D'un point de vue économique, 2022 restera dans l'histoire comme l'année du retour en force de l’inflation, qui a obligé les principales banques centrales à entamer un cycle de resserrement agressif. Il est fort probable que dans douze mois, nous regarderons 2023 comme une année de récession et de désinflation, une année où les taux d’intérêt officiels auront atteint leur taux final. Comme toujours, la liste des « inconnues connues » est longue. Les prix de l'énergie pourraient encore augmenter après leur récent fléchissement, la désinflation pourrait être plus lente que prévu, les taux directeurs pourraient culminer à un niveau plus élevé que les prix actuels des marchés, la récession pourrait être plus longue et plus profonde
La croissance américaine a nettement rebondi au T3 mais devrait ralentir au T4 selon nos prévisions. Le marché du travail reste tendu, néanmoins les premiers signes de ralentissement émergent. L’inflation semble avoir atteint son pic mais la désinflation de sa composante sous-jacente reste à confirmer. Cela devrait pousser la Réserve fédérale (Fed) à poursuivre le resserrement de sa politique monétaire, au risque de précipiter l’économie en récession en 2023. Du côté du budget, le compromis sera la clé des prochaines échéances budgétaires compte tenu de la division du Congrès depuis élections de mi-mandat (midterms).
La dépréciation du yuan depuis le début de l’année et les sorties d’investissements de portefeuille ont largement résulté des évolutions divergentes des taux d’intérêt chinois et américains. Elles sont aussi le reflet d’une perte de confiance des investisseurs et de la dégradation des perspectives de croissance économique en Chine. La position financière extérieure de la Chine est en revanche toujours très solide.
Avec le Royaume-Uni, le Japon est le pays du G7 où la reprise de l'activité est la moins marquée depuis deux ans. Le PIB réel a même rechuté de 0,3% t/t au T3 2022, freiné par une baisse des investissements résidentiels et des exportations nettes. La consommation privée, si elle a progressé au troisième trimestre (+0,2% t/t), reste bien inférieure à son niveau de 2019. La fin des restrictions liées à la Covid-19 – effective depuis octobre – apportera un supplément de croissance au dernier trimestre de l’année mais la hausse du PIB pour 2022 sera globalement peu vigoureuse (+0,9%). Nous prévoyons que l’activité ralentisse encore en 2023 (+0,3%), et un retour aux niveaux d’avant pandémie au plus tôt en 2024.
En 2023, l’inflation dans la zone euro devrait très certainement refluer, le PIB se contracter et les taux directeurs de la BCE atteindre leur pic. L’incertitude réside dans l’ampleur de la désinflation et de la récession. Le moment où les taux atteindront leur pic et le niveau de ce pic sont également incertains. Selon nos prévisions, la baisse de l’inflation serait rapide en apparence (l’inflation totale passant d’environ 10% a/a au T4 2022 à 3% au T4 2023) mais elle masquerait une baisse plus lente de l’inflation sous-jacente (qui resterait supérieure à 2% à l’horizon d’1 an, contre 5% aujourd’hui)
La croissance pour le moins inattendue du PIB allemand, +0,4% t/t au T3, ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. Si la puissance des derniers effets de rattrapage a surpris le consensus, qui ne s’attendait pas à un tel dynamisme de l’activité au T3, nul doute que les moteurs de la croissance allemande sont en train de caler un à un. La conjoncture est en effet extrêmement défavorable : inflation record, crise énergétique, chute de la demande mondiale, etc. Après un baroud d’honneur au T3, il semble donc peu probable que l’Allemagne puisse continuer d’afficher une croissance positive sur les trois derniers mois de l’année. Si l’entrée en récession est quasiment entérinée, la question de son intensité est beaucoup plus ouverte.
Le chiffre zéro devrait marquer la croissance française en 2023. L’acquis de croissance serait nul, une performance négative au 4e trimestre 2022 (imputable en partie à une nouvelle baisse de la consommation des ménages) annulant vraisemblablement la performance positive observée au 3e trimestre. La dynamique de croissance trimestrielle attendue en 2023 ne devrait pas apporter davantage. Une contraction du PIB est anticipée au 1er trimestre, principalement en raison d’une nouvelle hausse de l’inflation et d’un déstockage attendu de la part des entreprises. Le rebond, qui devrait intervenir à partir du 2e trimestre, ne ferait que compenser la baisse enregistrée au 1er trimestre. Une croissance annuelle moyenne à zéro donc, avec une période de récession atypique au tournant de l’année
Durant l’été, l’économie italienne a continué d'afficher une forte résilience face à l’incertitude croissante. Au troisième trimestre 2022, le PIB réel a progressé de 0,5 % t/t grâce au redressement des services, tandis que l’industrie manufacturière et la construction ont souffert. La demande intérieure a plus que compensé la contribution négative du commerce extérieur. Un vent de croissance continue de souffler sur le marché immobilier italien. Au deuxième trimestre 2022, les ventes de logements ont enregistré une croissance de +8,6 % en glissement annuel, tandis que les prix immobiliers ont augmenté de 5,2 % en glissement annuel au cours du même trimestre
L’Espagne est désormais le pays de la zone euro avec le taux d’inflation le moins élevé : 6,7% en novembre en glissement annuel. Les mesures gouvernementales visant à juguler l’augmentation des prix énergétiques portent leurs fruits, même si l’IPC sous-jacent progresse toujours significativement. Le reflux de l’inflation devrait se poursuivre en 2023, mais le gouvernement ne relâchera pas la pédale budgétaire pour autant. Le budget 2023, en débat au Parlement, prolonge la plupart des mesures de soutien jusqu’à la fin de l’année prochaine. Face à la remontée des taux immobiliers, Madrid a assoupli les conditions de remboursement des ménages en facilitant la restructuration des prêts et en autorisant un gel temporaire des mensualités
Le PIB belge a évité la contraction au troisième trimestre, mais le 4e trimestre pourrait être plus négatif d’après nos prévisions actuelles. Une récession courte et d’ampleur limitée semble probable. L’inflation, qui bat des records, devrait diminuer progressivement tout au long de 2023. La consommation des ménages et l’investissement des entreprises restent moroses, mais l’impact négatif des prix de l’énergie sur les budgets des ménages semble plus limité que redouté. L'intervention active des pouvoirs publics a joué un rôle important mais la nécessité d'un assainissement budgétaire subsiste.
Après une période d’activité dynamique sur les six premiers mois de l’année, la croissance autrichienne a très fortement ralenti au 3e trimestre 2022, sous l’effet d’une dégradation de la conjoncture à la fois nationale et internationale. Le PIB ne devrait pas rebondir en fin d’année, et pourrait stagner en 2023. La détérioration de l’activité économique n’empêche pas le gouvernement d’afficher une ambition de réduction du déficit public ambitieuse, qui repasserait sous les 3% dès l’année prochaine. Il en découlerait une diminution rapide du ratio de dette publique sur PIB. Ces engagements sont crédibles. En effet, le président écologiste sortant, Alexander Van der Bellen, a été aisément réélu le 9 octobre dernier, offrant une stabilité politique au pays après la débâcle de 2016.
Malgré la hausse conséquente des pressions inflationnistes, l’économie grecque a continué de croître à un rythme soutenu au cours du premier semestre 2022, progressant de 4,1% sur la période. Le PIB réel s’est toutefois replié au troisième trimestre (-0,5% t/t), malgré la bonne tenue de l’activité touristique et du marché du travail. En effet, le nombre de personnes sans emploi a reflué à nouveau au troisième trimestre 2022 (-29k) pour atteindre son plus bas niveau depuis décembre 2009. Près de 80% de la hausse du chômage enregistrée durant les deux crises économiques de 2008 et 2011 a été effacée. Le taux de chômage, bien que toujours très élevé, est ainsi repassé sous la barre des 12% en octobre (11,6%)
La croissance britannique s’est nettement contractée au T3, marquant l’entrée de l’économie en récession. Au regard des enquêtes de confiance auprès des ménages et des entreprises, le repli de la consommation et celui de l’investissement devraient se poursuivre dans les prochains mois. Face à une inflation persistante qui se diffuse dans les différents secteurs, la Banque d’Angleterre poursuit le resserrement de sa politique monétaire, malgré la contraction de l’économie. Le plan de soutien aux ménages et les mesures de consolidation budgétaire, annoncés simultanément par le nouveau gouvernement de Rishi Sunak, devraient faciliter la lutte contre l’inflation tout en soutenant les ménages les plus modestes.
Jusqu’ici l’économie danoise n’a cessé d’impressionner. Un puissant rebond post-Covid a propulsé le PIB bien au-delà de son niveau d’avant-crise. L’avenir semble désormais moins radieux. Si l’inflation n’avait pas encore entamé le pouvoir d’achat des ménages - grâce à de nombreuses créations d’emplois et à une sur-épargne qui a permis d’atténuer le choc -, ces amortisseurs ponctuels s’essoufflent et le revenu réel des ménages devrait diminuer au cours des prochains trimestres. Le gouvernement reste relativement impassible face à ce choc brutal et la réponse budgétaire demeure très limitée, grâce à des comptes publics excédentaires et qui devraient le rester. La dette publique convergerait vers seulement 32% du PIB à horizon 2024.