Jusqu’ici l’économie danoise n’a cessé d’impressionner. Un puissant rebond post-Covid a propulsé le PIB bien au-delà de son niveau d’avant-crise. L’avenir semble désormais moins radieux. Si l’inflation n’avait pas encore entamé le pouvoir d’achat des ménages - grâce à de nombreuses créations d’emplois et à une sur-épargne qui a permis d’atténuer le choc -, ces amortisseurs ponctuels s’essoufflent et le revenu réel des ménages devrait diminuer au cours des prochains trimestres. Le gouvernement reste relativement impassible face à ce choc brutal et la réponse budgétaire demeure très limitée, grâce à des comptes publics excédentaires et qui devraient le rester. La dette publique convergerait vers seulement 32% du PIB à horizon 2024.
L’impressionnante croissance post-Covid du PIB danois s’est poursuivie (+0,5% t/t) au 3e trimestre 2022 après +0,9% t/t au 2e trimestre. Le PIB se situe désormais 6,4% au-dessus de son niveau de fin 2019.
Depuis le rebond économique post-covid, la croissance a été portée par l’investissement (+0,8% t/t), qui évolue près de 17% au-dessus de son niveau de fin 2019. En revanche, la consommation privée a calé au 3e trimestre sous le poids d’une augmentation des prix à la consommation. Celle-ci a atteint 10,1% au mois d’octobre sur un an, même si les chiffres des ventes au détail montrent une certaine solidité de la consommation en biens au début du 4e trimestre. Cette résistance pourrait surprendre puisque l’augmentation des salaires nominaux (+4,9% sur un an au T3 2022) est bien inférieure à l’inflation.
L’explication est à chercher du côté du marché du travail qui se montre particulièrement vigoureux. Au 3e trimestre l’emploi a progressé de 4,4% sur un an, et le taux de chômage danois ne s’établit qu’à 2,3% selon la définition du Bureau international du travail (graphique2). Ces créations d’emplois permettent donc de préserver le pouvoir d’achat au niveau agrégé, à défaut d’une croissance positive des salaires réels. La sur-épargne accumulée au cours des deux dernières années a probablement aussi contribué à soutenir la consommation. Par ailleurs, la hausse sensible des prix de l’énergie ne semble pas affecter la production manufacturière qui continue de faire état de performances remarquables. Sur un an en septembre, la production manufacturière danoise affiche un taux de croissance vertigineux de 23%. La spécialisation de l’industrie danoise sur des secteurs stratégiques en pleine expansion reste une stratégie gagnante.
Pour autant, cette belle dynamique de l’économie danoise devrait s’enrayer en 2023. En effet, le marché du travail devrait se stabiliser, et le pouvoir d’achat s’érodera sous le poids de l’inflation. Les exportations devraient se tasser en lien avec la dégradation de la demande mondiale. De plus, l’investissement, en particulier dans la construction, risque de s’affaisser avec la remontée des taux d’intérêt sur les crédits à l’habitat. Pour toutes ces raisons, la Commission européenne anticipe une stagnation du PIB en 2023 (+0%), suivie d’une reprise progressive en 2024 (+1,3%) (graphique1).
Malgré le recul du pouvoir d’achat, le gouvernement danois fait le choix d’un soutien moindre aux ménages et aux entreprises, afin de maintenir les comptes publics dans le vert avec un excédent budgétaire attendu à 1,8% du PIB en 2022. Les administrations publiques devraient continuer de jouir de recettes plus importantes que leurs dépenses en 2023 et en 2024. Il en résultera un désendettement rapide puisque la dette publique, qui s’est établie à 36,6% du PIB en 2021, devrait converger vers 32% du PIB à horizon 2024.
Anthony Morlet-Lavidalie