Eco Perspectives

Grèce : une dynamique toujours positive

15/12/2022

Malgré la hausse conséquente des pressions inflationnistes, l’économie grecque a continué de croître à un rythme soutenu au cours du premier semestre 2022, progressant de 4,1% sur la période. Le PIB réel s’est toutefois replié au troisième trimestre (-0,5% t/t), malgré la bonne tenue de l’activité touristique et du marché du travail. En effet, le nombre de personnes sans emploi a reflué à nouveau au troisième trimestre 2022 (-29k) pour atteindre son plus bas niveau depuis décembre 2009. Près de 80% de la hausse du chômage enregistrée durant les deux crises économiques de 2008 et 2011 a été effacée. Le taux de chômage, bien que toujours très élevé, est ainsi repassé sous la barre des 12% en octobre (11,6%). L’économie grecque, dont les échanges commerciaux et l’approvisionnement en énergie dépendent essentiellement du reste de l’Europe, reste très vulnérable à une détérioration de la situation économique sur le continent.

Croissance et inflation

Face à la hausse de l‘inflation, le gouvernement de Kyriákos Mitsotákis a procédé à une revalorisation importante du salaire minimum en mai dernier, à hauteur de 7,5% ; elle ne compense toutefois pas entièrement la hausse de l’inflation. Cette dernière a atteint un pic à 12,1% en glissement annuel en septembre, avant de refluer à 8,8% en novembre.

Le taux de chômage est retombé à 11,6% en octobre. Néanmoins, la Grèce est encore assez éloignée du taux de chômage structurel, qui se situe, selon les estimations de la Commission européenne (CE) entre 8 et 9%. Cela devrait limiter les effets de second tour sur les salaires, et contraindre davantage le pouvoir d’achat des ménages.

Par ailleurs, l’enquête trimestrielle de la CE, qui évalue les contraintes de production des entreprises, corrobore le fait que les tensions de recrutement sont moins importantes en Grèce que dans la zone euro dans son ensemble[1], ce qui devrait également limiter l’inflation salariale.

Une page se tourne

Comme attendu, la Grèce est sortie, le 20 août dernier, du programme de surveillance de la Commission européenne auquel le pays était rattaché depuis 2018. La Grèce continue toutefois, au même titre que l’Espagne, l’Irlande, le Portugal et Chypre, de faire l’objet d’une attention spécifique de la part de la Commission. En raison des aides européennes reçues durant la crise des dettes souveraines (via le Mécanisme européen de stabilité et Fonds européen de stabilité financière), et dont les remboursements de certains prêts doivent s’étaler sur de nombreuses années encore (jusqu’en 2070 pour la Grèce), la Commission continue d’évaluer de près l’évolution des finances publiques et la soutenabilité de la dette du pays.[2]

Cette sortie du programme de surveillance témoigne néanmoins des améliorations notables observées dans le pays depuis plusieurs années, et notamment sur le front budgétaire. Le solde primaire du gouvernement général, qui a enregistré un déficit conséquent en 2020 et 2021 en raison de la crise sanitaire (le déficit s’élevait respectivement à 6,9% du PIB et 5,0%), devrait se rétablir significativement en 2022, avant de basculer vraisemblablement en excédent en 2023. En conséquence, le ratio d’endettement public devrait se réduire cette année de façon plus importante encore qu’en 2021 : le gouvernement cible une baisse autour de 170% du PIB, une amélioration significative par rapport au record enregistré en 2020 (206,3%).

Le gouvernement peut en effet s’appuyer sur un effet de ciseaux plus favorable qu’attendu (hausse des taxes perçues, baisses des transferts sociaux) pour financer une partie des aides anti-inflation destinées aux ménages et aux entreprises, sans compromettre la trajectoire budgétaire fixée dans le budget 2022. Dans son Programme de stabilité soumis à la Commission européenne le 15 octobre dernier, le gouvernement grec a notamment acté la baisse définitive de 3 points du taux de cotisations sociales (fin 2022), ainsi que l’abolition de la taxe fiscale de solidarité. Ces deux mesures de soutien, prises durant la pandémie, étaient censées expirer à la fin de l’année 2022.

La bonne tenue de l’économie, tout comme le programme de titrisation des créances douteuses Hercules (mis en place en octobre 2019 et qui a pris fin en octobre 2022) ont permis au secteur bancaire grec d’enregistrer une nouvelle baisse des encours et du ratio de prêts non performants, ce dernier ayant baissé à 10% à la fin du deuxième trimestre 2022. L’année 2023 s’annonce toutefois plus délicate, avec la conjonction de risques (inflation élevée, hausse des taux d’intérêt) à même d’aggraver les difficultés de paiements des ménages et des entreprises.


Achevé de rédiger le 5 décembre 2022

Guillaume Derrien

[1] Selon l’enquête publiée le 28 octobre, la part d’entreprises grecques citant le manque de main d’œuvre comme contrainte à la production s’élevait à 13,4% contre 26,4% en zone euro.

[2] La Commission européenne continue notamment de publier un rapport de surveillance dit « post-programme » pour ces cinq pays, dont la dernière version date de 23 novembre 2022.

LES ÉCONOMISTES EXPERTS AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE

Découvrir les autres articles de la publication

Global
Trois « certitudes » et beaucoup d’incertitudes

Trois « certitudes » et beaucoup d’incertitudes

D'un point de vue économique, 2022 restera dans l'histoire comme l'année du retour en force de l’inflation, qui a obligé les principales banques centrales à entamer un cycle de resserrement agressif [...]

LIRE L'ARTICLE
États-Unis
Etats-Unis : la récession attendra

Etats-Unis : la récession attendra

La croissance américaine a nettement rebondi au T3 mais devrait ralentir au T4 selon nos prévisions. Le marché du travail reste tendu, néanmoins les premiers signes de ralentissement émergent [...]

LIRE L'ARTICLE
Chine
Chine : yuan sous pression

Chine : yuan sous pression

La dépréciation du yuan depuis le début de l’année et les sorties d’investissements de portefeuille ont largement résulté des évolutions divergentes des taux d’intérêt chinois et américains [...]

LIRE L'ARTICLE
Japon
Japon : à la recherche de la croissance

Japon : à la recherche de la croissance

Avec le Royaume-Uni, le Japon est le pays du G7 où la reprise de l'activité est la moins marquée depuis deux ans. Le PIB réel a même rechuté de 0,3% t/t au T3 2022, freiné par une baisse des investissements résidentiels et des exportations nettes [...]

LIRE L'ARTICLE
Zone euro
Zone euro : Y aura-t-il une coupure de la croissance cet hiver  ?

Zone euro : Y aura-t-il une coupure de la croissance cet hiver ?

En 2023, l’inflation dans la zone euro devrait très certainement refluer, le PIB se contracter et les taux directeurs de la BCE atteindre leur pic. L’incertitude réside dans l’ampleur de la désinflation et de la récession [...]

LIRE L'ARTICLE
Allemagne
Allemagne : quelle sera l'intensité de la récession?

Allemagne : quelle sera l'intensité de la récession?

La croissance pour le moins inattendue du PIB allemand, +0,4% t/t au T3, ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt [...]

LIRE L'ARTICLE
France
France : année zéro

France : année zéro

Le chiffre zéro devrait marquer la croissance française en 2023 [...]

LIRE L'ARTICLE
Italie
Italie : un scénario plus incertain

Italie : un scénario plus incertain

Durant l’été, l’économie italienne a continué d'afficher une forte résilience face à l’incertitude croissante [...]

LIRE L'ARTICLE
Espagne
Espagne : de nouveaux risques à gérer

Espagne : de nouveaux risques à gérer

L’Espagne est désormais le pays de la zone euro avec le taux d’inflation le moins élevé : 6,7% en novembre en glissement annuel [...]

LIRE L'ARTICLE
Belgique
Belgique : ciel couvert

Belgique : ciel couvert

Le PIB belge a évité la contraction au troisième trimestre, mais le 4e trimestre pourrait être plus négatif d’après nos prévisions actuelles. Une récession courte et d’ampleur limitée semble probable [...]

LIRE L'ARTICLE
Autriche
Autriche : bientôt à l'arrêt ?

Autriche : bientôt à l'arrêt ?

Après une période d’activité dynamique sur les six premiers mois de l’année, la croissance autrichienne a très fortement ralenti au 3e trimestre 2022, sous l’effet d’une dégradation de la conjoncture à la fois nationale et internationale [...]

LIRE L'ARTICLE
Royaume-Uni
Royaume-Uni : récession

Royaume-Uni : récession

La croissance britannique s’est nettement contractée au T3, marquant l’entrée de l’économie en récession [...]

LIRE L'ARTICLE
Danemark
Danemark : la fin d'une belle épopée ?

Danemark : la fin d'une belle épopée ?

Jusqu’ici l’économie danoise n’a cessé d’impressionner. Un puissant rebond post-Covid a propulsé le PIB bien au-delà de son niveau d’avant-crise. L’avenir semble désormais moins radieux [...]

LIRE L'ARTICLE