Dette dangereusement élevée
La probabilité que les autorités n’atteignent pas leur cible budgétaire de court et moyen terme est donc élevée, à moins qu’elles y soient contraintes. En se basant sur des déficits plus importants (9,4% du PIB en 2022, 8% en 2023 ; graph. 2) que ceux anticipés par le gouvernement, l’on estime en effet que les ratios d’endettement vont continuer de se détériorer au moins sur les deux prochaines années. À 84% du PIB à fin 2023, la dette publique se situerait ainsi à des niveaux dangereusement élevés. De plus, sa structure la rend vulnérable à de multiples chocs tels qu’un; ralentissement plus fort que prévu dans les pays émergents, notamment en Chine, ou, surtout, un durcissement de la politique monétaire aux États-Unis.
À la mi-2021, les investisseurs non résidents détenaient presque 20% de la dette domestique, soit l’équivalent de USD 5,8 mds pour des réserves de change inférieures à USD 9 mds. Malgré un déficit courant modéré et une base d’exportations, dont l’évolution des cours est rarement synchronisée (or : 47% des exportations en 2020 ; pétrole : 20%, cacao : 16%), le Ghana reste donc exposé à d’importantes sorties de capitaux avec de potentielles fortes pressions sur le taux de change. Or, près de la moitié de la dette publique est libellée en devise. Le ratio d‘endettement augmente mécaniquement de 4 points de PIB en cas de dépréciation de 10% du cedi.
Une dégradation des conditions de financement extérieur ne se limiterait pas à des pressions sur la liquidité extérieure. Le gouvernement prévoit de couvrir 80% de ses besoins sur le marché domestique. Mais avec des actifs bancaires totaux à 40% du PIB, le marché financier est de taille modeste. De plus, l’exposition des banques au risque souverain est déjà très importante. À fin juin 2021, les encours du gouvernement représentaient 46,5% des actifs du système bancaire contre 37,5% à fin 2019. En l’absence de solution alternative aux financements de marché internationaux, les autorités pourraient ainsi se tourner une nouvelle fois vers la Banque centrale. En 2020, un programme de monétisation, équivalent à 2,6% du PIB, avait permis de couvrir un quart du financement domestique de l’État. Or, le relèvement du taux directeur de la Banque centrale en novembre semble indiquer que la stabilité monétaire est de nouveau prioritaire et risque de renchérir un peu plus des conditions d’emprunts de l’État, déjà très onéreuses. Les taux sur les bons du Trésor oscillent entre 16% et 19% sur des maturités de 1 à 3 ans alors que les charges d’intérêts absorbent déjà presque la moitié des ressources budgétaires, dont 80% pour le paiement de la dette émise localement. La marge de manœuvre pour le gouvernement est d’autant plus étroite qu’il lui faudra refinancer 42% de la dette domestique dans les trois prochaines années. Heureusement, la prochaine tombée importante de dette euro-obligataire n’interviendra pas avant 2025.
Ralentissement de la croissance en vue
Jusqu’à présent, l’activité a plutôt bien résisté. L’économie a échappé à la récession en 2020 et les chiffres des 9 premiers mois de 2021 ont surpris favorablement avec une croissance moyenne de 5,3% grâce à un fort rebond du secteur des services. Selon toute vraisemblance, la prévision de 4,4% faite par le gouvernement lors de l’élaboration du budget sera dépassée.
En revanche, la prévision officielle de de 5,8% pour 2022 semble très optimiste. La croissance devrait au contraire ralentir à 4,7% en raison du durcissement des conditions de financement et de la politique monétaire. Les autorités prévoient notamment une hausse de 29% investissements publics en 2022 mais il y a de fortes chances qu’ils servent de variable d’ajustement. La persistance de déficits budgétaires significatifs pose une autre contrainte. Le taux de couverture des créances à l’économie par les dépôts est tombé à un niveau historiquement bas de 52%, soit presque 10 points de moins que fin 2019. Dans un environnement économique fragile, les banques ghanéennes privilégieraient ainsi les titres d’État considérés plus sûrs. Or, avec un taux de créances non performantes de 16,4% en novembre (14,3% à fin 2019), le risque de crédit est toujours élevé. En outre, le durcissement de la politique monétaire va encore dégrader les conditions de prêts et peser un peu plus sur la croissance des crédits bancaires au secteur privé, qui était déjà négative en termes réels à fin novembre (-0,8%).
Au-delà de la dynamique de croissance, c’est surtout le risque d’un nouveau stress macro-financier qui inquiète. En 2015, la chute de presque 50% de la valeur du cedi en deux ans avait poussé les autorités à signer un programme de financement avec le FMI. Pour l’instant, elles considèrent qu’elles n’en ont pas besoin mais les signaux d’alarme se multiplient.