En 2020, le PIB réel de l’Italie a chuté de 8,9% et près de 2,5 millions d’emplois équivalents temps plein ont été perdus. La consommation a été le principal moteur de la récession, expliquant les trois-quarts de la baisse. La stagnation des revenus et le manque de confiance ont doublé la propension des ménages à épargner. Le secteur le plus affecté par la crise est celui des services, dont la valeur ajoutée recule de 8,1%, tandis que le manufacturier a été soutenu par la reprise modérée des exportations. Les problèmes soulevés par la pandémie se sont trouvés aggravés par certaines difficultés structurelles qui entravent la croissance depuis quelque temps. Au cours des prochaines années, il sera difficile de renouer avec un schéma de croissance robuste à moins d’interventions décisives stimulant l’innovation et la productivité.
Les ménages en mal de revenus et de confiance
Après un rebond au T3 2020 (+15,9%), le PIB réel a reculé de 1,9% au T4. La seconde vague de la pandémie a nécessité de nouvelles mesures restrictives. La contribution de la demande, intérieure comme extérieure, a été négative. Les exportations ont moins progressé que les importations, tandis que la contraction de la consommation a plus qu’absorbé l’augmentation de l’investissement et la contribution positive de la dépense publique.
Sur l’ensemble de l’année 2020, le PIB réel chute de 8,9%. La consommation explique environ les trois-quarts de la baisse, une proportion beaucoup plus élevée qu’au cours des deux précédentes récessions.
En baisse de 10,7%, la dépense privée pèse à hauteur de 6,5% dans la contraction du PIB. Les ménages italiens ont pâti à la fois d’une évolution décevante de leurs revenus et d’une détérioration de la confiance. En 2020, près de 2,5 millions d’emplois (équivalents temps plein) ont été perdus.
Entre janvier et septembre, le revenu disponible brut des ménages a diminué de plus de EUR 20 mds et la propension à épargner a doublé, sous l’impact cumulé des mesures restrictives et d’un comportement plus prudent des consommateurs.
En 2020, les ménages italiens ont réduit certaines dépenses (loisirs, culture, transports, restaurants et hôtels) et dépensé davantage dans l’alimentation, les outils de communication, le logement et certains services. Malgré la pandémie, les dépenses de santé (produits et dispositifs médicaux, équipements et services hospitaliers) ont reculé de 6,2%. Les achats en ligne, qui représentaient 4% du total des ventes de détail en 2019, ont bondi de 35%.
2020 : grave crise du secteur des services
Le secteur de services, le seul à avoir effacé en 2019 la baisse des deux précédentes crises, a souffert bien plus que le reste de l’économie. En 2020, la valeur ajoutée produite par les services a fondu de 8,1%, pour une contribution négative de 6%, et le nombre des emplois a été amputé de 11% en équivalents temps plein, soit près de 2 millions d’emplois en moins par rapport à 2019.
La récession a touché de nombreux secteurs, mais certains moins que d’autres. La valeur ajoutée a augmenté de 1,9% dans le secteur de l’information et de la communication, tandis qu’elle s’est contractée de 2,6% dans la finance et l’assurance, et d’environ 15% dans les divertissements et loisirs, et dans le transport et le stockage.
L’hôtellerie et la restauration ont été les secteurs les plus touchés, avec une chute de 40% de la valeur ajoutée et un demi-million d’emplois équivalents temps plein détruits. La crise du tourisme reflète aussi les restrictions aux déplacements transfrontaliers. Le nombre d’étrangers voyageant en Italie est ainsi passé de 96,2 millions en 2019 à 39 millions en 2020, et leurs dépenses ont chuté de EUR 44,3 mds à EUR 17,4 mds.
Un secteur manufacturier plus résilient
En 2020, la valeur ajoutée du secteur manufacturier a diminué de 11,4%, principalement en raison d’une forte contraction au premier semestre, tandis que l’industrie a stagné au T4. Le nombre de salariés du secteur manufacturier a été réduit de 376 000 équivalents temps plein (-11%), à un peu plus de 3 millions.
Le secteur du textile, de l’habillement et de la chaussure a accusé une baisse de la valeur ajoutée de près de 25% et de nombreux emplois ont été perdus. Le secteur de l’alimentation et des boissons a été moins touché, de même que les biens intermédiaires, comme les produits chimiques et ceux en caoutchouc et en plastique. Le secteur manufacturier a été soutenu par l’accroissement modéré des exportations. Les données de la balance commerciale montrent qu’en valeur, les ventes italiennes à l’étranger ont presque entièrement effacé le recul de la première partie de la crise.
À pandémie nouvelle, vieux problèmes
En Italie, les problèmes soulevés par la pandémie de Covid-19 se sont superposés à des difficultés structurelles qui entravent la croissance du pays depuis quelque temps et les ont aggravées (dette publique élevée, système de production fragmenté, faible investissement dans l’éducation, la R&D et l’innovation). Il sera difficile d’emprunter une trajectoire de croissance robuste en l’absence d’initiatives décisives pour stimuler l’innovation, la productivité et le développement durable.
Au moment où la pandémie de Covid-19 a frappé, les derniers chiffres disponibles laissaient apparaître une importante fragmentation du système productif italien : en Italie, les TPE représentent 95% des entreprises, concentrent 43,7% des emplois et créent 27,5% de la valeur ajoutée. Par comparaison avec les autres pays européens, les entreprises italiennes sont plus petites, employant en moyenne 4 salariés (contre 4,5 en Espagne, 5,6 en France et 11,9 en Allemagne). La taille des entreprises affecte à la fois leur productivité et leur propension à investir. En Italie, la productivité du travail s’établit à EUR 30 000 dans les TPE, contre EUR 72 680 dans les grandes entreprises. Dans le secteur manufacturier, une grande entreprise investit en moyenne chaque année environ EUR 14 500 par salarié, contre EUR 3 600 pour une TPE. La prévalence des TPE et des PME, et la faiblesse de la productivité et de la propension à l’investissement qui en découle, sont à la fois la cause et l’effet de la rareté des postes qualifiés et des infrastructures numériques dans les entreprises italiennes. Les dernières données Istat disponibles montrent qu’en Italie, seulement 5,1% des salariés du système productif ont suivi une formation ou obtenu un diplôme de l’enseignement supérieur.
Par ailleurs, la taille des entreprises affecte considérablement l’utilisation des infrastructures numériques : les entreprises entrées dans l’ère numérique (celles qui ont intégré les technologies disponibles et en font un usage avancé) sont principalement de grandes entreprises. Ainsi, 23% des entreprises de plus 500 salariés, 15% des entreprises de 250 à 499 salariés et 10 % des entreprises de 100 à 249 salariés répondent à cette définition. Parmi les petites entreprises, elles sont moins de 2,3%.
Les limites structurelles d’une partie du système productif italien affectent, en outre, la capacité d’adaptation et l’efficacité de la réponse aux défis posés par la pandémie de Covid-19. Une analyse récente d’Istat répartit les entreprises italiennes en cinq catégories face à la crise actuelle :
- les « statiques en crise » (entreprises lourdement affectées par les mesures sanitaires d’urgence et qui n’ont pas adopté de stratégie spécifique) ;
- les « statiques résilientes » (celles qui n’ont pas mis en place de réponse parce qu’elles ne pâtissent pas d’effets négatifs significatifs) ;
- les « proactives en détresse » (frappées par la crise, mais elles n’ont pas mis en place de stratégies de réponse) ;
- les « proactives en expansion » (à peine affectées par la crise, n’ont pas modifié leur schéma de développement) ;
- les « proactives avancées » (bien qu’affectées par la crise, elles ont accru leurs investissements par rapport à 2019).
À fin 2020, environ 75% des entreprises italiennes employant au moins trois salariés n’avaient pas défini de cadre stratégique pour faire face aux conséquences de la crise à moyen ou long terme, et environ un tiers montraient des signes de crise ou de détresse. Les cinq groupes étaient fortement homogènes en termes de taille : les « statiques en crise » étaient en moyenne beaucoup plus petites que les « proactives avancées » (6,5 salariés pour les premières et 47,2 pour les secondes).
Même si les réactions des entreprises face à la crise dépendent en grande partie de l’impact des mesures de confinement sur les différents secteurs, il est évident que les entités les moins productives (coûts de personnel élevés, main d’œuvre peu qualifiée et activité domestique) ont été, de loin, les plus touchées.
La valeur ajoutée par salarié des « proactives avancées » est plus de deux fois supérieure à celle des « statiques en crise » (environ EUR 73 000 contre EUR 33 000) et leurs salariés sont en moyenne plus diplômés. Par secteur d’activité, les entreprises les plus réactives sont plus nombreuses dans l’industrie, notamment la chimie, la pharmacie, l’électronique et les boissons. Dans les services, celles qui ont le mieux réagi face à la crise travaillent principalement dans les télécommunications, l’informatique, la finance et l’assurance. Parmi les entreprises qui ont le plus pâti de la crise, indépendamment du secteur d’activité, un fort pourcentage n’avait investi dans aucun domaine (R&D, ressources humaines, technologies et numérique, capital humain et formations, internationalisation, responsabilité sociale et environnementale) et n’a, par conséquent, pas modifié sa stratégie face à la crise.