Eco Perspectives

2022 : vers la grande normalisation

16/12/2021
PDF

Après la récession soudaine, profonde et atypique de 2020, provoquée par la pandémie de Covid-19, l’année 2021 a également inédite à plusieurs égards. Les goulets d’étranglement du côté de l’offre et les perturbations des chaînes d’approvisionnement, thèmes dominants en 2021, ont freiné la croissance, directement mais aussi indirectement, en entraînant une remontée de l’inflation à des niveaux inédits depuis des décennies. Dans l’hypothèse d’une maîtrise progressive de la pandémie grâce à une meilleure couverture vaccinale, nous devrions assister en 2022 à une normalisation en termes de croissance, d’inflation et de politique monétaire.

Dans les économies avancées, nous tablons sur une croissance du PIB réel supérieure au potentiel avec des dépenses des ménages portées par des conditions de financement bon marché, la poursuite de l’amélioration du marché du travail et une croissance plus rapide des salaires. Les investissements des entreprises devraient, pour leur part, bénéficier d’une meilleure rentabilité, de conditions de financement très attractives, d’un accroissement de l’utilisation des capacités et de perspectives de demande favorables.

ÉTATS-UNIS : INFLATION SOUS-JACENTE

Dans la zone euro, la politique budgétaire devrait également soutenir la croissance, la facilité pour la reprise et la résilience (FRR) jouant un rôle-clé. La croissance pourrait néanmoins marquer progressivement le pas. La reprise mécanique, observée dans certains secteurs après la levée des restrictions liées à la Covid-19, touche à sa fin. Les inquiétudes entourant le variant Omicron pourraient induire un comportement de précaution et peser sur certaines catégories de dépenses des ménages. Les goulets d’étranglement du côté de l’offre devraient continuer à brider la croissance à court terme. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, la politique budgétaire pourrait également freiner l’activité. Enfin, dans plusieurs pays, les enquêtes auprès des ménages font ressortir des inquiétudes grandissantes face à une inflation élevée, qui ampute le revenu disponible réel. Ce problème se pose, en particulier, pour les ménages à bas revenus.

Cependant, après son envolée surprise de cette année, l’inflation devrait refluer en 2022. Les effets de base n’y seront pas étrangers – la stabilisation attendue des cours du pétrole devrait entraîner une baisse de l’inflation annuelle en 2022 – tandis que les goulets d’étranglement de la chaîne d’approvisionnement devraient se réduire en raison de l’accroissement de l’offre et d’un léger tassement de la croissance de la demande. Quoi qu’il en soit, la dynamique sous-jacente de l’inflation est orientée à la hausse avec des marchés du travail sous tension. Cela entraîne une accélération de la croissance salariale, susceptible de pousser les entreprises à augmenter leurs prix de vente. Aux États-Unis, les entreprises ont nettement relevé les salaires pour pourvoir les postes vacants et, à en juger par les pénuries de main-d’œuvre, la croissance salariale devrait également s’accélérer en zone euro.

Il faut donc s’attendre aussi à une normalisation de la politique monétaire, quoiqu’avec d’importantes différences de calendrier entre pays. Aux États-Unis, la Réserve fédérale a commencé à baisser le rythme des achats mensuels d’actifs. Ce tapering devrait être suivi par plusieurs relèvements des taux à compter du milieu de l’année prochaine afin de ralentir l’économie et de ramener l’inflation en ligne avec l’objectif de la banque centrale. Cela pourrait aboutir à un environnement de marché plus volatil. La recherche montre, en effet, que le taux des fonds fédéraux est un facteur-clé du cycle financier mondial et de l’appétit des investisseurs pour le risque. Dans la zone euro, la politique monétaire devrait rester très accommodante. Les achats nets dans le cadre du programme d’achats d’urgence face à la pandémie (Pandemic Emergency Purchase Programme, PEPP) devraient prendre fin en mars 2022, mais il faudra plus de temps pour que les conditions d’un relèvement des taux directeurs soient réunies. Nous tablons donc sur une première hausse du taux de dépôt en juin 2023. La divergence monétaire entre la Réserve fédérale et la BCE devrait se traduire par une appréciation du dollar face à l’euro.

Plus que jamais, les résultats économiques sont susceptibles de s’écarter des prévisions actuelles sous l’effet de risques potentiels à la hausse comme à la baisse. Parmi les risques à la hausse figurent la maîtrise complète de la pandémie et une baisse plus rapide que prévu de l’inflation. Les risques à la baisse sont plus nombreux : l’incertitude liée à la pandémie pourrait devenir endémique, les perturbations des chaînes d’approvisionnement pourraient se poursuivre, l’inflation pourrait rester durablement élevée en raison des effets de second tour et les préoccupations entourant les relèvements de taux aux États-Unis pourraient peser sur les marchés des actions et des obligations d’entreprises, et pénaliser la confiance ainsi que l’économie réelle.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE

Découvrir les autres articles de la publication

États-Unis
Avis d'accalmie

Avis d'accalmie

Aux États-Unis, le dérapage des prix n’en finit plus et cesse d’être regardé avec complaisance par la Réserve fédérale, qui pourrait précipiter la fin de son assouplissement quantitatif [...]

LIRE L'ARTICLE
Chine
Gérer les risques qui pèsent sur la croissance

Gérer les risques qui pèsent sur la croissance

La crise de l’immobilier, le maintien de la stratégie zéro covid face aux résurgences de l’épidémie, et la fragilité persistante de la consommation des ménages sont parmi les principaux facteurs de risque pesant sur la croissance chinoise [...]

LIRE L'ARTICLE
Japon
Le gouvernement ouvre les vannes budgétaires

Le gouvernement ouvre les vannes budgétaires

Après la victoire du Parti libéral-démocrate aux élections législatives d’octobre dernier, le Premier ministre, Fumio Kishida, a toute latitude pour dérouler son programme [...]

LIRE L'ARTICLE
Zone euro
Envolée (de l'inflation), recrudescence (de l'épidémie), modération (de la croissance)

Envolée (de l'inflation), recrudescence (de l'épidémie), modération (de la croissance)

La recrudescence de la pandémie de Covid-19 et l’apparition du nouveau variant Omicron compliquent plus encore la tâche de la Banque centrale européenne [...]

LIRE L'ARTICLE
Allemagne
Alternance en période de turbulences

Alternance en période de turbulences

Après une croissance robuste au T2 et au T3, le climat des affaires s’est détérioré. En cause : les difficultés d’approvisionnement, la hausse des prix et la flambée des cas de Covid-19. La production va probablement stagner vers la fin de l’année [...]

LIRE L'ARTICLE
France
Face aux vents contraires, la croissance devrait  tenir bon

Face aux vents contraires, la croissance devrait tenir bon

Les freins à la croissance à court terme - contraintes d’offre, poussée de l’inflation, recrudescence de l’épidémie de Covid-19 - ont forci [...]

LIRE L'ARTICLE
Italie
Une croissance stable et soutenue

Une croissance stable et soutenue

Le rythme de la reprise économique italienne est comparable à celui des autres pays de la zone euro. Après une légère expansion au T1, le PIB réel a crû de plus de 2,5 % au T2 comme au T3. La reprise s’appuie sur l’ensemble des composantes du PIB [...]

LIRE L'ARTICLE
Espagne
Soutenir l'économie avant tout

Soutenir l'économie avant tout

Malgré le rétablissement poussif de son PIB, l’Espagne s’est montrée plus que résiliente sur le front de l’emploi en 2021. L’emploi (en novembre) et le taux de participation (T3) sont à des niveaux records [...]

LIRE L'ARTICLE
Belgique
Après le sprint de la reprise, le marathon de la consolidation budgétaire

Après le sprint de la reprise, le marathon de la consolidation budgétaire

Le PIB belge a crû de 2 % t/t au T3, un résultat nettement meilleur que les attentes du consensus. Le PIB dépasse ainsi son niveau pré-Covid pour la première fois depuis le début de la pandémie [...]

LIRE L'ARTICLE
Autriche
Atmosphère de crise

Atmosphère de crise

Une fois les restrictions liées au Covid-19 levées, l’économie devrait fortement rebondir en 2022, portée en premier lieu par la consommation des ménages [...]

LIRE L'ARTICLE
Finlande
Bonne élève

Bonne élève

Confrontée comme tous les pays d’Europe a une reprise des contaminations à la Covid-19, la Finlande réinstaure des mesures de protection sanitaire qui pourraient freiner temporairement sa reprise [...]

LIRE L'ARTICLE
Grèce
Un début d'année 2022 sur des bases plus solides

Un début d'année 2022 sur des bases plus solides

Avec un rebond possible du PIB de plus de 7% en 2021, la Grèce a favorablement surpris. Le taux de chômage a, par ailleurs, reflué à 13% en septembre [...]

LIRE L'ARTICLE
Royaume-Uni
La vieille dame hésite

La vieille dame hésite

Augmenter ou ne pas augmenter les taux d’intérêt ? Telle est la question qui se pose la Banque d’Angleterre, alors que l’inflation accélère en même temps que les contaminations à la Covid-19, dont le nouveau variant « Omicron » inquiète [...]

LIRE L'ARTICLE
Norvège
Haut débit

Haut débit

Face à l’épidémie de coronavirus, la Norvège a su minimiser ses pertes, humaines autant qu’économiques. En 2021, l’envolée des prix mondiaux du gaz et du pétrole lui a largement profité [...]

LIRE L'ARTICLE