Grâce à la bonne santé des finances publiques et au choix d’un confinement léger, les Pays-Bas ont mieux surmonté la crise que ses voisins. L’économie était néanmoins en légère récession au T1 2021. Les indicateurs du sentiment économique pointent en direction d’un redressement marqué au second semestre. Malgré la nette victoire du gouvernement sortant aux élections législatives en mars, la formation d’une nouvelle coalition se déroule dans un climat de nervosité. Les doutes se renforcent sur la capacité de Mark Rutte à diriger son quatrième gouvernement successif. La nouvelle coalition aura pour principale tâche la mise en œuvre d’un plan de reprise.
Légère récession au premier trimestre 2021
La stratégie de confinement léger, annoncée par le gouvernement en mars 2020, a, dans un premier temps, porté ses fruits. En 2020, l’économie s’est contractée de 3,7 %. Ce repli, comparable à celui de 2009, pendant la crise financière, constitue néanmoins une meilleure performance que celles des pays voisins. Le taux d’incidence ayant rapidement augmenté à l’automne, un deuxième confinement partiel a été instauré à partir de la mi-octobre. Les mesures ont été progressivement durcies au cours des mois suivants. La mise en place d’un couvre-feu, en janvier, a déclenché des émeutes sans précédent et des pillages dans de nombreuses villes du pays.
L’impact économique du deuxième confinement devrait être beaucoup plus limité que celui du premier, de mars à mai. Au T4 2020, le PIB a perdu 0,1 %, en grande partie sous l’effet de la baisse de la consommation des ménages (-1,4 %). Un nouveau recul du PIB (-0,5 %) est attendu au T1 2021 : à titre de comparaison, la richesse nationale avait accusé une chute de 9 % au T2 2020.
Ces résultats s’expliquent en partie par l’efficacité de la réaction des politiques publiques à la crise. Grâce au dispositif d’emploi partiel, le taux de chômage a baissé à 3,6 % en février après avoir atteint un pic à 4,6 % en août dernier. Toujours en février, les faillites ont atteint leur niveau le plus bas depuis trente ans.
De plus, comme l’épargne des ménages s’inscrit à des niveaux historiquement élevés, en raison de possibilités de consommation limitées, les prix des logements ont flambé. Comme ailleurs en Europe, le climat des affaires s’est amélioré en mars, à la faveur de l’augmentation du commerce mondial. Pour autant, la confiance des ménages a continué à stagner.
Incertitude autour de la formation d’un gouvernement
À l’issue des élections législatives du mois de mars, le VVD (libéraux-conservateurs), dirigé par le Premier ministre, Mark Rutte, est resté le plus grand parti du pays. À la surprise générale, D66 (sociaux-libéraux) est arrivé en deuxième position. Le maintien de la coalition sortante de centre-droit avec le CDA et la CU (chrétiens-démocrates) serait, en théorie, une possibilité malgré les lourdes pertes essuyées par le CDA.
Cependant, la confusion qui a régné pendant la première phase du processus laisse penser qu’il faudra un certain temps avant qu’un gouvernement soit en place. Après avoir perdu cinq sièges, le CDA, qui est par ailleurs en proie à des divisions internes, pourrait être réticent à rallier la nouvelle coalition. Le PvdA (sociaux-démocrates) et GL (Gauche verte) sont prêts à faire partie de la nouvelle équipe au pouvoir, mais cela impliquerait un changement de politique.
Par ailleurs, sévèrement critiqué par les membres de la coalition sortante, lors d’un débat parlementaire sur la formation d’un gouvernement, M. Rutte risque de constituer un obstacle dans ce processus. En règle générale, la formation d’un nouveau gouvernement s’étale sur plusieurs mois : celle du gouvernement sortant a pris 225 jours, un record. Or il y a urgence car le pays a besoin d’un nouveau gouvernement pour mettre en place un plan de reprise.
Quelle que soit l’issue de ce processus, le nouveau gouvernement poursuivra une politique budgétaire prudente. Grâce à la bonne situation financière du pays au début de la crise, le gouvernement a été en mesure de mieux soutenir son économie que ses voisins. Malgré le succès remporté par le parti pro-européen D66, le gouvernement devrait rester mesuré sur le renforcement de l’intégration européenne en raison de la progression des partis eurosceptiques au Parlement.
Hausse des faillites après la diminution des aides
Dans les prochains mois, avec la diminution attendue des cas de Covid-19, les restrictions liées au confinement pourraient être progressivement levées. La demande des ménages sera probablement l’un des principaux moteurs de la croissance dans les prochains trimestres, car les taux d’épargne vont retrouver leurs niveaux d’avant la pandémie. Dans le courant de 2022, l’économie pourrait renouer avec son taux de croissance antérieur à la crise.
Dans le même temps, le gouvernement va probablement supprimer de manière progressive les mesures d’aide, ce qui pourrait causer des problèmes à certaines entreprises, maintenues en vie par les transferts, les garanties de prêts et les dispositifs de chômage partiel. Le taux de faillite est appelé à augmenter, pour ce qui est en particulier des entreprises déjà fragiles avant la crise sanitaire. Les conditions d’emploi pourraient ainsi se détériorer de nouveau avec une progression du chômage à 5 % de la population active vers la fin de l’année. En conséquence, les augmentations salariales fixées dans le cadre des négociations collectives pourraient ralentir à 1,5 %.