Les freins à la croissance à court terme - contraintes d’offre, poussée de l’inflation, recrudescence de l’épidémie de Covid-19 - ont forci. Mais la bonne tenue du climat des affaires jusqu’en novembre et les nombreuses mesures ciblées de soutien au pouvoir d’achat aident à tempérer les inquiétudes. Notre prévision de croissance pour le T4 (0,6%) est toutefois assortie d’un risque baissier. En moyenne sur 2021, la croissance atteindrait 6,7%. En 2022, elle resterait soutenue (4,2%), portée par le policy mix accommodant, le déblocage de l’excès d’épargne, le rattrapage des services et les besoins d’investissements et de restockage.
Mi-novembre, le secteur des services semblait en capacité de retrouver son rôle habituel de soutien de la croissance française. Parmi les éléments favorables, ou en tout cas moins défavorables qu’à l’industrie et à la construction, les services sont moins concernés par les difficultés d’approvisionnement et les pressions haussières sur les prix d’un certain nombre d’intrants. Les services les plus touchés par la crise (hébergement-restauration, services de transport, activités récréatives) connaissaient aussi, depuis mai-juin et la fin du troisième confinement, un rattrapage d’activité puissant. Les signaux étaient également positifs sur le front de l’investissement en services marchands, de la production[1] et du climat des affaires. La tonalité optimiste du point de conjoncture de novembre de la Banque de France, puis les enquêtes sur le climat des affaires de novembre (Insee comme PMI) ont renforcé cette perspective d’un retour en force des services.
En l’espace de quelques semaines, la dégradation importante de la situation sanitaire, l’apparition du variant Omicron et l’accroissement du risque de réintroduction de mesures de restriction de l’activité changent toutefois, à nouveau, la donne. Le secteur des services n’est pas exempt de difficultés, en particulier dans le recrutement, et l’impact négatif de la poussée d’inflation ne l’épargne pas. Surtout, la dynamique des activités de services, où le contact avec le public est important, reste à la merci de la situation sanitaire. Il faut s’attendre à une rechute du climat des affaires en décembre et à une remontée de l’incertitude économique ressentie par les chefs d’entreprises, mesurée dans les enquêtes de l’Insee.
Notre prévision de croissance pour le T4 (0,6% t/t) est désormais assortie d’un risque baissier. Elle était déjà volontairement inférieure à celle de la Banque de France datant de début novembre (0,75% t/t) pour tenir compte des répercussions sur la France de la moins bonne situation conjoncturelle outre-Rhin. Elle intègre aussi la normalisation attendue de la croissance et de l’impact des contraintes d’offre et des pressions inflationnistes. La bonne tenue du climat des affaires jusqu’en novembre et les différentes mesures de soutien au pouvoir d’achat (chèque énergie, bouclier tarifaire, revalorisation anticipée du Smic, indemnité inflation) aident toutefois à tempérer les inquiétudes. La stabilité du pouvoir d’achat au T3 est un autre élément à voir d’un bon œil (la hausse du RDB nominal a été équivalente à la hausse des prix). Il faudrait que l’activité se détériore fortement en décembre pour réduire significativement la croissance au T4. Or, en l’absence de nouvelles mesures de restriction[2], l’activité devrait continuer de tenir bon.
Pendant ce temps, l’inflation poursuit sa poussée. En novembre, selon l’estimation flash, elle s’élève à 2,8% a/a, un plus haut depuis 2008. Elle devrait grimper plus haut encore, au moins en décembre, avant de plafonner aux alentours de 3% d’après nos prévisions, puis de refluer vers 2% dans le courant du S2 2022. Les pressions inflationnistes s’accroissent fortement dans l’industrie, à en juger l’envolée des soldes d’opinion sur l’évolution prévue des prix. Les composantes « prix des intrants » des PMI restent également orientées à la hausse dans l’industrie et les services. Le solde d’opinion des ménages sur l’inflation passée est aussi en très forte hausse et celui sur l’inflation prévue, s’il a étonnamment reflué en novembre, reste largement au-dessus de sa moyenne de longue période.
Malgré le durcissement des vents contraires (plus d’inflation et de contraintes d’offre), et à la faveur de l’acquis de croissance plus élevé issu du T3 meilleur que prévu, notre prévision de croissance pour 2021 est plus haute que dans notre scénario précédent de septembre, tandis que celle pour 2022 est quasi inchangée. En 2022, nous avons toutefois ajusté le profil infra-annuel de la croissance, en l’abaissant sur le S1 pour tenir compte des éléments plus négatifs et en la rehaussant au S2, anticipant un relâchement de ces freins. Un certain nombre de facteurs de soutien restent par ailleurs à l’œuvre. Ce sont les mêmes que pour la zone euro : policy mix accommodant, déblocage d’au moins une partie de l’épargne forcée accumulée, rattrapage du secteur des services, besoins d’investissements et de restockage.