Jouer comporte des risques, mais peut parfois rapporter gros. Adepte des paris hasardeux (Brexit, immunité collective contre la Covid-19) le premier ministre britannique Boris Johnson n’en reste pas moins celui qui, en misant vite et beaucoup sur les vaccins, aura permis au Royaume-Uni d’entrevoir avant d’autres le bout du tunnel. Plombée en début d’année par un confinement strict, souffrant aussi du recul des échanges avec l’Union européenne, l’économie semble avoir touché le fond ; les enquêtes de conjoncture ainsi que les rapports de mobilité promettent du mieux. Les politiques publiques, budgétaire comme monétaire, soutiendront quant à elles la reprise avant de songer à s’attaquer aux déficits, un premier tour de vis étant prévu pour 2023.
Particulièrement endeuillé par l’épidémie de Covid-191, le Royaume-Uni n’en reste pas moins l’un des pays qui, aujourd’hui, vaccinent le plus.
Avec 31 millions de doses injectées depuis le début de l’année, le taux de couverture de sa population atteint 45%, contre 17% seulement dans l’Union européenne (UE), dont le retard comme le degré de frustration vis-à-vis de son fournisseur britannique augmentent.
Conséquence, outre-Manche la maladie régresse. Avec désormais moins de 50 décès quotidiens (contre 1 500 au pic de la vague épidémique de janvier) et un taux de contaminations au plus bas depuis l’apparition du virus, l’espoir d’en sortir se matérialise enfin. Soumise à la double peine du Brexit et de la crise sanitaire, l’économie parvient même à se stabiliser.
En janvier, un confinement strict ainsi qu’un recul historique des exportations vers l’UE - conséquence de la réintroduction des barrières non-tarifaires - ont encore fait baisser le PIB de 3%, après que celui-ci eut déjà chuté de près de 10% en 2020. Mais depuis, les indicateurs d’activité se redressent. C’est notamment le cas des enquêtes auprès des directeurs d’achat, plus optimistes, ou encore des rapports de mobilité fournis par le moteur de recherche Google, moins figés. La récession du premier trimestre devrait finalement s’avérer moins sévère qu’attendu, puis laisser place à un début de récupération dans le courant du printemps.
L’aide publique se prolonge... pour quelque temps encore
Les politiques publiques privilégieront la reprise au détriment de l’équilibre des comptes durant quelque temps encore. Au Royaume-Uni comme dans la plupart des pays avancés où les amortisseurs sociaux sont faibles, la crise sanitaire a nécessité une réponse forte des autorités. D’après les estimations du Fonds monétaire international, le gouvernement britannique compte parmi ceux qui, jusqu’à présent, en ont fait le plus pour contrer les effets dépressifs de la pandémie : 16 points de PIB engagés dans l’économie (hors garanties, prêts et injections de capitaux) soit le double de l’effort consenti dans l’Union européenne. Conséquence, à 16,9% du PIB en 2020 (contre moins de 3% du PIB en 2019) les déficits publics ont connu une dérive exceptionnelle.
Présenté le 3 mars par le Chancelier de l’Échiquier Rishi Sunak, le Budget de la prochaine année fiscale (avril 2021-avril 2022) restera résolument combatif. Il prévoit de consacrer à nouveau GBP 60 milliards ou 3 points de PIB au soutien de l’activité, en incitant par exemple fiscalement les entreprises britanniques à relocaliser2. Il s’agit d’une nécessité. Avec le Brexit, les investissements directs étrangers sont tombés à zéro pour faire place à des retraits nets, pratiquement une première depuis 35 ans.
La politique monétaire promet elle aussi de rester accommodante. Au même titre que les autres grandes banques centrales, la Banque d’Angleterre a concouru à l’effort national de lutte contre la pandémie en renforçant son dispositif de rachats de titres (passé d’un encours-cible de GBP 475 milliards à GBP 895 milliards, soit 42% du PIB). Elle a aussi porté son taux directeur au voisinage de zéro (0,1% depuis le 20 mars 2020). Lors de sa dernière réunion du 17 mars 2021, le Conseil de politique monétaire, tout en actant l’amélioration des perspectives économiques, a indiqué qu’il ne modifiera pas sa politique.
La fin du « quoi qu’il en coûte » (hausse du taux de l’impôt sur les sociétés, gel des barèmes de l’impôt sur les revenus…) interviendra, quant à elle, plus tard… en 2023.