Les enquêtes récentes auprès des entreprises indiquent une stabilisation de la conjoncture dans la zone euro, en Allemagne et en France, mais il serait prématuré de conclure que le point de retournement a été atteint. Une telle évolution positive semble peu probable à court terme. La politique monétaire devrait rester restrictive pendant un certain temps et l’effet des relèvements de taux antérieurs ne s’est pas encore pleinement fait sentir. La politique de crédit des banques devrait rester prudente en raison de l’accroissement du risque de crédit dans un contexte de stagnation de l’économie face à des taux d’intérêt élevés et la demande de prêts de la part des entreprises et des ménages est faible. Des progrès significatifs sur le front de la désinflation semblent être la condition nécessaire à une amélioration durable des perspectives économiques.
Après les données décevantes sur le PIB de la zone euro au troisième trimestre - contraction de - 0,1 % par rapport au deuxième -, les résultats des dernières enquêtes auprès des entreprises ont été quelque peu réconfortants. L’indice PMI flash composite de S&P Global pour la zone euro a légèrement progressé en novembre – de 46,5 à 47,1- à la faveur de l’amélioration des données dans l’industrie manufacturière comme dans les services. Après une phase d’orientation à la baisse des statistiques économiques, on est tenté de voir dans les premiers signes d’embellie l’amorce d’une nouvelle tendance à la hausse. Il faut, néanmoins, plusieurs mois d’amélioration des données pour être en mesure d’affirmer que le point bas a été atteint autant pour l’activité que pour la demande. S’agissant du PMI moyen pour les trois derniers mois par rapport aux trois mois précédents, on observe une stabilisation dans l’industrie manufacturière - la dynamique est légèrement positive mais très proche de zéro – tandis qu’elle est négative dans le secteur des services (graphique 1)[1]. Dans l’industrie manufacturière, les commandes totales comme les commandes à l’export ont connu une amélioration. Cependant, la composante emploi du PMI a marqué le pas, une évolution à surveiller de près compte tenu de la corrélation historique entre cette série de données et la croissance de l’emploi dans la zone euro. Dans les services, toutes les séries accusent un repli au cours des derniers mois par rapport à la période précédente, à l’exception des prix des intrants. Les nouvelles sont donc préoccupantes sur le front de l’activité comme de l’inflation. La France et l’Allemagne viennent également de publier les données sur le climat des affaires. Dans l’Hexagone, l’indicateur de l’Insee sur le climat des affaires a reculé de 98 à 97 – il s’inscrivait encore à 100 en septembre – mais ce chiffre masque de profondes divergences. La situation est restée stable dans l’industrie pour le troisième mois consécutif comme dans les services. Elle s’est légèrement dégradée dans le bâtiment tandis qu’une forte tendance à la baisse a persisté dans le commerce de détail : depuis juillet dernier, l’indice a cédé 10 points, passant de 106 à 96. En Allemagne, l’indice IFO ressort en progression en novembre pour le troisième mois consécutif, porté par une meilleure évaluation de la situation actuelle et des anticipations moins pessimistes qu’auparavant. L’industrie manufacturière a connu une amélioration sensible tandis que la situation s’est légèrement détériorée dans les services. Le climat des affaires a nettement progressé dans le commerce et il s’est amélioré dans le bâtiment.
Même si ces données semblent plaider en faveur d’une stabilisation de la conjoncture dans la zone euro, en Allemagne et en France, il serait prématuré de conclure que la situation est sur le point de s’améliorer[2]. Or une telle évolution positive semble peu probable à court terme. La politique monétaire est restrictive et, d’après les anticipations, elle devrait le rester pendant encore un certain temps ; de plus, l’effet des relèvements de taux antérieurs ne s’est pas encore pleinement fait sentir. La politique de crédit des banques devrait rester prudente en raison de l’accroissement du risque de crédit dans un contexte de stagnation de l’économie face à des taux d’intérêt élevés, tandis que la dernière enquête de la BCE sur le crédit bancaire fait ressortir la faiblesse de la demande de prêts de la part des entreprises et des ménages. Les entreprises ayant participé à l’enquête s’attendent à la poursuite de cette tendance au cours du trimestre actuel, quoique à un rythme moins soutenu[3]. L’incertitude entourant les perspectives économiques pourrait également inciter les ménages et les entreprises possédant d’importantes liquidités à se montrer plus prudents, ce qui pourrait peser sur les dépenses discrétionnaires et les investissements. Dans les prochains mois, l’amélioration réelle de l’activité et de la demande dépendra essentiellement des perspectives des taux directeurs, qui seront à leur tour dictées par l’évolution et les perspectives de l’inflation. En allégeant les pressions sur la base de coûts des entreprises, le progrès sur le front de la désinflation devrait jouer en faveur de l’économie. Les travailleurs bénéficieront du croisement de la courbe de l’inflation et de celle de la croissance des salaires (graphique 2) : lorsque la première descend en dessous de la deuxième, la croissance réelle des salaires augmente, ce qui devrait soutenir les dépenses de consommation et ainsi renforcer la confiance des entreprises. Enfin, cela permettra à la BCE de donner des indications précisant que le taux terminal a été atteint, dissipant ainsi les craintes persistantes des agents économiques selon lesquelles les taux pourraient encore augmenter. Des progrès significatifs sur le front de la désinflation semblent être la condition nécessaire d’une amélioration durable des perspectives économiques.