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Zone euro : les effets du freinage du crédit bancaire sur l’activité et l’inflation sont palpables

06/11/2023
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Impulsion du crédit dans la zone euro

Le resserrement de la politique monétaire dans la zone euro, entamé en juillet 2022 et poursuivi jusqu’en septembre 2023, a continué de freiner la demande de crédit et l’activité économique au troisième trimestre 2023. Les premiers effets sur l’inflation sous-jacente sont, en outre, perceptibles depuis la fin de l’été.

L’impulsion du crédit au secteur privé, en baisse continue depuis octobre 2022 et négative depuis février 2023, a atteint en septembre dernier sa valeur la plus faible depuis novembre 2009 (-6,8) ; elle demeure néanmoins encore éloignée du point bas de juillet 2009 (-8,3). Partant, en septembre 2022, d’un niveau sensiblement plus élevé que celui de l’impulsion des crédits aux ménages, l’impulsion des crédits aux sociétés non financières s’établit pourtant aujourd’hui à un niveau plus bas après un recul très marqué.

Les encours de crédits bancaires au secteur privé ont continué de décélérer et ne conservent plus qu’une très faible évolution positive (+0,3%), en glissement annuel, en septembre 2023. Les encours de prêts aux sociétés non financières, encore très dynamiques en novembre 2022 (+8,3% en glissement annuel) sont désormais quasiment stables sur un an (+0,2% en septembre 2023). Initialement moins dynamiques (+4,4% en septembre 2022), les encours de prêts aux ménages enregistraient une progression à peine plus élevée, de +0,8%, en septembre 2023.

Depuis l’été 2022, le resserrement de la politique monétaire a entraîné un durcissement substantiel des conditions de crédit. 157 banques de la zone euro ont été interrogées dans le cadre de la Bank Lending Survey (BLS) entre le 15 septembre et le 2 octobre 2023. Leur perception d’un risque majoré et une moindre tolérance à ce dernier conduisent ces banques à renforcer leurs marges sur les prêts les plus risqués. Concernant les ménages, les conditions des crédits à l’habitat ont continué de se durcir jusqu’au troisième trimestre. Comme pour les entreprises, les banques soulignent le risque perçu plus important, mais également des positions de liquidité négativement affectées par la réduction du portefeuille-titres de l’Eurosystème et le retrait progressif des TLTRO III.

Le ralentissement du crédit bancaire commence, par ailleurs, à produire ses effets sur l’inflation sous-jacente. Conjugué à la hausse des taux de rémunération de l’épargne et aux arbitrages de la clientèle au détriment des dépôts monétaires, il contribue au recul de la masse monétaire M3 depuis juillet 2023 (-1,2% en glissement annuel en septembre). L’inflation globale, qui avait temporairement interrompu sa décrue durant l’été (plateau entre 5% et 5,5% entre juin et août 2023), a de nouveau reflué en septembre (4,3%) et octobre 2023 (2,9% estimé). Elle renoue ainsi avec des niveaux qu’elle n’avait pas connus depuis plus de deux ans (juillet 2021). Cette décélération a principalement procédé du repli des prix de l’énergie en septembre (-4,6%), et surtout octobre (-11,1%), mais l’inflation sous-jacente a également reculé (+4,2% estimé en octobre, contre +5,5% en juillet), faisant écho à la baisse de la masse monétaire et à la légère contraction de l’activité dans la zone euro au troisième trimestre (-0,1% t/t, +0,1% en glissement annuel).

Pour le quatrième trimestre, les banques envisagent de durcir davantage les conditions des prêts aux entreprises au quatrième trimestre 2023, mais de manière plus modérée qu’au cours des trimestres précédents. Elles anticipent également une poursuite de la baisse de la demande de financement des entreprises (le solde d’opinion est, sur ce point, le plus bas observé depuis 2011). Elles prévoient, dans le même temps, une stabilisation des conditions pour les prêts à l’habitat et un durcissement supplémentaire pour les prêts à la consommation. Enfin, elles tablent sur un repli moins prononcé de la demande de crédit aux ménages quel qu’en soit l’objet.

En l’absence d’évolutions, dans le conflit israélo-palestinien, susceptibles d’affecter de manière significative les prix de l’énergie et l’effet de base attendu, nous anticipons une poursuite de la décrue de l’inflation, quoique à un rythme infléchi au regard des évolutions observées depuis l’été. La BCE devrait donc stabiliser ses taux directeurs, après dix relèvements consécutifs intervenus entre juillet 2022 et septembre 2023. Soucieuse d’éviter des effets de second tour, elle pourrait ensuite attendre les résultats du cycle de négociations salariales avant d’envisager de desserrer l’étau monétaire, au plus tôt vers la fin du premier semestre 2024.

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