Le poids de la dépendance allemande est visible dans les dernières enquêtes sur le climat des affaires (s’y ajoute l’effet sectoriel du poids important de l’industrie, qui était déjà pénalisée par les difficultés d’approvisionnement préexistantes au conflit russo-ukrainien). L’indice ifo en particulier a fortement chuté en mars. Ainsi, selon l’ « horloge du cycle des affaires », la zone de récession se rapproche du fait de la détérioration des anticipations des entreprises (cf. graphique 2).
Il est possible que cette détérioration importante du climat des affaires envoie un signal exagérément pessimiste. Le marché du travail n’est pas touché pour le moment, ce qui est rassurant (les difficultés de recrutement restent fortes et les intentions d’embauche élevées). La politique budgétaire fournit également une protection significative contre le choc de la guerre. La revalorisation importante du Smic au 1er octobre (à 12 EUR l’heure, +22%) arrive tardivement par rapport au choc inflationniste actuel mais amortit tout de même ce choc sur le pouvoir d’achat des ménages.
Le risque de récession apparaît plus élevé en Allemagne qu’en France, compte tenu notamment de la dépendance plus importante sus-mentionnée et parce que la croissance allemande était déjà dans le rouge au T4 2021 (-0,3% t/t). Si récession il y avait, elle pourrait cependant n’être que «?technique?» (deux à trois trimestres consécutifs de contraction du PIB) et ne pas s’inscrire dans la durée. C’est tout ce que l’on peut espérer dans le contexte actuel mais le risque est à surveiller de près.
Autre point négatif pour l’Allemagne : l’acquis de croissance au T4 2021 y est nettement moins favorable qu’en France, en Italie ou en Espagne (respectivement 1,1%, 2,4%, 2,3%, 3,2%), ce qui pèse mécaniquement sur la croissance en 2022 en moyenne annuelle. Au final, nous prévoyons une croissance allemande autour de 2% cette année quand elle avoisinerait 3% en France et en Italie et frôlerait 5% en Espagne. À titre de comparaison, notre prévision pour l’Allemagne est inférieure à celle du scénario central de l’ifo (3,1%) mais comparable à celle de leur scénario alternatif (2,2%) et à celle du Conseil des sages (1,8%). L’importance de l’effet d’acquis rend toutefois plus difficile que d’habitude la comparaison des chiffres de croissance des différentes économies, y compris en 2023 où la croissance allemande reprendrait en apparence de la vigueur (3,4%) et dépasserait celle des trois autres pays, qui continuerait de ralentir pour se situer, d’après nos prévisions, dans une fourchette comprise entre 2 et 3%.