Eco Perspectives

Allemagne : derrière la croissance, la récession ?

14/04/2022
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Parmi les quatre plus grandes économies de la zone euro, l’Allemagne affiche les perspectives de croissance à l’horizon 2022 les moins bonnes. Selon nos prévisions, le PIB allemand augmenterait d’environ 2% quand la croissance avoisinerait 3% en France et en Italie et frôlerait 5% en Espagne. L’acquis de croissance au T4 2021 est moins élevé outre-Rhin, l’exposition aux répercussions économiques de la guerre en Ukraine est plus grande et elles s’ajoutent aux difficultés d’approvisionnement préexistantes de l’industrie. La chute de l’indice ifo en mars, en particulier des anticipations des entreprises, en atteste et alerte sur le risque de récession.

L’Allemagne est, des quatre plus grandes économies de la zone euro, la plus exposée aux répercussions économiques de la guerre en Ukraine menée par la Russie depuis le 24 février dernier. Selon notre indicateur de dépendance1, l’Allemagne occupe en effet la position moyenne de 15,5 quand la France est à 11,7, l’Italie à 13,3 et l’Espagne à 12,1. À titre de comparaison complémentaire, le pays le plus dépendant est la Lituanie (position moyenne de 20,2) et le moins dépendant, l’Irlande (9). La position de l’Allemagne découle notamment du poids important de la Russie dans ses importations de gaz. L’ouverture commerciale du pays le rend également plus vulnérable aux effets rétroactifs, sur ses exportations, des difficultés des pays les plus touchés et du choc récessif en Russie et en Ukraine. Le poids dans l’IPCH de la composante «?énergie?» est également relativement élevé (11,7% en 2019 contre 10,5% pour l’UE, 9,2% en France comme en Italie, l’Espagne étant proche de l’Allemagne, à 11,6%). C’est un élément d’explication de l’inflation nettement plus élevée outre-Rhin (7,6% a/a en mars selon l’estimation préliminaire d’Eurostat) que de ce côté-ci (5,1%). Si la poussée à venir de l’inflation alimentaire est à surveiller également, l’Allemagne y apparaît en revanche moins exposée que la France, l’Italie ou l’Espagne (poids respectif de l’alimentation dans l’IPCH?: 9,8%, 14,6%, 15,9%, 17%).

CROISSANCE ET INFLATION

HORLOGE IFO DU CYCLE DES AFFAIRES DEPUIS 2017 (SOLDES DÉTRENDÉS, CVS)

Le poids de la dépendance allemande est visible dans les dernières enquêtes sur le climat des affaires (s’y ajoute l’effet sectoriel du poids important de l’industrie, qui était déjà pénalisée par les difficultés d’approvisionnement préexistantes au conflit russo-ukrainien). L’indice ifo en particulier a fortement chuté en mars. Ainsi, selon l’ « horloge du cycle des affaires », la zone de récession se rapproche du fait de la détérioration des anticipations des entreprises (cf. graphique 2).

Il est possible que cette détérioration importante du climat des affaires envoie un signal exagérément pessimiste. Le marché du travail n’est pas touché pour le moment, ce qui est rassurant (les difficultés de recrutement restent fortes et les intentions d’embauche élevées). La politique budgétaire fournit également une protection significative contre le choc de la guerre. La revalorisation importante du Smic au 1er octobre (à 12 EUR l’heure, +22%) arrive tardivement par rapport au choc inflationniste actuel mais amortit tout de même ce choc sur le pouvoir d’achat des ménages.

Le risque de récession apparaît plus élevé en Allemagne qu’en France, compte tenu notamment de la dépendance plus importante sus-mentionnée et parce que la croissance allemande était déjà dans le rouge au T4 2021 (-0,3% t/t). Si récession il y avait, elle pourrait cependant n’être que «?technique?» (deux à trois trimestres consécutifs de contraction du PIB) et ne pas s’inscrire dans la durée. C’est tout ce que l’on peut espérer dans le contexte actuel mais le risque est à surveiller de près.

Autre point négatif pour l’Allemagne : l’acquis de croissance au T4 2021 y est nettement moins favorable qu’en France, en Italie ou en Espagne (respectivement 1,1%, 2,4%, 2,3%, 3,2%), ce qui pèse mécaniquement sur la croissance en 2022 en moyenne annuelle. Au final, nous prévoyons une croissance allemande autour de 2% cette année quand elle avoisinerait 3% en France et en Italie et frôlerait 5% en Espagne. À titre de comparaison, notre prévision pour l’Allemagne est inférieure à celle du scénario central de l’ifo (3,1%) mais comparable à celle de leur scénario alternatif (2,2%) et à celle du Conseil des sages (1,8%). L’importance de l’effet d’acquis rend toutefois plus difficile que d’habitude la comparaison des chiffres de croissance des différentes économies, y compris en 2023 où la croissance allemande reprendrait en apparence de la vigueur (3,4%) et dépasserait celle des trois autres pays, qui continuerait de ralentir pour se situer, d’après nos prévisions, dans une fourchette comprise entre 2 et 3%.

1 Plus le chiffre est élevé, plus la dépendance est grande. Cet indicateur fait la moyenne des positions d’un pays donné pour chacune des 23 variables considérées dans notre cartographie (cf. EcoFlash 22-07).

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