Eco Perspectives

Royaume-Uni : chocs en série

14/04/2022

Le temps du soutien budgétaire et monétaire sans limite est révolu au Royaume-Uni, où la priorité est de réduire les déficits et l’inflation. Face au choc provoqué par l’invasion russe de Ukraine, qui promet d’alourdir un peu plus encore la facture énergétique et alimentaire des Britanniques, les mesures gouvernementales de soutien au pouvoir d’achat apparaissent limitées. En 2022, un ralentissement marqué de l’économie est à prévoir.

Vers une inflation à 9%?

À l’occasion de son Rapport de printemps, l’Office for Budget Responsibility (OBR) a ramené de 6% à 3,8% sa prévision de croissance pour 2022?; il estime par ailleurs que la hausse annuelle des prix, déjà supérieure à 6%, pourrait culminer à 9% dans les prochains mois. À l’origine de cette escalade figure, à nouveau, l’énergie, dont la facture s’alourdit considérablement en avril du fait de la révision en hausse des tarifs réglementés du gaz et de l’électricité (+54%). L’inflation est aussi entretenue par la pénurie chronique de main d’œuvre dans certains secteurs, comme l’agriculture ou les transports, une conséquence de l’épidémie de Covid-19, mais aussi du Brexit.

Pour les ménages britanniques, dont les revenus réels ont commencé à baisser, les pertes de pouvoir d’achat vont s’accentuer (graphique 2). Pour le chancelier de l’Échiquier, Rishi Sunak, le temps du «quoi qu’il en coûte» semble toutefois révolu. Certes, alors que la nouvelle loi de finances, effective depuis avril, épouse un tournant restrictif1, quelques mesures correctrices ont été annoncées : baisse de 5 pence par litre (6 centimes d’euro) de la taxe sur les carburants, application d’une TVA à 0% sur les panneaux solaires, doublement de la dotation au Household’s Support Fund, etc. Mais selon l’OBR, le dispositif est loin de compenser la hausse de la pression fiscale programmée en 2022 et au-delà.

CROISSANCE ET INFLATION

ROYAUME-UNI : SALAIRES RÉELS (GLISSEMENT ANNUEL EN %)

Du côté de la politique monétaire, l’humeur n’est pas plus à la complaisance, comme s’il fallait compenser l’inaction de 2021 face au dépassement de la cible d’inflation. Le 16 mars, la Banque centrale a augmenté, pour la troisième fois consécutivement, son taux directeur désormais fixé à 0,75%. Bien qu’exprimant sa préoccupation face aux conséquences de la guerre russe en Ukraine, le Conseil de politique monétaire (MPC) a voté à la quasi-unanimité (huit voix contre une) pour un tour de vis supplémentaire. Constatant une remontée des anticipations d’inflation, le MPC juge qu’un resserrement supplémentaire « modeste » reste approprié au cours des prochains mois.

Le temps du soutien budgétaire et monétaire sans limite est donc révolu au Royaume-Uni, et les mesures gouvernementales en faveur du pouvoir d’achat restent, à ce stade, limitées. En 2022, un ralentissement marqué de l’économie est à prévoir.

1 En gelant, par exemple, les barèmes d’impôt sur les revenus, ou en augmentant (de 1,25 point) les taux de cotisation à l’assurance maladie, pour un surcroît de recettes annuelles attendu à GBP 12 milliards.

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