Dans ce contexte, à quel point faut-il s’inquiéter du risque de stagflation? Pour l’heure, nous n’en sommes pas là si l’on considère la stagflation comme un phénomène pluriannuel combinant chômage élevé et inflation forte (cf. graphique 2). Certes, cette dernière poursuit son envolée (7,5% en glissement annuel en mars selon l’estimation flash d’Eurostat) mais le taux de chômage continue de baisser (6,8% de la population active en février). La détérioration limitée, en mars, du jugement des entreprises sur les perspectives d’emploi est également rassurante. Dans notre scénario central, l’impact de la guerre sur la croissance est amorti par les mesures de soutien budgétaire, la mobilisation d’une partie de l’excès d’épargne et les besoins d’investissement préexistants et révélés par le conflit.
Le choc reste temporaire (croissance du PIB attendue à 2,7% en 2023), ce qui devrait limiter la remontée du taux de chômage : la hausse de l’inflation ne dégénèrerait donc pas en stagflation. Le risque est toutefois réel étant donné les risques baissiers qui pèsent sur la croissance (la détérioration du jugement des ménages sur les perspectives de chômage est notamment à surveiller) et les risques haussiers sur l’inflation. Celle-ci reste essentiellement énergétique mais le choc se diffuse (3% a/a d’inflation sous-jacente en mars), tandis que le niveau et le timing du pic restent très incertains. Même si l’on ne voit pas encore de signes d’une boucle prix-salaires, le contexte est clairement plus inflationniste, ce qui explique le durcissement de ton de la BCE lors de sa réunion du 10 mars. Celle-ci s’appuie toutefois aussi sur des prévisions de croissance qui pêchent probablement par optimisme (3,7% en 2022 et 2,8% en 2023 selon le scénario central). Si la Banque centrale a, sur cette base, préparé le terrain à un arrêt, au T3 2022, des achats nets d’actifs, dans le cadre de son programme APP (Asset Purchase Programme), il reste conditionné aux données. Et si cet arrêt ouvre la voie à la remontée du taux de dépôt, d’ici la fin de l’année, le timing reste incertain.