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Zone euro : les effets du freinage du crédit bancaire sur l’activité et l’inflation sont palpables

05/02/2024
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Le resserrement de la politique monétaire de la BCE entre l’été 2022 et septembre 2023 a continué de produire ses effets sur les évolutions du crédit bancaire dans la zone euro au quatrième trimestre 2023. Toutefois, en lien avec l’absence de tour de vis supplémentaire depuis septembre 2023, ceux-ci ne s’intensifient plus. Les encours de prêts bancaires au secteur privé ont même modestement accéléré, en glissement annuel, au quatrième trimestre (+0,5% en décembre 2023 contre +0,3% en septembre), à l’instar du PIB (+0,1% au quatrième trimestre contre 0,0% au troisième). L’impulsion du crédit, toujours négative, se redressait légèrement, pour la première fois depuis le début du relèvement de ses taux directeurs par la BCE, en juillet 2022.

Les 157 banques interrogées par la BCE entre le 8 décembre 2023 et le 2 janvier 2024 indiquaient avoir légèrement durci les critères d’octroi pour les prêts aux entreprises. Les principales raisons avancées étaient les craintes liées au contexte macroéconomique et le jugement porté sur la situation individuelle des entreprises. La décélération des encours de prêts aux entreprises (+0,33% en glissement annuel en décembre 2023 vs +3,8% en décembre 2022) a procédé des effets retardés de la hausse des taux cumulée depuis 2022 et du recul de la demande. Ce dernier a plus particulièrement concerné les concours bancaires à long terme et les dépenses d’investissement. Après avoir atteint un creux en octobre 2023, l’impulsion demeurait certes négative en décembre 2023 (-5,9) mais s’était redressée au regard des mois précédents (août-novembre 2023), à la faveur d’une remontée principalement technique (effet de base favorable fin 2022). Elle était désormais bien supérieure aux niveaux qui prévalaient en 2009, au lendemain de la crise financière, et se rapprochait des niveaux observés à l’été 2021 (-5,6 en août 2021).

Concernant les prêts aux ménages, les banques interrogées indiquaient également avoir resserré les critères d’octroi des prêts aux ménages au quatrième trimestre 2023, de manière limitée au titre de l’habitat et plus sensible pour les prêts à la consommation. La hausse du risque perçu indépendamment de l’objet et la moindre tolérance au risque pour les prêts à la consommation constituent les principaux motifs avancés. Outre le renchérissement du crédit, la faiblesse de la confiance des ménages et la dégradation des perspectives des marchés immobiliers ont pesé sur la demande de financements. Dans la lignée de la tendance entamée à l’été 2022, l’encours des prêts aux ménages a continué de décélérer au quatrième trimestre (+0,3% en glissement annuel en décembre 2023 contre +0,8% en septembre) tandis que l’impulsion du crédit aux ménages demeurait relativement stable depuis août 2023 (-3,6 en décembre).

Le resserrement de la politique monétaire et le freinage appuyé des encours de prêts au secteur privé ont contribué à la forte décélération, depuis le printemps 2021, puis au recul, en glissement annuel entre juillet et décembre 2023, de l’agrégat monétaire M3. Ce repli, inédit depuis 2009 et, surtout, d’une ampleur inégalée (-1,3% en août 2023) depuis l’origine de la série rétropolée publiée par la BCE (1981) a contribué au reflux de l’inflation sous-jacente. Selon l’estimation préliminaire de la BCE, l’agrégat se serait quasiment stabilisé, en glissement annuel, en janvier 2024 (+0,1%). L’inflation core (hors énergie, alimentation, alcool et tabac) a, dans le même temps, poursuivi sa décrue (+3,3%, contre +3,4% en décembre), à l’instar de l’inflation totale (+2,8% vs +2,9%).

Pour le premier trimestre 2024, les banques tablaient sur la poursuite du resserrement des critères d’octroi de prêts aux entreprises. Elles anticipaient, dans le même temps, un léger raffermissement de la demande de prêts aux entreprises pour la première fois depuis le deuxième trimestre 2022. Il pourrait toutefois ne s’agir que d’un rebond ponctuel. La BCE souligne, en effet, à plusieurs reprises dans sa Bank Lending Survey les propriétés d’indicateur avancé des critères d’octroi des prêts aux entreprises quant aux évolutions d’encours et ce, à un horizon de cinq à six trimestres. Celles-ci, conjuguées à la persistance des effets retardés des hausses de taux passées, suggèrent au contraire que la demande de prêts des entreprises resterait très contenue dans la zone euro sur l’ensemble de l’année 2024, en dépit de l’amorce du desserrement des taux directeurs et de la reprise de l’activité attendues au second semestre. Du coté des ménages, si les banques envisageaient une poursuite de la contraction de la demande de prêts à la consommation au premier trimestre 2024, elles prévoyaient en revanche une reprise de la demande de prêts à l’habitat, pour la première fois depuis le premier trimestre 2022. Une appréciation à mettre en relation avec la détente des marchés obligataires entre octobre et décembre 2023 qui laissait alors entrevoir des révisions à la baisse des grilles de taux fixes sensibles au moment de l’enquête. Mais les évolutions observées depuis lors ont effacé une partie de la baisse des rendements constatée au moment de l’enquête et la perception serait sans doute moins favorable aujourd’hui. Sur l’ensemble de l’année, la demande de prêts resterait contrainte par des coûts de financement encore élevés au regard de ceux qui prévalaient avant 2022 et pénalisée par les anticipations d’ajustement des marchés immobiliers.

Zone euro : impulsion du crédit
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