La recrudescence de la pandémie de Covid-19 et l’apparition du nouveau variant Omicron compliquent plus encore la tâche de la Banque centrale européenne. La modération attendue de la croissance, qui reste élevée, risque de s’accentuer, du moins à court terme. En parallèle, l’inflation poursuit son envolée tout en se renforçant. Face à une incertitude accrue, la BCE tient un discours de prudence et de constance tout en se disant prête à réagir. D’après notre scénario, qui conserve un certain optimisme du côté de la croissance et entrevoit à une certaine persistance de l’inflation, la BCE mettrait fin au PEPP en mars 2022 et commencerait à remonter le taux de dépôt à la mi-2023.
Jusqu’où l’inflation va-t-elle grimper ? À quel point la croissance va-t-elle se modérer, sous l’effet combiné de cette poussée inflationniste, des contraintes d’offre (qui continuent crescendo), de la reprise épidémique conjuguée à l’apparation d’un nouveau variant, et de la simple normalisation attendue du rythme de croissance ? Les craintes pesant sur les perspectives de croissance sont nombreuses. Notre scénario conserve toutefois un certain optimisme. La bonne tenue du climat des affaires jusqu’en novembre va en ce sens et la croissance ne manque pas de facteurs de soutien.
Le policy mix reste accommodant : on parle de diminution du soutien monétaire et budgétaire et non de disparition, et encore moins de restriction. Nous estimons à 0,5 point de pourcentage le surcroît de croissance en 2022 dû au plan de relance européen NextGeneration EU. Le déblocage d’au moins une partie de l’excès d’épargne des ménages constitue un autre facteur de soutien, comme le rattrapage du secteur des services de son niveau d’avant-crise. Enfin, les besoins d’investissements (en lien notamment avec la transition énergétique et numérique et la sécurisation des chaînes d’approvisionnement) et de restockage sont importants et les conditions de financement avantageuses. Notre scénario intègre également l’hypothèse d’une atténuation des contraintes d’offre à compter du S2 2022.
Après une croissance encore vigoureuse au T3 (2,2% t/t), les perspectives pour le T4 sont nettement moins allantes (0,4% t/t). En moyenne sur 2021, la croissance atteindrait néanmoins 5%, prévision inchangée par rapport à notre scénario de septembre. L’effet du renforcement des contraintes d’offre et des pressions inflationnistes pèse sur la croissance attendue en 2022, abaissée de 1 point de pourcentage, à 4,2% (un effet essentiellement de la croissance allemande moins forte). La caractéristique principale de la croissance en 2022 est cependant de rester très au-dessus de son rythme tendanciel. En 2023, elle resterait élevée (3% versus 2,3% en septembre), les facteurs de soutien sus-mentionnés continuant de jouer, quoique avec moins de force. À l’horizon des six prochains mois, les risques baissiers dominent mais au-delà, ils s’équilibrent avec les aléas haussiers.
Une inflation plus si transitoire ?
L’inflation poursuit son envolée (4,9% a/a en novembre selon l’estimation flash, frôlant son plus haut historique de 5% en juillet 1991) et se renforce. L’inflation sous-jacente s’élève désormais à 2,6% et le pourcentage de composantes de l’indice sous-jacent, dont le glissement annuel est supérieur ou égal à 2%, atteint environ 45%. L’essentiel de cette poussée reste transitoire mais nous ne tablons pas pour autant sur un reflux rapide. Les pressions inflationnistes dues au déséquilibre entre l’offre et la demande devraient mettre du temps à se dissiper.
Les conditions semblent, par ailleurs, propices à une inflation salariale un peu plus dynamique et à des effets indirects et de second tour non négligeables. D’où notre prévision d’inflation assez haute (3,1% en moyenne annuelle en 2022 après 2,5% en 2021 ; 2% en 2023), qui masque la baisse attendue courant 2022. Christine Lagarde juge probable que l’inflation atteigne son pic en novembre 2021, c’est aussi notre scénario. Mais, à la différence de la BCE, nous prévoyons que l’inflation restera (juste) au-dessus de 2% à l’horizon de fin 2022[1].
La récrudescence de l’épidémie conjuguée à l’apparition du nouveau variant Omicron complique plus encore la tâche de la BCE[2]. Sur la croissance, même si la contamination d’Omicron reste contenue, le seul effet de l’incertitude est négatif[3]. Sur l’inflation, une aggravation supplémentaire et significative de la situation sanitaire peut aussi bien la tempérer (en pesant davantage sur la demande) que l’alimenter (en pesant davantage sur l’offre). La balance des risques pencherait vers un effet net inflationniste.
Dans ce contexte, la réunion du 16 décembre gagne encore en importance. La BCE devrait y annoncer la fin du PEPP à l’échéance prévue, c’est-à-dire mars 2022, ainsi que les modalités de la prise de relais par l’APP (montants des achats mensuels, flexibilité). Elle ne devrait guère s’engager au-delà, plaidant la prudence et la constance, tout en se disant prête à agir, dans un sens plus ou moins accommodant. Nos prévisions élevées de croissance et d’inflation nous amènent à anticiper la suppression, en juin 2022, du taux réduit de 50 points de base (pdb) sur les TLTRO 3, l’arrêt des achats nets de titres au T1 2023 et une première hausse du taux de dépôt en juin 2023 (+10 pdb), suivie de deux autres, de 15 pdb chacune, en septembre et décembre.