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Ebranlée par la crise de l'immobilier et le variant Omicron

19/01/2022
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Les indicateurs d’activité du dernier trimestre 2021 le confirment : la crise des secteurs de l’immobilier et de la construction, le maintien de la stratégie zéro covid face aux résurgences de l’épidémie, et la fragilité persistante de la consommation des ménages pèsent lourdement sur la croissance économique chinoise. L’industrie exportatrice reste très dynamique, mais elle pourrait s’essouffler à très court terme à cause d’un moindre dynamisme de la demande mondiale et des répercussions de la vague Omicron sur l’activité des usines et le transport des marchandises. Les autorités renforcent progressivement leurs mesures de soutien monétaire et budgétaire. Elles devraient dans le même temps poursuivre l’assainissement du marché immobilier, la réduction des risques financiers et le resserrement réglementaire.

Le secteur exportateur, un solide moteur de croissance

La croissance économique a marqué le pas au second semestre 2021. Après la période de très fort rebond qui a suivi le choc de la Covid-19, la croissance a ralenti de 7,9% en glissement annuel (g.a.) au T2 2021 à 4,9% au T3 et 4% au T4. Le Bureau statistique national (NBS) estime qu’en rythme trimestriel corrigé des variations saisonnières, la croissance du PIB réel est passée de 1,3% au T2 à 0,7% au T3 puis à 1,6% au T4. La réaccélération au dernier trimestre s’expliquerait essentiellement par l’amélioration de la situation dans l’industrie après les difficultés de l’été.

Prévisions

L’activité industrielle a en effet souffert, à partir de la mi-2021, de contraintes d’offre liées aux perturbations dans les chaînes d’approvisionnement (avec notamment des pénuries de puces électroniques dans le secteur automobile et des congestions dans les ports) et, surtout, à des coupures d’électricité affectant les usines en septembre et début octobre. Les autorités ont rapidement réagi. Elles ont demandé aux mines de charbon d’augmenter leur production et autorisé les producteurs d’énergie à élever leurs prix de vente aux consommateurs jusqu’à 20% au-dessus du tarif réglementé. La croissance industrielle s’est alors redressée progressivement après son ralentissement au cours du T3, passant de 3,1% en g.a. en septembre à 4,3% en décembre (graphique 1).

Sur l’ensemble de 2021, le secteur manufacturier a affiché une croissance de 9,8%. Son activité a notamment été soutenue par la performance toujours très solide des exportations. Selon les données de l’Administration générale des douanes, les exportations ont encore progressé de 22,9% en g.a. en dollars au T4, et de 29,7% sur l’ensemble de l’année (contre +4% en 2020). En 2021, le total des importations a augmenté de 30% (après -0,4% en 2020), largement tirée par la hausse des prix des matières premières, et l’excédent commercial a atteint un niveau record de USD 689 milliards (soit +30% par rapport à 2020).

À très court terme, les exportations devraient subir les effets de la nouvelle vague de Covid-19 sur l’activité de production et le transport des marchandises, dans un contexte de demande mondiale un peu moins dynamique. La croissance industrielle pourrait de fait à nouveau fléchir au T1 2022 en raison des perturbations dans les usines d’un grand nombre de régions, causées par les mesures de confinement introduites pour freiner la propagation du variant Omicron.

D’ici la fin 2022, en supposant la normalisation de la production de biens dans le reste du monde et la baisse des tensions dans les chaînes d’approvisionnement, la Chine devrait voir ses parts de marché diminuer légèrement après les gains importants des deux dernières années (la Chine représentait 15% des exportations mondiales de marchandises en 2020 et sur les neuf premiers mois de 2021, contre 13,3% en 2019).

Prolongement et diffusion de la crise de l’immobilier

Dans le secteur des services, la croissance a atteint 8,2% en 2021, mais là aussi, ce taux élevé cache un fort ralentissement au second semestre. La croissance de la production de services est passée de 10,9% en g.a. en juin 2021 à 3% en décembre (graphique 1). L’activité a d’abord été pénalisée par le durcissement réglementaire dans un grand nombre de secteurs considérés comme sensibles par Pékin, comme les plateformes de services numériques, les jeux vidéos et le soutien scolaire.

Ralentissement économique
Crise de l'immobilier et de la construction

Ensuite, dans de nombreuses régions, les services ont été affectés par les vagues successives de Covid-19 et de restrictions à la mobilité mises en place depuis l’été. Ces dernières semaines, la plus forte vague liée au variant Omicron a eu des conséquences particulièrement sévères, les autorités maintenant leur politique de tolérance zéro face à l’épidémie.

Enfin, la crise de l’immobilier s’est poursuivie et diffusée à l’économie au second semestre 2021. Le resserrement des règles prudentielles et des conditions de crédit s’imposant aux promoteurs a provoqué une très forte correction sur le marché immobilier et dans le secteur de la construction. Les promoteurs ont rencontré des problèmes croissants de trésorerie et de financement (le total de leurs prêts bancaires était estimé en légère baisse au S2). L’investissement immobilier s’est contracté (de -3% à -5% en g.a. en septembre et octobre, puis de -14% en décembre). Les projets en construction, les projets nouvellement démarrés et les transactions immobilières se sont effondrés depuis juillet (en décembre, leurs baisses en g.a. atteignaient, respectivement, -35%, -31% et -16%). Les prix moyens des logements ont entamé une baisse, qui devrait se poursuivre à court terme (graphique 2).

Dans ce contexte, la consommation privée est restée très déprimée. Les volumes de ventes au détail ont progressé de moins de 2% en g.a. sur la période août-octobre et de 0,5% en novembre. Elles ont probablement stagné en g.a. en décembre. Les pressions inflationnistes ne pèsent pas particulièrement sur les dépenses des ménages : l’inflation des prix à la consommation n’a accéléré que légèrement en 2021 et reste faible. Elle a même ralenti en fin d’année, atteignant +1,5% en g.a. en décembre.

La consommation privée est en revanche très fortement contrainte par des facteurs qui devraient persister à court terme : le maintien de la stratégie « zéro covid », le ralentissement des ventes d’équipements et d’appareils ménagers avec le recul des ventes de logements, des effets de richesse négatifs liés à la correction des prix immobiliers, et les inquiétudes des ménages face au risque sanitaire et à la nouvelle dégradation du marché du travail. En effet, les pertes d’emplois dans les entreprises de l’immobilier et de la construction et certaines entreprises de services (en particulier les PME et l’industrie numérique) ont freiné la hausse des revenus des ménages au S2 2021.

Les créations d’emplois dans les zones urbaines ont ainsi atteint un niveau historiquement faible au T4 2021 (elles étaient 12% inférieures au niveau du T4 2019). Le taux de chômage établi par le NBS sur la base de sondages est remonté à 5,1% en décembre, contre 4,9% en septembre et octobre (ce qui était le taux le plus bas depuis le début de la crise de la Covid-19). Le taux de chômage reste en ligne avec les moyennes annuelles de 2018-2019, mais sa hausse est symptomatique des fragilités actuelles du marché du travail. En particulier, le chômage des jeunes reste élevé (14,3% fin 2021, contre 12,2% fin 2019).

Assouplissement budgétaire et monétaire en cours

Le ralentissement de la croissance au S2 2021 s’explique en grande partie par le durcissement de la politique économique, de l’environnement réglementaire et du cadre prudentiel dans le secteur immobilier. Ces mesures s’inscrivent dans la stratégie de moyen terme de Pékin. Celle-ci vise à rendre le modèle de croissance chinois plus soutenable, moins dépendant du crédit, plus vert et plus inclusif, ainsi qu’à promouvoir la « prospérité commune » sous le contrôle du gouvernement. Les objectifs des politiques mises en œuvre ces derniers mois ont donc été multiples : désendetter les entreprises et réduire les risques financiers, assainir le marché immobilier et modérer le coût du logement, accroître le contrôle des activités liées à des enjeux sociétaux (tels que l’éducation ou la répartition des richesses) et des sociétés (numériques) collectant des données, et contenir l’expansion des entreprises digitales bénéficiant d’une position trop dominante sur leur marché.

Ce cap et ces objectifs de moyen terme devraient être maintenus en 2022, en dépit de leurs conséquences à court terme sur la croissance économique. Cependant, les autorités assouplissent progressivement leur policy mix afin d’atténuer ces effets et soutenir la demande intérieure. Du côté de la politique budgétaire, les émissions obligataires des collectivités locales ont fortement accéléré depuis octobre, et l’investissement public dans les projets d’infrastructure a enfin montré des signes de redressement en fin d’année. Cette tendance devrait se renforcer dans les prochains mois, même s’il est probable que les collectivités locales resteront prudentes.

Dans le secteur immobilier, sans changer les limites prudentielles imposées aux promoteurs, les autorités ont procédé à des ajustements afin d’éviter un effondrement dévastateur du marché. Les conditions sur les prêts hypothécaires et l’accès des promoteurs à certains financements de court terme ont été assouplis ces dernières semaines. La croissance des prêts bancaires immobiliers (prêts aux promoteurs et prêts hypothécaires) s’est d’ailleurs stabilisée (à 5,3% en g.a.) au T4 2021.

Surtout, la banque centrale a multiplié les mesures d’assouplissement des conditions monétaires et de crédit depuis le mois de décembre. Elle a d’abord introduit quelques mesures ciblées (avec notamment des programmes de prêts dédiés aux PME, à l’agriculture et visant à accompagner les efforts de réduction des émissions carbone). Puis elle a réduit les coefficients de réserves obligatoires (de 12% à 11,5% pour les plus grandes banques) et abaissé le taux préférentiel sur les prêts à un an le 20 décembre dernier (de 5 points de base à 3,8%). Le 17 janvier, la banque centrale a annoncé une baisse du taux directeur MLF (medium-term loan facility) de 2,95% à 2,85% (contre 3,25% à la veille de la crise sanitaire fin 2019), soit la première baisse depuis avril 2020. La croissance de l’ensemble des crédits à l’économie, qui avait ralenti depuis la fin 2020 jusqu’en septembre 2021, s’est à peine redressée au T4 (elle a atteint 10,3% en g.a. en décembre). Elle devrait se renforcer progressivement à court terme, d’autant que d’autres baisses de taux d’intérêt sont attendues.

Achevé de rédiger le 19 janvier 2022

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