Eco Perspectives

Face aux vents contraires, la croissance devrait tenir bon

16/12/2021
PDF

Les freins à la croissance à court terme - contraintes d’offre, poussée de l’inflation, recrudescence de l’épidémie de Covid-19 - ont forci. Mais la bonne tenue du climat des affaires jusqu’en novembre et les nombreuses mesures ciblées de soutien au pouvoir d’achat aident à tempérer les inquiétudes. Notre prévision de croissance pour le T4 (0,6%) est toutefois assortie d’un risque baissier. En moyenne sur 2021, la croissance atteindrait 6,7%. En 2022, elle resterait soutenue (4,2%), portée par le policy mix accommodant, le déblocage de l’excès d’épargne, le rattrapage des services et les besoins d’investissements et de restockage.

Mi-novembre, le secteur des services semblait en capacité de retrouver son rôle habituel de soutien de la croissance française. Parmi les éléments favorables, ou en tout cas moins défavorables qu’à l’industrie et à la construction, les services sont moins concernés par les difficultés d’approvisionnement et les pressions haussières sur les prix d’un certain nombre d’intrants. Les services les plus touchés par la crise (hébergement-restauration, services de transport, activités récréatives) connaissaient aussi, depuis mai-juin et la fin du troisième confinement, un rattrapage d’activité puissant. Les signaux étaient également positifs sur le front de l’investissement en services marchands, de la production[1] et du climat des affaires. La tonalité optimiste du point de conjoncture de novembre de la Banque de France, puis les enquêtes sur le climat des affaires de novembre (Insee comme PMI) ont renforcé cette perspective d’un retour en force des services.

CROISSANCE ET INFLATION

En l’espace de quelques semaines, la dégradation importante de la situation sanitaire, l’apparition du variant Omicron et l’accroissement du risque de réintroduction de mesures de restriction de l’activité changent toutefois, à nouveau, la donne. Le secteur des services n’est pas exempt de difficultés, en particulier dans le recrutement, et l’impact négatif de la poussée d’inflation ne l’épargne pas. Surtout, la dynamique des activités de services, où le contact avec le public est important, reste à la merci de la situation sanitaire. Il faut s’attendre à une rechute du climat des affaires en décembre et à une remontée de l’incertitude économique ressentie par les chefs d’entreprises, mesurée dans les enquêtes de l’Insee.

Notre prévision de croissance pour le T4 (0,6% t/t) est désormais assortie d’un risque baissier. Elle était déjà volontairement inférieure à celle de la Banque de France datant de début novembre (0,75% t/t) pour tenir compte des répercussions sur la France de la moins bonne situation conjoncturelle outre-Rhin. Elle intègre aussi la normalisation attendue de la croissance et de l’impact des contraintes d’offre et des pressions inflationnistes. La bonne tenue du climat des affaires jusqu’en novembre et les différentes mesures de soutien au pouvoir d’achat (chèque énergie, bouclier tarifaire, revalorisation anticipée du Smic, indemnité inflation) aident toutefois à tempérer les inquiétudes. La stabilité du pouvoir d’achat au T3 est un autre élément à voir d’un bon œil (la hausse du RDB nominal a été équivalente à la hausse des prix). Il faudrait que l’activité se détériore fortement en décembre pour réduire significativement la croissance au T4. Or, en l’absence de nouvelles mesures de restriction[2], l’activité devrait continuer de tenir bon.

Pendant ce temps, l’inflation poursuit sa poussée. En novembre, selon l’estimation flash, elle s’élève à 2,8% a/a, un plus haut depuis 2008. Elle devrait grimper plus haut encore, au moins en décembre, avant de plafonner aux alentours de 3% d’après nos prévisions, puis de refluer vers 2% dans le courant du S2 2022. Les pressions inflationnistes s’accroissent fortement dans l’industrie, à en juger l’envolée des soldes d’opinion sur l’évolution prévue des prix. Les composantes « prix des intrants » des PMI restent également orientées à la hausse dans l’industrie et les services. Le solde d’opinion des ménages sur l’inflation passée est aussi en très forte hausse et celui sur l’inflation prévue, s’il a étonnamment reflué en novembre, reste largement au-dessus de sa moyenne de longue période.

Malgré le durcissement des vents contraires (plus d’inflation et de contraintes d’offre), et à la faveur de l’acquis de croissance plus élevé issu du T3 meilleur que prévu, notre prévision de croissance pour 2021 est plus haute que dans notre scénario précédent de septembre, tandis que celle pour 2022 est quasi inchangée. En 2022, nous avons toutefois ajusté le profil infra-annuel de la croissance, en l’abaissant sur le S1 pour tenir compte des éléments plus négatifs et en la rehaussant au S2, anticipant un relâchement de ces freins. Un certain nombre de facteurs de soutien restent par ailleurs à l’œuvre. Ce sont les mêmes que pour la zone euro : policy mix accommodant, déblocage d’au moins une partie de l’épargne forcée accumulée, rattrapage du secteur des services, besoins d’investissements et de restockage.

[1]En septembre, la production dans les services se situait près de 3% au-dessus de son niveau pré-pandémie de février 2020 quand la production industrielle était près de 5% en deçà.

[2]Si mesures il y a, elles pourraient ne pas être aussi strictes que lors du confinement d’avril grâce à la progression de la vaccination. Sous l’hypothèse haute d’un confinement en décembre similaire à celui d’avril en termes d’impact sur l’activité, cela ôterait environ 0,3 point à la croissance au T4.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE

Découvrir les autres articles de la publication

Global
2022 : vers la grande normalisation

2022 : vers la grande normalisation

Après la récession soudaine, profonde et atypique de 2020, provoquée par la pandémie de Covid-19, l’année 2021 a également inédite à plusieurs égards [...]

LIRE L'ARTICLE
États-Unis
Avis d'accalmie

Avis d'accalmie

Aux États-Unis, le dérapage des prix n’en finit plus et cesse d’être regardé avec complaisance par la Réserve fédérale, qui pourrait précipiter la fin de son assouplissement quantitatif [...]

LIRE L'ARTICLE
Chine
Gérer les risques qui pèsent sur la croissance

Gérer les risques qui pèsent sur la croissance

La crise de l’immobilier, le maintien de la stratégie zéro covid face aux résurgences de l’épidémie, et la fragilité persistante de la consommation des ménages sont parmi les principaux facteurs de risque pesant sur la croissance chinoise [...]

LIRE L'ARTICLE
Japon
Le gouvernement ouvre les vannes budgétaires

Le gouvernement ouvre les vannes budgétaires

Après la victoire du Parti libéral-démocrate aux élections législatives d’octobre dernier, le Premier ministre, Fumio Kishida, a toute latitude pour dérouler son programme [...]

LIRE L'ARTICLE
Zone euro
Envolée (de l'inflation), recrudescence (de l'épidémie), modération (de la croissance)

Envolée (de l'inflation), recrudescence (de l'épidémie), modération (de la croissance)

La recrudescence de la pandémie de Covid-19 et l’apparition du nouveau variant Omicron compliquent plus encore la tâche de la Banque centrale européenne [...]

LIRE L'ARTICLE
Allemagne
Alternance en période de turbulences

Alternance en période de turbulences

Après une croissance robuste au T2 et au T3, le climat des affaires s’est détérioré. En cause : les difficultés d’approvisionnement, la hausse des prix et la flambée des cas de Covid-19. La production va probablement stagner vers la fin de l’année [...]

LIRE L'ARTICLE
Italie
Une croissance stable et soutenue

Une croissance stable et soutenue

Le rythme de la reprise économique italienne est comparable à celui des autres pays de la zone euro. Après une légère expansion au T1, le PIB réel a crû de plus de 2,5 % au T2 comme au T3. La reprise s’appuie sur l’ensemble des composantes du PIB [...]

LIRE L'ARTICLE
Espagne
Soutenir l'économie avant tout

Soutenir l'économie avant tout

Malgré le rétablissement poussif de son PIB, l’Espagne s’est montrée plus que résiliente sur le front de l’emploi en 2021. L’emploi (en novembre) et le taux de participation (T3) sont à des niveaux records [...]

LIRE L'ARTICLE
Belgique
Après le sprint de la reprise, le marathon de la consolidation budgétaire

Après le sprint de la reprise, le marathon de la consolidation budgétaire

Le PIB belge a crû de 2 % t/t au T3, un résultat nettement meilleur que les attentes du consensus. Le PIB dépasse ainsi son niveau pré-Covid pour la première fois depuis le début de la pandémie [...]

LIRE L'ARTICLE
Autriche
Atmosphère de crise

Atmosphère de crise

Une fois les restrictions liées au Covid-19 levées, l’économie devrait fortement rebondir en 2022, portée en premier lieu par la consommation des ménages [...]

LIRE L'ARTICLE
Finlande
Bonne élève

Bonne élève

Confrontée comme tous les pays d’Europe a une reprise des contaminations à la Covid-19, la Finlande réinstaure des mesures de protection sanitaire qui pourraient freiner temporairement sa reprise [...]

LIRE L'ARTICLE
Grèce
Un début d'année 2022 sur des bases plus solides

Un début d'année 2022 sur des bases plus solides

Avec un rebond possible du PIB de plus de 7% en 2021, la Grèce a favorablement surpris. Le taux de chômage a, par ailleurs, reflué à 13% en septembre [...]

LIRE L'ARTICLE
Royaume-Uni
La vieille dame hésite

La vieille dame hésite

Augmenter ou ne pas augmenter les taux d’intérêt ? Telle est la question qui se pose la Banque d’Angleterre, alors que l’inflation accélère en même temps que les contaminations à la Covid-19, dont le nouveau variant « Omicron » inquiète [...]

LIRE L'ARTICLE
Norvège
Haut débit

Haut débit

Face à l’épidémie de coronavirus, la Norvège a su minimiser ses pertes, humaines autant qu’économiques. En 2021, l’envolée des prix mondiaux du gaz et du pétrole lui a largement profité [...]

LIRE L'ARTICLE