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Eco Perspectives // 2 trimestre 2022
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ÉDITORIAL
LA RÉSILIENCE ÉCONOMIQUE À L’ÉPREUVE DE CHOCS MULTIPLES
De multiples chocs mettent à l’épreuve la résilience de l’économie mondiale : la recrudescence de l’épidémie de
Covid-19 en Chine, la guerre en Ukraine, l’envolée des prix de plusieurs matières premières, la perspective d’un
resserrement monétaire agressif aux États-Unis. Côté positif, l’acquis de croissance important hérité de l’année
dernière est un élément de soutien de la croissance en 2022. En outre, les moteurs de la demande finale étaient
bien orientés en début d’année et le sont encore dans de nombreux cas. L’inflation élevée pèse sur la confiance
des consommateurs américains et européens mais heureusement, pour l’heure, les intentions d’embauche des
entreprises dans la zone euro restent à un niveau élevé et, aux États-Unis, le marché du travail reste très dynamique.
La persistance ou non de cette bonne tenue du marché du travail jouera un rôle fondamental sur les perspectives de
croissance cette année et donc sur l’évolution de la politique monétaire.
L’économie mondiale est soumise à plusieurs chocs simultanés qui, pris
PERSPECTIVES DE CONFIANCE DES MÉNAGES
dans leur ensemble, mettent durement à l’épreuve sa résilience. Cette
situation est assez unique par le nombre et la diversité des chocs en
question. Il y a celui, toujours présent, du Covid-19, qui est redevenu
Zone euro : situation financière personnelle dans les 12 prochains mois
Etats-Unis : sentiment des ménages, anticipations (é.d.)
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indice
une source de préoccupation en Chine et dont les répercussions se font
sentiràl’échellemondialeparlebiaisdeschaînesd’approvisionnement.
Vient, ensuite, le choc géopolitique de la guerre en Ukraine dont les
conséquences économiques suscitent de grandes incertitudes. L’onde
de choc provoquée par le conflit frappe un grand nombre de matières
premières (pétrole, gaz, métaux, produits de base agricoles), faisant
grimper plus encore une inflation déjà élevée. À cela s’ajoute, enfin,
le choc monétaire, lié à la perspective d’un resserrement monétaire
agressif de la Réserve fédérale américaine pour juguler l’inflation.
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Pour autant, la confiance des chefs d’entreprises reste à un niveau élevé
aux États-Unis comme dans la zone euro, ce qui reflète probablement
l’hypothèse selon laquelle la situation géopolitique ne se dégradera pas
davantage. L’autre explication, à l’exception de celle intrinsèquement
mondiale des prix des matières premières, est que l’origine des autres
chocs est plus locale, même s’ils ont aussi des répercussions mondiales.
Ainsi l’incertitude géopolitique est concentrée en Europe. La hausse des
cas de Covid-19 en Chine devrait, certes, avoir des répercussions à
l’échelle mondiale, mais cela n’a rien de comparable à la situation de
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GRAPHIQUE 1
SOURCES : COMMISSION EUROPÉENNE, UNIVERSITÉ DU MICHIGAN
INDICATEUR DE CONFIANCE DU MARCHÉ DU TRAVAIL
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020. Quant aux relèvements de taux par la Réserve fédérale, ils auront
un impact d’abord sur l’économie américaine mais moins à l’étranger,
même si, dans un deuxième temps, des retombées se feront sentir
à l’échelle mondiale. Autre élément positif : l’acquis de croissance
important hérité de 2021 soutient mécaniquement la croissance cette
année. Cet acquis est de 1,9% dans la zone euro (au T4 2021) et de 2,7%
en France (au T1 2022, estimation de l’INSEE). Enfin, la résilience de
l’économie peut s’appuyer sur les principaux moteurs de la demande
finale, qui étaient favorables en début d’année et qui le restent dans de
nombreux cas. Les créations d’emplois sont importantes, les salaires
accélèrent – progressivement dans la zone euro, fortement aux États-
Unis –, les carnets de commandes restent bien remplis et les profits
des entreprises ont augmenté.
Cependant, les délais de livraison se sont de nouveau allongés en mars
et les prix des intrants continuent d’augmenter. Du fait de la robustesse
de la demande, les entreprises disposent d’une plus grande marge
de manœuvre pour répercuter ces hausses de coûts sur leurs prix de
vente. C’est la raison pour laquelle le moral des chefs d’entreprises
est, pour l’heure, moins atteint par la flambée de l’inflation que celui
des ménages qui, aux États-Unis comme dans la zone euro, a pâti de
l’irrésistible hausse des prix. Les consommateurs sont pessimistes non
en raison des perspectives du marché du travail – les anticipations de
chômage sur les douze prochains mois ont peu augmenté – mais du
Ménages : perspectives du chômage dans les 12 prochains mois (inversé)
Industriels : anticipations de l'emploi
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GRAPHIQUE 2
SOURCE : COMMISSION EUROPÉENNE (ENQUÊTES)
fait d’une inflation forte, en hausse et qui s’est désormais généralisée.
Les banques centrales ont, en conséquence, durci le ton depuis le
début de l’année et les perspectives de politique monétaire ont
considérablement changé. La Banque centrale européenne mettra un
terme à ses achats d’actifs nets au troisième trimestre et, selon toute
La banque
d’un monde
qui change