Malgré le rétablissement poussif de son PIB, l’Espagne s’est montrée plus que résiliente sur le front de l’emploi en 2021. L’emploi (en novembre) et le taux de participation (T3) sont à des niveaux records. L’inflation restera l’un des obstacles majeurs en 2022, la hausse des prix à la production s’étant même accélérée cet automne. Le soutien à la croissance restera la priorité du gouvernement en 2022. Il bénéficiera de l’apport plus important des fonds européens pour financer un budget record de EUR 196 mds. La résorption du déficit public sera reléguée au second plan, le gouvernement misant principalement sur la croissance économique pour améliorer les finances publiques.
Nos prévisions de croissance pour 2021 ont été revues à la baisse depuis notre dernière publication. La hausse du PIB réel au T3 2021 (+2,0% t/t) est en effet moins forte qu’attendu. Le rebond du PIB espagnol a été, jusqu’à cet automne, le plus faible des pays de la zone euro. Des révisions significatives sont possibles, l’INE soulignant que « le volume des informations disponibles dans ce rapport avancé [pour le T3] est moindre que les [rapports] précédents ».
En effet, l’évolution du PIB contraste nettement avec celle, bien meilleure, du marché du travail. La hausse de l’emploi[1] n’a montré aucun signe d’essoufflement cet automne, celui-ci atteignant un niveau record à la fin novembre. Un rythme de progression des embauches semblable à 2021 sera difficile à atteindre en 2022 mais les créations de postes pourraient néanmoins se poursuivre. Le pays enregistre toujours un taux de chômage élevé (14,5% en octobre 2021) et dispose donc d’un réservoir de main d’œuvre important. Les enquêtes d’opinion montrent, il est vrai, une détérioration de la confiance (et des intentions d’embauche) dans l’industrie, en raison des freins à l’activité que subit actuellement le secteur (hausse des coûts de production, pénurie d’intrants, etc.). À l’inverse, la dynamique des recrutements dans les services reste encourageante. L’emploi dans les secteurs fortement touchés par la crise sanitaire (hébergement et restauration, commerce, activités artistiques et de loisirs) se situe toujours bien en deçà de son niveau de fin 2019, et affiche une marge de progression importante.
L’inflation restera en 2022 l’un des obstacles à la croissance les plus importants. La hausse, déjà conséquente, des prix à la consommation (+5,6% a/a en novembre) pourrait perdurer cet hiver, sinon s’accentuer. Le renchérissement des matériaux de production et des coûts de transport montre en effet peu de signes d’essoufflement. Le bond cumulé de 11,7% des prix à la production en septembre et octobre constitue, et de loin, une hausse record. Tout cela va peser sur les marges des entreprises, qui pourraient répercuter ces hausses sur le prix de vente de leurs produits. Sur le plan sanitaire, les risques liés à la propagation de nouveaux variants, et son impact sur l’activité économique, seront encore bien présents en 2022. Le succès des premières campagnes de vaccination en Espagne réduit, néanmoins, les inquiétudes d’une vague épidémique aussi « dangereuse » que celle de 2020, et donc de la mise en place de nouvelles restrictions pesant sur l’activité économique.
Dans ce contexte encore incertain, le rétablissement des finances publiques n’est pas une priorité pour l’exécutif espagnol, qui devrait bénéficier en 2022 encore de conditions de financement très favorables pour lever de la dette. Il est par ailleurs contraint de prendre des mesures sociales importantes (baisse de la TVA sur les produits énergétiques, revalorisation des pensions de retraites et du salaire minimum d’insertion, soutien à l’accès au logement, etc.) face à la crise énergétique et à la hausse des prix à la consommation et des loyers. Le gouvernement table désormais sur un déficit public de 8,4% en 2022 et le retour de celui-ci sous la barre des 3% du PIB en 2024, au mieux. Un budget record de EUR 196 mds est en effet prévu en 2022. La coalition de Pedro Sanchez est parvenue à le faire valider par le Parlement grâce au ralliement des deux partis nationalistes (ERC et EH Bildu). Ce budget, qui contient donc une forte hausse des dépenses sociales (+3,9% par rapport à 2021) sera financé, à hauteur de EUR 27,6 mds, par le fonds de relance européen. Cette enveloppe sera destinée, entre autres, au renforcement des politiques industrielles, au soutien aux PME ainsi qu’à la rénovation énergétique des bâtiments.
Par ailleurs, le secteur bancaire a, dans son ensemble, bien résisté à la récession de 2020, grâce notamment au prolongement des mesures gouvernementales mises en place au début de la pandémie. Celles-ci ont amorti le choc sur l’activité et limité, par extension, l’érosion de la qualité des crédits aux entreprises (chômage partiel, moratoires sur les crédits et les cotisations sociales, prêts garantie d’État (PGE), etc.). Le ratio de prêts non performants (NPL) a continué de refluer au cours de l’année 2021, retombant à 4,35% du total des encours en septembre 2021, son niveau le plus bas depuis le printemps 2009. Le nombre de NPL devrait assez logiquement augmenter à partir de la fin 2022, en raison notamment de l’expiration des délais de remboursement de certains PGE (suspension étendue à la fin 2020 de 12 à 24 mois). Néanmoins, les risques devraient rester contenus : le volume des prêts sous moratoire représentait moins de 6% des prêts au secteur privé non financier à la fin 2020, tandis que les PGE représentait une part modérée (14,5%) du stock de prêts en juin 2021 (données de l’EBA).