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BCE : nouveau jeu de prévisions, nouveaux enjeux

11/03/2022

On retiendra, des nouvelles projections de mars 2022 de la BCE, la révision en hausse de près de 2 points de sa prévision d’inflation pour 2022 (à 5,1%) et la révision en baisse d’un demi-point de sa prévision de croissance pour 2022 (à 3,7%). L’inflation baisserait ensuite vers la cible de 2% et la croissance resterait soutenue. En termes de décision de politique monétaire, la BCE a notamment annoncé la réduction plus rapide de ses achats nets mensuels au titre de l’APP et leur possible arrêt au T3 si l’inflation ne faiblit pas comme attendu.

Transcription

Par rapport aux points d’attention identifiés en amont de la réunion de la BCE du 10 mars, quel est finalement le bilan ? S’agissant des prévisions d’inflation pour commencer, leur révision en hausse par rapport au scénario de décembre 2021 est effectivement importante, au moins pour 2022. La BCE attend en effet désormais une inflation de 5,1% en moyenne annuelle cette année. L’inflation resterait très légèrement au-dessus de la cible de 2% en 2023 et repasserait très légèrement en-deçà en 2024.

Si l’inflation attendue en 2022 est très élevée, la persistance des pressions inflationnistes actuellement à l’œuvre apparaît limitée les années suivantes. La BCE semble en même temps plus confiante dans sa capacité à atteindre sa cible. Sur le papier, les conditions apparaissent plus près d’être réunies pour amorcer la remontée de ses taux d’intérêt. La question du « quand » et du bon moment pour le faire reste toutefois entière compte tenu de la détérioration concomitante des perspectives économiques due au déclenchement de l’offensive militaire russe en Ukraine depuis le 24 février.

Côté croissance, la BCE a revu en baisse, d’un demi-point, sa prévision pour 2022, la prévision pour 2023 est à peine abaissée et celle pour 2024 est inchangée. Ces révisions incluent, d’un côté, les effets négatifs sur la croissance des tensions sur les prix qui existaient avant l’invasion, auxquels s’ajoute une première estimation des répercussions négatives du conflit lui-même. Mais, de l’autre, la dynamique conjoncturelle positive qui prévalait avant le conflit vient, à l’inverse, en soutien.

Nous ne retrouvons pas dans ces prévisions les craintes actuelles émergentes d’un scénario de stagflation, comme dans les années 1970. Rappelons que la stagflation est un phénomène pluriannuel combinant inflation forte et chômage élevé. Nous n’en sommes pas là. De plus, des mesures de soutien budgétaire sont attendues pour amortir le choc, qui agit aussi comme un accélérateur d’investissements.

Si la guerre en Ukraine nous plonge dans un environnement d’incertitude radicale, elle complique certainement plus encore la tâche de la BCE, qui doit arbitrer entre lutter contre le risque inflationniste et soutenir la croissance. Dans son communiqué de presse, la BCE commence par rappeler qu’elle fera tout le nécessaire pour assurer la stabilité des prix et la stabilité financière dans la zone euro. Les inquiétudes vis-à-vis de l’inflation semblent toutefois dominer sur les craintes relatives à la croissance.

La BCE a, en particulier, annoncé une réduction plus rapide des achats nets mensuels au titre de l’APP (40 milliards d’euros en avril, 30 en mai et 20 en juin), leur montant au T3 sera fonction des données et les achats pourraient même alors s’arrêter si l’inflation ne faiblit pas comme attendu.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE