La croissance britannique s’est nettement contractée au T3, marquant l’entrée de l’économie en récession. Au regard des enquêtes de confiance auprès des ménages et des entreprises, le repli de la consommation et celui de l’investissement devraient se poursuivre dans les prochains mois. Face à une inflation persistante qui se diffuse dans les différents secteurs, la Banque d’Angleterre poursuit le resserrement de sa politique monétaire, malgré la contraction de l’économie. Le plan de soutien aux ménages et les mesures de consolidation budgétaire, annoncés simultanément par le nouveau gouvernement de Rishi Sunak, devraient faciliter la lutte contre l’inflation tout en soutenant les ménages les plus modestes.
Contrairement aux grandes économies de la zone euro et aux États-Unis, dont la croissance résiste et a été positive au T3, le Royaume-Uni a enregistré une contraction de son PIB de -0,2% t/t, après un premier semestre positif (+0,7% au T1, +0,2% au T2 après révision).
Cette baisse de l’activité s’explique par une dynamique de déstockage plus importante que prévu et par une contraction de la demande privée (consommation des ménages et investissements des entreprises), alors que la demande publique a soutenu la croissance. La très forte contribution positive du commerce extérieur a permis de limiter la contraction du PIB au T3.
Selon nos prévisions, ce trimestre de baisse marquerait l’entrée en récession de l’économie britannique : le PIB devrait, en effet, continuer de se contracter sur les trois prochains trimestres, au point que la croissance en 2023 en moyenne annuelle serait aussi négative (-0,9%). Ce repli de l’activité serait de nature à ralentir l’inflation, dont le pic est attendu au T4 2022.
Essoufflement de la demande privée
La consommation des ménages s’est contractée au T3 et cette tendance devrait se poursuivre au cours des mois à venir. Leur situation financière reste toujours contrainte par la forte inflation des produits alimentaires (+16,5% a/a) et de l’énergie (+90% a/a), malgré les mesures de soutien mises en place par le gouvernement depuis octobre. La remontée des taux d’intérêt renchérit le coût des prêts hypothécaires et des loyers, ce qui contribue également à réduire le pouvoir d’achat des ménages. Malgré une légère amélioration en novembre, l’indice de confiance des ménages du GfK reste proche de son plus bas historique (-44 points).
La baisse de la consommation des ménages devrait également affecter l’investissement des entreprises. Selon les différentes enquêtes de la Confederation of British Industry (CBI), l’optimisme des entreprises continue de chuter dans l’industrie et les services. Lorsqu’elles sont interrogées sur les freins à l’investissement, les entreprises répondent être plus préoccupées par l’incertitude relative à la demande que par les pénuries de main d’œuvre ou les coûts de financement.
Persistance et force de l’inflation
L’inflation continue de se diffuser dans l’économie, portée par la forte volatilité des prix de l’énergie et de l’alimentation, et par un marché du travail toujours particulièrement tendu en raison de la dynamique des salaires. L’indice des prix à la consommation (CPI) a ainsi encore progressé ainsi d’1 point de pourcentage en octobre pour atteindre 11,1% en glissement annuel (+2% m/m). Le plafonnement des prix de l’électricité et du gaz par le gouvernement pour les ménages et les entreprises a tout de même permis de réduire l’inflation de 2,7 points en octobre, qui aurait dû atteindre 13,8% selon l’ONS. De son côté, l’inflation sous-jacente est restée inchangée en glissement annuel (+6,5%) mais sa variation sur le mois reste élevée (+0,7%). Cela devrait justifier une nouvelle hausse importante des taux directeurs lors de la réunion de décembre du Comité de politique monétaire (MPC), qui devrait être de 50 points de base.
La persistance et la force des pressions inflationnistes contraignent la Banque d’Angleterre (BoE) à poursuivre la remontée de ses taux directeurs et à accroître la réduction de son bilan (quantitative tightening) malgré l’entrée de l’économie en récession. Par ailleurs, les mesures annoncées par le gouvernement devraient, cette fois, contribuer à la lutte contre l’inflation, ce qui permettrait à la BoE d’atteindre son taux directeur final (terminal rate) plus rapidement que prévu.
Nouveau paradigme budgétaire
Si la demande publique a soutenu la croissance au T3, la situation risque de s’inverser au regard des récentes mesures annoncées par Jeremy Hunt, le Chancelier de l’Échiquier, lors de son Autumn Statement. Le plan pour « la stabilité, la croissance et les services publics » comprend deux volets dont les objectifs diffèrent. Premièrement, le gouvernement prévoit de poursuivre son soutien ciblé au pouvoir d’achat des ménages (à hauteur de GBP 26 mds), au travers du prolongement de l’Energy Price Guarantee à partir d’avril 2023 et de la hausse des prestations sociales et de retraites (+10,1%). Deuxièmement, le plan prévoit une politique de consolidation budgétaire dont l’objectif est double : lutter contre l’inflation et garantir la soutenabilité des finances publiques en dégageant GBP 55 milliards d’ici 2027-2028. Dans ce cadre, le gouvernement prévoit d’augmenter les recettes fiscales de l’ordre de GBP 25 milliards sur cinq ans, notamment grâce à l’augmentation de l’impôt sur les sociétés (passant de 19% à 25% en avril 2023) mais également en mettant à contribution, sous la forme d’une taxe exceptionnelle, les entreprises pétrolières et gazières. De plus, le gouvernement table sur des économies dans les dépenses publiques (GBP 30 milliards), malgré les annonces de dépenses supplémentaires pour le National Health Service (NHS), l’éducation ainsi que la recherche et le développement.
Félix Berte