Dans beaucoup de pays, le nombre de contaminations est reparti à la hausse, obligeant le maintien, voire le resserrement des mesures sanitaires. C’est le cas, entre autres, en zone euro où le redémarrage de l’activité et de la demande est une nouvelle fois reporté. Il s’amorcera essentiellement grâce à l’efficacité des mesures restrictives, l’accélération de la vaccination mais aussi l’effet d’entraînement des partenaires commerciaux dont l’économie redémarre plus vite. C’est le cas des États-Unis grâce au succès du programme de vaccination et du plan de relance conséquent qui vient d’être déployé. L’influence américaine ne se limite pas aux opportunités commerciales pour les exportateurs européens. Ainsi, les taux longs en zone euro ont suivi, en partie, la hausse des rendements obligataires américains. Celle-ci reflète surtout une hausse des attentes inflationnistes, tandis que la Réserve fédérale estime qu’il devrait s’agir d’un phénomène passager. Les entreprises et les ménages devront se féliciter de la nervosité du monde obligataire. Il témoigne du sentiment que l’économie ira bientôt vraiment mieux.
Fin 2020, on pouvait nourrir l’espoir que la situation sanitaire s’améliorerait bientôt et, avec elle, l’activité économique. Dans beaucoup de pays et de régions au monde, la réalité a déçu. En effet, le nombre de nouvelles contaminations est reparti à la hausse, ce qui a provoqué le maintien, voire le resserrement des mesures sanitaires. C’est le cas en zone euro où, certes, la croissance du PIB en glissement trimestriel devrait être positive au premier trimestre, mais essentiellement grâce à l’acquis de la dynamique de fin 2020. Le vrai redémarrage de l’activité et de la demande est une nouvelle fois reporté et son amorce dépendra essentiellement de l’efficacité des mesures restrictives et de l’accélération de la vaccination.
Désynchronisation dans la sphère réelle
Un autre facteur jouera un rôle non négligeable et donnera des raisons d’espérer : l’effet d’entraînement de certains partenaires commerciaux comme la Chine, le Royaume-Uni, qui actuellement assouplit les mesures sanitaires, et surtout les États-Unis. Dans ce pays, les espoirs de la campagne de vaccination du début d’année ont été largement dépassés et l’activité, qui était déjà en voie d’amélioration, bénéficiera de l’impulsion - forte - du plan de relance de USD 1900 milliards.
Le pays avait besoin d’un soutien budgétaire, bien que son ampleur ne fasse pas l’unanimité, car l’écart entre le nombre d’Américains ayant gardé ou retrouvé un emploi et celui précédant la pandémie reste très important. Or, plus il faut de temps pour recréer les emplois perdus, plus le risque d’effets d’hystérèse – i.e. un impact négatif prolongé de la pandémie - est grand. En outre, un nouveau plan visant surtout le côté de l’offre de l’économie (investissements en infrastructure, numérique, innovation et préparation au changement climatique) va être débattu au Congrès américain dans les prochains mois.
La désynchronisation du momentum économique entre les États-Unis et la zone euro bénéficiera donc à cette dernière. Dans les enquêtes de conjoncture, les entreprises européennes expriment d’ailleurs leur optimisme concernant les exportations. C’est en particulier le cas en Allemagne.
Il est frappant de constater que ces enquêtes ont connu une nouvelle et nette amélioration au mois de mars. Ainsi, l’indice du sentiment économique, établi par la Commission européenne, dépasse désormais très légèrement sa moyenne à long terme, porté par un meilleur sentiment dans les différents secteurs (industrie, services, commerce, construction) ainsi que parmi les ménages.
Les chiffres pour avril risquent être moins bons, en raison des nouvelles restrictions, mais la dynamique récente des enquêtes suggère que les entreprises et les ménages commencent à voir le verre comme à moitié plein, confortés par la conviction que l’incertitude se réduira. Après tout, les mesures sanitaires et les vaccinations finiront par porter leurs fruits.
Synchronisation dans la sphère financière
Logiquement, les marchés obligataires ne sont pas restés insensibles à ces développements. Aux États-Unis, le rendement du bon du Trésor à 10 ans a poursuivi sa hausse entamée l’été dernier, reflétant, dans un premier temps, une hausse des attentes inflationnistes des investisseurs, puis, plus récemment, celle des taux réels liée au plan de relance américain.
Comme à l’accoutumée, cette dynamique a entraîné dans son sillage les rendements d’autres pays, dont ceux de la zone euro. Cela a obligé la BCE à accélérer le rythme de ses achats de papier souverain afin d’éviter un resserrement des conditions financières qui aurait été particulièrement malvenu.
La Réserve fédérale reste stoïque face au comportement du marché obligataire tout en envisageant une hausse de l’inflation au second semestre. Les arguments ne manquent pas : les enquêtes auprès des entreprises montrent déjà une nette augmentation du prix des intrants et la forte accélération de la croissance devrait inévitablement conduire à un déséquilibre entre la demande et l’offre.
Celle-ci ne pourra pas toujours suivre, portant encore les stigmates, comme pour les semi-conducteurs, de la rupture de l’an dernier. La banque centrale américaine considère toutefois que cette hausse de l’inflation sera temporaire. L’offre s’adaptera et, surtout, les attentes inflationnistes sont bien ancrées. C’est un facteur crucial dans les négociations salariales et la fixation des prix.
Les prochains mois risquent donc être marqués par un bras de fer entre les marchés obligataires et la Réserve fédérale américaine, obligeant cette dernière à adopter une communication très subtile afin de ne pas jeter de l’huile sur le feu. Entreprises et ménages devront se féliciter de la nervosité du monde obligataire. En effet, elle témoigne d’un sentiment que l’économie ira bientôt vraiment mieux.