autre part, en réouvrant partiellement les frontières en novembre dernier, le gouvernement souhaitait amorcer le retour graduel des touristes. Les visiteurs en provenance d’une liste de 63 pays (qui représentaient en 2019 plus de 90% du total des arrivées), dont le schéma vaccinal était complet, pouvaient entrer sur le territoire sans effectuer de quarantaine.
Ces conditions ont été révisées dès le 22 décembre dernier : même les visiteurs disposant d’un schéma vaccinal complet doivent à présent s’isoler pendant sept jours dans un hôtel certifié par le gouvernement, et fournir deux tests PCR négatifs avant de pouvoir circuler sur le territoire thaïlandais (y compris dans les zones pilotes).
Le nombre de touristes restera très faible à court terme : d’après les estimations gouvernementales, environ 45 000 et 90 000 arrivées ont été enregistrées aux T3 et T4 respectivement, soit le tiers de l’objectif initialement fixé par le gouvernement. En 2019, la moyenne mensuelle était de près de 3,3 millions d’arrivées.
Dans son scénario établi au début du mois de décembre dernier, la Banque mondiale prévoyait une augmentation très progressive du nombre de touristes, soit 7 millions au total pour l’année 2022 (la quasi-totalité des arrivées ayant lieu au deuxième semestre), puis une augmentation plus soutenue en 2023, pour atteindre 20 millions en 2023, soit environ la moitié du nombre d’arrivées enregistré en 2019.
La vulnérabilité externe reste limitée
La vulnérabilité externe de la Thaïlande a augmenté au cours des deux dernières années, mais reste relativement faible. Pour la première fois depuis plus de dix ans, le compte courant devrait enregistrer un déficit en 2021. Celui-ci devrait représenter environ 3,5% du PIB (après un excédent de 3,3% en 2020, les importations ayant chuté encore plus brutalement que les exportations et les recettes du tourisme). L’excédent courant représentait plus de 7% du PIB en 2019, et 8% en moyenne en 2014-2018.
Les perspectives ne sont pas favorables à court terme : la hausse des prix de l’énergie et du transport, les tensions persistantes sur les chaines de valeur, le ralentissement des exportations et les très faibles recettes du tourisme ne devraient pas permettre un excédent courant supérieur à 1% et 2% du PIB respectivement en 2022 et 2023.
Le compte de capital est lui aussi resté en déficit, les sorties de capitaux s’étant poursuivies au cours des derniers trimestres. Observées depuis plusieurs années, celles-ci reflètent la préférence des investisseurs thaïs pour des investissements directs et de portefeuille à l’étranger plutôt qu’en Thaïlande.
Cela dit, le niveau très modéré de la dette externe et les réserves de change encore très confortables (USD 246 mds en décembre 2021), accumulées grâce à une décennie de soldes courants excédentaires, continuent de protéger la Thaïlande contre les chocs externes, et notamment contre les effets du resserrement monétaire aux États-Unis.