Malgré la hausse conséquente des pressions inflationnistes, l’économie grecque a continué de croître à un rythme soutenu au cours du premier semestre 2022, progressant de 4,1% sur la période. Le PIB réel s’est toutefois replié au troisième trimestre (-0,5% t/t), malgré la bonne tenue de l’activité touristique et du marché du travail. En effet, le nombre de personnes sans emploi a reflué à nouveau au troisième trimestre 2022 (-29k) pour atteindre son plus bas niveau depuis décembre 2009. Près de 80% de la hausse du chômage enregistrée durant les deux crises économiques de 2008 et 2011 a été effacée. Le taux de chômage, bien que toujours très élevé, est ainsi repassé sous la barre des 12% en octobre (11,6%). L’économie grecque, dont les échanges commerciaux et l’approvisionnement en énergie dépendent essentiellement du reste de l’Europe, reste très vulnérable à une détérioration de la situation économique sur le continent.
Face à la hausse de l‘inflation, le gouvernement de Kyriákos Mitsotákis a procédé à une revalorisation importante du salaire minimum en mai dernier, à hauteur de 7,5% ; elle ne compense toutefois pas entièrement la hausse de l’inflation. Cette dernière a atteint un pic à 12,1% en glissement annuel en septembre, avant de refluer à 8,8% en novembre.
Le taux de chômage est retombé à 11,6% en octobre. Néanmoins, la Grèce est encore assez éloignée du taux de chômage structurel, qui se situe, selon les estimations de la Commission européenne (CE) entre 8 et 9%. Cela devrait limiter les effets de second tour sur les salaires, et contraindre davantage le pouvoir d’achat des ménages.
Par ailleurs, l’enquête trimestrielle de la CE, qui évalue les contraintes de production des entreprises, corrobore le fait que les tensions de recrutement sont moins importantes en Grèce que dans la zone euro dans son ensemble[1], ce qui devrait également limiter l’inflation salariale.
Une page se tourne
Comme attendu, la Grèce est sortie, le 20 août dernier, du programme de surveillance de la Commission européenne auquel le pays était rattaché depuis 2018. La Grèce continue toutefois, au même titre que l’Espagne, l’Irlande, le Portugal et Chypre, de faire l’objet d’une attention spécifique de la part de la Commission. En raison des aides européennes reçues durant la crise des dettes souveraines (via le Mécanisme européen de stabilité et Fonds européen de stabilité financière), et dont les remboursements de certains prêts doivent s’étaler sur de nombreuses années encore (jusqu’en 2070 pour la Grèce), la Commission continue d’évaluer de près l’évolution des finances publiques et la soutenabilité de la dette du pays.[2]
Cette sortie du programme de surveillance témoigne néanmoins des améliorations notables observées dans le pays depuis plusieurs années, et notamment sur le front budgétaire. Le solde primaire du gouvernement général, qui a enregistré un déficit conséquent en 2020 et 2021 en raison de la crise sanitaire (le déficit s’élevait respectivement à 6,9% du PIB et 5,0%), devrait se rétablir significativement en 2022, avant de basculer vraisemblablement en excédent en 2023. En conséquence, le ratio d’endettement public devrait se réduire cette année de façon plus importante encore qu’en 2021 : le gouvernement cible une baisse autour de 170% du PIB, une amélioration significative par rapport au record enregistré en 2020 (206,3%).
Le gouvernement peut en effet s’appuyer sur un effet de ciseaux plus favorable qu’attendu (hausse des taxes perçues, baisses des transferts sociaux) pour financer une partie des aides anti-inflation destinées aux ménages et aux entreprises, sans compromettre la trajectoire budgétaire fixée dans le budget 2022. Dans son Programme de stabilité soumis à la Commission européenne le 15 octobre dernier, le gouvernement grec a notamment acté la baisse définitive de 3 points du taux de cotisations sociales (fin 2022), ainsi que l’abolition de la taxe fiscale de solidarité. Ces deux mesures de soutien, prises durant la pandémie, étaient censées expirer à la fin de l’année 2022.
La bonne tenue de l’économie, tout comme le programme de titrisation des créances douteuses Hercules (mis en place en octobre 2019 et qui a pris fin en octobre 2022) ont permis au secteur bancaire grec d’enregistrer une nouvelle baisse des encours et du ratio de prêts non performants, ce dernier ayant baissé à 10% à la fin du deuxième trimestre 2022. L’année 2023 s’annonce toutefois plus délicate, avec la conjonction de risques (inflation élevée, hausse des taux d’intérêt) à même d’aggraver les difficultés de paiements des ménages et des entreprises.
Guillaume Derrien