De multiples chocs mettent à l’épreuve la résilience de l’économie mondiale : la recrudescence de l’épidémie de Covid-19 en Chine, la guerre en Ukraine, l’envolée des prix de plusieurs matières premières, la perspective d’un resserrement monétaire agressif aux États-Unis. Côté positif, l’acquis de croissance important hérité de l’année dernière est un élément de soutien de la croissance en 2022. En outre, les moteurs de la demande finale étaient bien orientés en début d’année et le sont encore dans de nombreux cas. L’inflation élevée pèse sur la confiance des consommateurs américains et européens mais heureusement, pour l’heure, les intentions d’embauche des entreprises dans la zone euro restent à un niveau élevé et, aux États-Unis, le marché du travail reste très dynamique
Face à une inflation qui s’envole, la Réserve fédérale des États-Unis annonce une normalisation à vitesse accélérée de sa politique monétaire. Maintenu au voisinage de zéro jusqu’en mars, son principal taux directeur devrait remonter autour de 2% en fin d’année. La taille de son bilan sera, quant à elle, réduite. L’économie américaine, qui opère au plein emploi, semble avoir suffisamment bien récupéré de la crise sanitaire pour passer le test. Elle reste toutefois sensible aux conditions du crédit et n’est pas immunisée contre les effets de la guerre en Ukraine.
Après un bon début d’année 2022, la croissance économique chinoise a ralenti en mars. Les vents contraires vont persister à très court terme. D’abord, la très forte hausse du nombre de cas de Covid-19 a conduit de nombreuses régions à imposer de sévères restrictions à la mobilité. Ensuite, la correction dans le secteur immobilier se poursuit. Enfin, les effets de la guerre en Ukraine sur les prix des matières premières et le commerce mondial devraient pénaliser les producteurs et les exportations. Les autorités chinoises accélèrent donc l’assouplissement de leur politique économique.
Tandis que la Réserve Fédérale américaine a entamé le relèvement de son taux directeur, la Banque du Japon poursuit sa politique très accommodante. Ses marges de manœuvre se resserrent néanmoins en raison de la dépréciation significative du yen qui complique sa politique de contrôle de la courbe des taux. Des ajustements sur ce mécanisme sont anticipés. Le soutien à l’économie devrait persister en 2022 tant sur le plan monétaire que budgétaire, dans un environnement particulièrement difficile pour les industriels japonais, durement affectés par les perturbations sur les chaînes de production mondiales et le ralentissement de l’économie chinoise.
La guerre en Ukraine complique la tâche de la Banque centrale européenne qui doit arbitrer entre lutter contre le risque inflationniste et soutenir la croissance. Lors de sa réunion du 10 mars dernier, les préoccupations concernant l’inflation ont dominé et la fin probable au T3 des achats nets d’actifs dans le cadre du programme APP a été annoncée. La voie est ouverte pour amorcer la remontée du taux de dépôt mais le timing reste très incertain. Le choc inflationniste s’amplifie et la croissance de la zone euro est de plus en plus menacée. La dynamique conjoncturelle préexistante, l’excès d’épargne, les besoins d’investissement et les mesures de soutien budgétaire permettent toutefois de tempérer le risque de stagflation.
Parmi les quatre plus grandes économies de la zone euro, l’Allemagne affiche les perspectives de croissance à l’horizon 2022 les moins bonnes. Selon nos prévisions, le PIB allemand augmenterait d’environ 2% quand la croissance avoisinerait 3% en France et en Italie et frôlerait 5% en Espagne. L’acquis de croissance au T4 2021 est moins élevé outre-Rhin, l’exposition aux répercussions économiques de la guerre en Ukraine est plus grande et elles s’ajoutent aux difficultés d’approvisionnement préexistantes de l’industrie. La chute de l’indice ifo en mars, en particulier des anticipations des entreprises, en atteste et alerte sur le risque de récession.
L’inflation a continué de croître début 2022 jusqu’à peser très fortement sur la confiance des ménages français à partir de mars. Cette problématique de pouvoir d’achat augure d’un repli de la consommation. Le soutien budgétaire a permis de limiter la hausse de l’inflation (de près de 2 points de pourcentage en avril), autorisant le maintien d’une croissance légèrement positive (0,3% pour le T1 et 0,1% pour le T2 selon nos prévisions).
Au T4 2022, le PIB réel a crû de 0,6%, après une hausse de +2,7% au T2 et +2,5% au T3. Le ralentissement a été général. L’activité dans l’industrie manufacturière a stagné et les services ont pâti de l’augmentation des cas de Covid. L’envolée d’une l’inflation, plus persistante que prévu, nourrit l’incertitude. En mars 2022, l’indice des prix à la consommation a grimpé de 6,7% en g.a. La détérioration de l’environnement économique n’a pas encore affecté le marché du travail. Entre décembre 2021 et février 2022 , la population active s’est accrue ( + 100 000 personnes), retrouvant quasiment son niveau de pré-pandémie
Même si l’Espagne n’est pas l’économie européenne la plus exposée « structurellement » à la guerre en Ukraine, le choc sur les prix énergétiques s’avère très important. L’inflation dépassera certainement les 10% sur un an au cours du printemps. Les manifestations qui ont émaillé le pays, en réponse à la hausse du prix des carburants, ont perturbé l’activité, mais la croissance devrait être peu impactée. Les créations d’emplois ont résisté au T1. La confiance des ménages et les anticipations de commandes des entreprises ont toutefois chuté fortement, ce qui aura des répercussions sur les dynamiques d’embauches
Le PIB belge a progressé de 0,5 % au T4 2021, enregistrant une croissance annuelle de 6,1%. L’économie s’est redressée et a retrouvé ses niveaux pré-Covid plus rapidement qu’attendu. Notre scénario de base prévoyait un ralentissement progressif par rapport à une croissance supérieure à son potentiel, et ce malgré la poursuite de la trajectoire haussière des prix (énergie) et les tensions sur le marché du travail. La guerre en Ukraine remet en question ce scénario. Nous prévoyons désormais une baisse de la croissance d’un point de pourcentage et le relèvement de plus de 2 pp de la prévision d’inflation.
La large victoire du parti socialiste d’Antonio Costa aux élections législatives de février permet une stabilité politique bienvenue dans le contexte économique actuel. Si le Portugal ne subit pas un choc inflationniste aussi important que la plupart des autres pays européens, et alors que l’État a introduit des mesures de soutien, les enquêtes d’opinion ont toutefois décroché en mars. Il reste à voir jusqu’où cette détérioration altèrera la dynamique des embauches qui reste, pour l’heure, bien orientée. Le taux de chômage, au cours de l’hiver, était proche des niveaux enregistrés au début des années 2000.
La Suède a beaucoup misé sur les énergies renouvelables, une stratégie qui se révèle aujourd’hui payante face à la flambée des prix du pétrole et du gaz. Si l’inflation accélère dans le royaume, elle reste, à un peu plus de 4%, l’une des plus basses d’Europe. Pour les Suédois, les pertes consécutives de pouvoir d’achat, en partie compensées par le gouvernement, sont limitées. Mais l’inquiétude est ailleurs : en envahissant l’Ukraine, la Russie, pays géographiquement proche, a bouleversé l’opinion, et relancé le débat sur l’adhésion à l’OTAN.
Contrariée depuis le début d’année par une forte recrudescence de l’épidémie de Covid-19, la reprise de l’économie est désormais menacée par les répercussions de l’offensive militaire russe en Ukraine. Du fait de sa situation géographique, la Finlande est très dépendante de la Russie pour ses importations d’énergie, dont la facture s’alourdit déjà considérablement. Alors que la croissance du PIB a atteint 3,3% en 2021, le chiffre attendu par la Commission européenne, de 3% en 2022, risque de ne pas tenir.
Le temps du soutien budgétaire et monétaire sans limite est révolu au Royaume-Uni, où la priorité est de réduire les déficits et l’inflation. Face au choc provoqué par l’invasion russe de Ukraine, qui promet d’alourdir un peu plus encore la facture énergétique et alimentaire des Britanniques, les mesures gouvernementales de soutien au pouvoir d’achat apparaissent limitées. En 2022, un ralentissement marqué de l’économie est à prévoir.