Après la victoire du Parti libéral-démocrate aux élections législatives d’octobre dernier, le Premier ministre, Fumio Kishida, a toute latitude pour dérouler son programme. En novembre, il a présenté un plan de relance record de quelque JPY 55 700 mds, soit 10 % du PIB. En 2022, la croissance du PIB pourrait atteindre 2,6% (après 1,7% en 2021), en grande partie portée par la consommation privée.
Au T3 2021, l’économie japonaise s’est contractée de 0,9 % t/t. Les perturbations des chaînes d’approvisionnement ont, en effet, fortement affecté les exportations et les restrictions liées au confinement ont par ailleurs freiné la consommation privée. La levée de l’état d’urgence en octobre a permis une amélioration des conditions d’activité des entreprises, en particulier dans le secteur des services. Dans le secteur manufacturier, en revanche, le climat des affaires reste très dégradé. La production industrielle pâtit des retards de livraison des composants en provenance de l’étranger et de la pénurie de semi-conducteurs. À cela s’ajoute une forte érosion des marges, les entreprises manufacturières ayant du mal à répercuter la hausse des prix des matières premières sur leurs clients. L’inflation reste très modérée, principalement en raison d’une forte baisse des tarifs de téléphonie mobile en avril 2021, qui a réduit l’inflation sous-jacente d’un point de pourcentage. En novembre, l’indice de prix de Tokyo n’a augmenté que de 0,5 % par rapport à l’année précédente et les prix sous-jacents étaient même en baisse de 0,3 %.
Des mesures de relance économique sans précédent
Le Parti libéral-démocrate a remporté, quoique à une courte majorité, les élections législatives en octobre, ce qui permet au Premier ministre Fumio Kishida de mettre en œuvre son programme politique. Sa priorité est de réduire la fracture entre riches et pauvres, engendrée, depuis le début des années 2000, par la déréglementation et les réformes structurelles - les fameux « Abenomics » - et que la pandémie de coronavirus n’a fait qu’aggraver. L’une des mesures consiste à réduire les impôts des entreprises qui accordent des hausses de salaires. L’organisation patronale Keidanren a d’ores et déjà rejeté les demandes d’augmentations salariales généralisées. La revalorisation des revenus des personnels de santé et du soin est également à l’ordre du jour. De plus, le gouvernement s’est engagé à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, même s’il n’a pas encore annoncé comment il entend y parvenir.
La prudence budgétaire n’est pas au programme. En novembre, M. Kishida a présenté un plan de relance d’un montant inédit de JPY 55 700 mds, soit 10 % du PIB, dont JPY 36 000 mds pour l’année fiscale 2021. Cette année, le programme sera financé à l’hauteur de JPY 20 000 mds par des émissions d’obligations d’État (JGB), augmentant le total des émissions de JGB à JPY 65 000 mds, et le reste par des allocations budgétaires non dépensées et une augmentation des recettes fiscales. Le plan comporte des aides très conséquentes, par exemple aux familles avec enfants, ce qui pourrait donner un coup de pouce à la coalition au pouvoir lors des élections à la Chambre haute de l’été prochain. Le gouvernement devrait, en effet, rester en campagne électorale, un scrutin local étant prévu pour le printemps 2023.
Cette politique budgétaire est soutenue par la Banque du Japon (BoJ), qui achète autant que nécessaire pour maintenir les rendements des JGB à 10 ans autour de 0 %. Dans le cadre de son programme spécial de prêt, la BoJ a également soutenu les prêts aux entreprises affectées par la crise de la Covid-19. Le programme a récemment été prolongé jusqu’à la fin mars 2022. Enfin, la BoJ a lancé un nouveau programme visant à fournir des fonds aux institutions financières en contrepartie d’investissements ou de prêts dans le cadre de projets verts.
Une croissance robuste en perspective
Dans les mois qui viennent, les effets de la crise de la Covid-19 continueront de se faire sentir sur l’économie nippone, quoique à un degré moindre en raison de la progression du taux de vaccination. En 2022, la croissance du PIB pourrait atteindre 2,6 %, en grande partie portée par la consommation privée. Malgré la perte de pouvoir d’achat, due à la flambée des prix de l’énergie et à une hausse limitée des salaires, les ménages vont probablement puiser dans l’épargne considérable accumulée pendant le confinement. La pénurie de semi-conducteurs et de pièces détachées va continuer à peser sur la production industrielle. La diminuation des profits liés à la hausse de prix des matières premières et de l’énergie devrait freiner les investissements des entreprises et la progression des salaires au début de 2022. La diminution des primes d’été va probablement se poursuivre. Avec la réduction progressive des goulets d’étranglement dans la production manufacturière, les exportations et l’investissement des entreprises devraient devenir plus dynamique au cours de l’année. En raison d’un ralentissement de la consommation privé, la croissance du PIB baisserait à 1,6 % en 2023, ce qui reste toutefois bien supérieur au taux de croissance potentiel du Japon. L’inflation sous-jacente pourrait remonter en 2023, avec la réduction de l’écart de production.