Ensuite, dans de nombreuses régions, les services ont été affectés par les vagues successives de Covid-19 et de restrictions à la mobilité mises en place depuis l’été. Ces dernières semaines, la plus forte vague liée au variant Omicron a eu des conséquences particulièrement sévères, les autorités maintenant leur politique de tolérance zéro face à l’épidémie.
Enfin, la crise de l’immobilier s’est poursuivie et diffusée à l’économie au second semestre 2021. Le resserrement des règles prudentielles et des conditions de crédit s’imposant aux promoteurs a provoqué une très forte correction sur le marché immobilier et dans le secteur de la construction. Les promoteurs ont rencontré des problèmes croissants de trésorerie et de financement (le total de leurs prêts bancaires était estimé en légère baisse au S2). L’investissement immobilier s’est contracté (de -3% à -5% en g.a. en septembre et octobre, puis de -14% en décembre). Les projets en construction, les projets nouvellement démarrés et les transactions immobilières se sont effondrés depuis juillet (en décembre, leurs baisses en g.a. atteignaient, respectivement, -35%, -31% et -16%). Les prix moyens des logements ont entamé une baisse, qui devrait se poursuivre à court terme (graphique 2).
Dans ce contexte, la consommation privée est restée très déprimée. Les volumes de ventes au détail ont progressé de moins de 2% en g.a. sur la période août-octobre et de 0,5% en novembre. Elles ont probablement stagné en g.a. en décembre. Les pressions inflationnistes ne pèsent pas particulièrement sur les dépenses des ménages : l’inflation des prix à la consommation n’a accéléré que légèrement en 2021 et reste faible. Elle a même ralenti en fin d’année, atteignant +1,5% en g.a. en décembre.
La consommation privée est en revanche très fortement contrainte par des facteurs qui devraient persister à court terme : le maintien de la stratégie « zéro covid », le ralentissement des ventes d’équipements et d’appareils ménagers avec le recul des ventes de logements, des effets de richesse négatifs liés à la correction des prix immobiliers, et les inquiétudes des ménages face au risque sanitaire et à la nouvelle dégradation du marché du travail. En effet, les pertes d’emplois dans les entreprises de l’immobilier et de la construction et certaines entreprises de services (en particulier les PME et l’industrie numérique) ont freiné la hausse des revenus des ménages au S2 2021.
Les créations d’emplois dans les zones urbaines ont ainsi atteint un niveau historiquement faible au T4 2021 (elles étaient 12% inférieures au niveau du T4 2019). Le taux de chômage établi par le NBS sur la base de sondages est remonté à 5,1% en décembre, contre 4,9% en septembre et octobre (ce qui était le taux le plus bas depuis le début de la crise de la Covid-19). Le taux de chômage reste en ligne avec les moyennes annuelles de 2018-2019, mais sa hausse est symptomatique des fragilités actuelles du marché du travail. En particulier, le chômage des jeunes reste élevé (14,3% fin 2021, contre 12,2% fin 2019).
Assouplissement budgétaire et monétaire en cours
Le ralentissement de la croissance au S2 2021 s’explique en grande partie par le durcissement de la politique économique, de l’environnement réglementaire et du cadre prudentiel dans le secteur immobilier. Ces mesures s’inscrivent dans la stratégie de moyen terme de Pékin. Celle-ci vise à rendre le modèle de croissance chinois plus soutenable, moins dépendant du crédit, plus vert et plus inclusif, ainsi qu’à promouvoir la « prospérité commune » sous le contrôle du gouvernement. Les objectifs des politiques mises en œuvre ces derniers mois ont donc été multiples : désendetter les entreprises et réduire les risques financiers, assainir le marché immobilier et modérer le coût du logement, accroître le contrôle des activités liées à des enjeux sociétaux (tels que l’éducation ou la répartition des richesses) et des sociétés (numériques) collectant des données, et contenir l’expansion des entreprises digitales bénéficiant d’une position trop dominante sur leur marché.
Ce cap et ces objectifs de moyen terme devraient être maintenus en 2022, en dépit de leurs conséquences à court terme sur la croissance économique. Cependant, les autorités assouplissent progressivement leur policy mix afin d’atténuer ces effets et soutenir la demande intérieure. Du côté de la politique budgétaire, les émissions obligataires des collectivités locales ont fortement accéléré depuis octobre, et l’investissement public dans les projets d’infrastructure a enfin montré des signes de redressement en fin d’année. Cette tendance devrait se renforcer dans les prochains mois, même s’il est probable que les collectivités locales resteront prudentes.
Dans le secteur immobilier, sans changer les limites prudentielles imposées aux promoteurs, les autorités ont procédé à des ajustements afin d’éviter un effondrement dévastateur du marché. Les conditions sur les prêts hypothécaires et l’accès des promoteurs à certains financements de court terme ont été assouplis ces dernières semaines. La croissance des prêts bancaires immobiliers (prêts aux promoteurs et prêts hypothécaires) s’est d’ailleurs stabilisée (à 5,3% en g.a.) au T4 2021.
Surtout, la banque centrale a multiplié les mesures d’assouplissement des conditions monétaires et de crédit depuis le mois de décembre. Elle a d’abord introduit quelques mesures ciblées (avec notamment des programmes de prêts dédiés aux PME, à l’agriculture et visant à accompagner les efforts de réduction des émissions carbone). Puis elle a réduit les coefficients de réserves obligatoires (de 12% à 11,5% pour les plus grandes banques) et abaissé le taux préférentiel sur les prêts à un an le 20 décembre dernier (de 5 points de base à 3,8%). Le 17 janvier, la banque centrale a annoncé une baisse du taux directeur MLF (medium-term loan facility) de 2,95% à 2,85% (contre 3,25% à la veille de la crise sanitaire fin 2019), soit la première baisse depuis avril 2020. La croissance de l’ensemble des crédits à l’économie, qui avait ralenti depuis la fin 2020 jusqu’en septembre 2021, s’est à peine redressée au T4 (elle a atteint 10,3% en g.a. en décembre). Elle devrait se renforcer progressivement à court terme, d’autant que d’autres baisses de taux d’intérêt sont attendues.