L’économie israélienne aborde l’année 2022 dans une position favorable. Après un fort rebond en 2021, la croissance du PIB devrait rester soutenue par la consommation des ménages et les exportations. Bien qu’en hausse, l’inflation reste maîtrisée, ce qui devrait permettre la poursuite d’une politique monétaire accommodante. Les fondamentaux macroéconomiques sont toujours très favorables au shekel, mais le resserrement monétaire aux États-Unis et une éventuelle correction du marché boursier américain pourraient freiner son appréciation. La vulnérabilité des finances publiques à une hausse des taux d’intérêt demeure limitée. En effet, le financement du déficit budgétaire est essentiellement intérieur et le risque d’un resserrement monétaire important à court terme est faible.
Reprise économique soutenue
L’activité économique israélienne a bien résisté aux conséquences de la crise sanitaire. En 2020, le repli du PIB (-2,2%) avait été l’un des plus faibles parmi les pays de l’OCDE et en 2021, la reprise a été forte. La croissance du PIB réel devrait atteindre 6,7% sur l’ensemble de l’année. La consommation privée et l’investissement ont été les principaux moteurs de la reprise économique. L’efficacité de la campagne vaccinale (au moins durant les trois premiers trimestres) a permis une levée des restrictions de mobilité.
Le pouvoir d’achat des ménages est soutenu par la modération de l’inflation et la réduction du chômage au cours de l’année. Le taux de chômage selon la définition élargie (inclut les personnes privées d’emploi, même temporairement en raison de la pandémie) a atteint 6,3% fin 2021 contre 13,2% un an auparavant, tandis que le taux d’emploi a pratiquement retrouvé son niveau pré-pandémique. Concernant l’investissement (+14% en g.a. au Q3 2021 après +16% au Q2), l’immobilier résidentiel comme l’investissement productif industriel contribuent à son dynamisme. A contrario, même si les exportations, notamment de services de haute technologie, restent un important facteur de soutien (+13% en g.a. en moyenne au cours des trois premiers trimestres), la reprise de la demande intérieure favorise les importations (+20% en g.a. en moyenne au cours des trois premiers trimestres), et implique donc une contribution négative du commerce extérieur net à la croissance.
À court terme, l’activité devrait rester soutenue et atteindre 5% en 2022. Néanmoins, la résurgence de l’épidémie avec le variant omicron pourrait remettre en cause cette prévision. Ce variant se répand en Israël avec un certain retard par rapport à l’Europe et le gouvernement a pour le moment choisi de privilégier la mobilité en levant au maximum les restrictions. Néanmoins, les contaminations augmentent très rapidement, et certains indicateurs incitent à la prudence. Les indicateurs de mobilité sont de nouveau orientés à la baisse depuis le début de l’année et sont largement inférieurs à leur niveau de fin 2019. Selon la banque centrale (BoI), les achats avec carte de crédit perdent en dynamisme depuis fin 2021. La capacité de la consommation des ménages à continuer de soutenir la croissance pourrait donc se réduire, au moins à court terme. Par ailleurs, les mesures de soutien gouvernementales à destination des ménages et des entreprises sont progressivement réduites. Du côté de l’offre, de nombreux secteurs souffrent de difficultés de recrutement, notamment dans les services, tandis que l’industrie et la construction souffrent de difficultés d’approvisionnement concernant les matériaux et certains biens d’équipement.
À moyen terme, les perspectives de croissance sont favorables, en raison notamment de la compétitivité de certains secteurs, notamment dans la haute technologie. La faible récession économique enregistrée en 2020 par rapport aux autres membres de l’OCDE témoigne de la solidité de l’économie israélienne. Néanmoins, certaines faiblesses structurelles demeurent et pourraient peser sur le potentiel de croissance. La croissance des inégalités reste une fragilité majeure. Elle est notamment alimentée par la poursuite de la hausse des prix immobiliers. Le rebond des prix de l’immobilier résidentiel a été soutenu au cours de l’année 2021. Ils ont crû de 10,3% en g.a. en octobre dernier, soit la plus forte hausse depuis mi-2011. Par ailleurs, l’OCDE souligne la faiblesse de la productivité du travail qui est inférieure de 35% à celle des pays de l’OCDE les plus performants. Cela est notamment dû à la forte disparité entre les secteurs de haute technologie et ceux de l’économie plus traditionnelle, orientés vers le marché intérieur.
Inflation sous contrôle
L’inflation des prix à la consommation a accéléré au cours de l’année 2021, mais reste très inférieure à la moyenne des pays de l’OCDE. Elle a atteint 2,4% en g.a. en novembre 2021 contre 5,8% en moyenne pour les pays de l’OCDE. L’inflation sous jacente atteignait 2,5%, confirmant la modération des pressions inflationnistes. Les dépenses liées à l’habitat (dont l’énergie) et au transport sont les principaux contributeurs à l’accélération de l’inflation, alors que l’appréciation continue du shekel contribue à sa modération. Plus structurellement, la progression de l’autosuffisance énergétique permise par l’exploitation des ressources gazières nationales réduit la vulnérabilité à la hausse des prix internationaux de l’énergie. Pour l’ensemble de l’année 2021, l’inflation a atteint en moyenne 1,5%. En 2022, l’inflation devrait légèrement accélérer à 1,7% avec la mise en place de certaines taxes, une moindre appréciation du shekel et la persistance de tensions sur les circuits d’approvisionnement internationaux. L’inflation salariale reste relativement contenue pour le moment, mais certains secteurs enregistrent des hausses du salaire moyen supérieures à 13% depuis fin 2019 (construction et secteur de l’information et des communications).
La politique monétaire reste accommodante
D’après les conclusions de la dernière réunion de politique monétaire (le 3 janvier 2022), celle-ci devrait rester accommodante. D’abord parce que des incertitudes continuent de peser sur la reprise économique. Ensuite, les prévisions d’inflation restent dans la zone cible de la banque centrale (1%-3%). Le taux d’intérêt directeur est stable à 0,1% depuis la mi-2020. Si un durcissement est possible en 2022, il devrait être limité. Par ailleurs, les mesures de soutien à la liquidité liées à la pandémie sont en net ralentissement depuis mi-2021. Les prises en pension collatéralisées par des obligations ne concernaient plus qu’un montant résiduel à fin 2021 (NIS 0,1 md). Les achats d’obligations gouvernementales ont progressé jusqu’en décembre dernier pour atteindre NIS 85 mds (5,6% du PIB), soit l’objectif fixé par la BoI à la mise en place du programme en 2020.
Concernant la politique de change, la banque centrale n’a pour le moment pas annoncé un montant précis d’achat de devises pour l’année 2022 (USD 30 mds en 2021). Les réserves de change de la BoI atteignent un niveau record (USD 209 mds en novembre 2021, équivalant à pratiquement deux années d’importations de biens et services). Après avoir atteint un plus haut contre le dollar depuis plus de vingt ans en novembre dernier, le shekel a été plus volatil depuis et n’a pas pris une orientation claire. D’un côté, les fondamentaux macroéconomiques (excédents courants et flux soutenus d’investissements directs étrangers) continuent d’être des puissants facteurs de soutien du shekel. Malgré la forte progression des importations en 2021, l’excédent courant est resté important (4,3% du PIB estimé), notamment grâce au dynamisme des exportations de services. Il devrait rester supérieur à 4% du PIB en 2022. En outre, les fonds levés par les entreprises technologiques en 2021 (73% provenant de non-résidents) ont encore atteint un niveau record à USD 26 mds (+40% par rapport à 2020 et 2019 réunis). D’un autre côté, des facteurs financiers pourraient freiner l’appréciation du shekel en 2022. À court terme, celle-ci dépendra du rythme du durcissement monétaire de la Fed (a priori désynchronisé par rapport à celui de la BoI) ainsi que des performances du marché boursier américain, qui influe notamment sur les performances et donc sur la position en devises des fonds d’investissement israéliens.
Consolidation budgétaire
Le déficit budgétaire s’est fortement réduit en 2021 (4,5% du PIB) après le niveau record atteint en 2020 (11,3% du PIB). Cela est dû à la fois à la réduction des dépenses liées au Covid (une baisse équivalant à 0,9% du PIB) qui a permis une quasi stabilité des dépenses budgétaires totales (+0,6% en g.a.), et surtout à une augmentation significative des recettes (+30%), notamment les taxes sur l’immobilier et la TVA. Le paiement des intérêts sur la dette a rapidement augmenté (+36%), mais reste inférieur à 7% des revenus budgétaires totaux.
Le nouveau gouvernement élu en juin dernier a adopté en novembre 2021 le budget des années 2021 et 2022. L’exercice budgétaire 2022 ne prévoit pas de réformes significatives et mettra l’accent sur les dépenses liées au capital humain (notamment l’accès au marché du travail pour les catégories de population marginalisées) et aux infrastructures (transport). En 2022 et 2023, le déficit budgétaire devrait continuer de se réduire (respectivement 3,6% et 3,4% du PIB selon les prévisions du gouvernement), mais sans revenir au niveau pré-crise (2,3% du PIB en moyenne entre 2015 et 2019).
Après un plus haut atteint en 2020 (73% du PIB), la dette du gouvernement est estimée à 68% du PIB en 2021. Elle devrait se stabiliser à environ 67% du PIB en 2022 et 2023. Malgré un niveau de dette gouvernementale relativement élevé, la sensibilité à une hausse des taux d’intérêt est contenue à court terme. La dette du gouvernement étant essentiellement domestique (84% de la dette totale), ce sont les conditions financières locales qui en sont les principaux déterminants. Le programme d’assouplissement quantitatif de la BoI a permis de maintenir les taux à dix ans à un niveau assez bas. Par ailleurs, avec plus de 45% de la dette obligataire intérieure indexée à l’évolution de l’inflation, le niveau modéré des pressions inflationnistes à court terme réduit le risque d’une forte hausse du coût de l’endettement pour le gouvernement.