Contrairement à ce que laissait espérer fin 2020 la découverte des vaccins, à savoir la fin du stop-and-go, on reste, début 2021, sur une trajectoire de sortie de crise en accordéon du fait de l’apparition des variants et de lenteurs dans la vaccination. Elle s’est rapprochée (baisse moins forte qu’attendu du PIB au T4 2020, rechute en récession technique a priori évitée au T1 2021 avec une croissance faible mais positive attendue) avant de s’éloigner à nouveau (report du rebond attendu au T3 après une croissance au T2 qui frôle le zéro, un chiffre négatif ne pouvant être écarté). Le net rebond des enquêtes de confiance en mars est une bonne nouvelle mais éphémère car il n’intègre pas le durcissement récent des mesures de confinement. Il faut s’attendre à une rechute en avril avant un redressement à partir de mai, que l’on espère, cette fois, durable, à la faveur de l’accélération de la vaccination et du soutien du policy mix. Le rebond attendu au S2 porterait la croissance à 6,1% en 2021 en moyenne annuelle, suivie de 4,4% en 2022.
Bilan de l’année 2020
S’il fallait résumer en quelques chiffres l’année 2020, nous retiendrions sept indicateurs. Premièrement, la contraction du PIB qui a atteint 8,2% en moyenne annuelle. Il s’agit d’une baisse historique et la troisième plus importante enregistrée au sein de la zone euro, l’Espagne détenant le triste record avec -10,8%, suivie de l’Italie avec -8,9% (contre -6,8% pour l’ensemble de la zone euro). Deuxièmement, l’emploi salarié dont la baisse a été de seulement -1,3%. Troisièmement, le revenu disponible des ménages est ressorti en légère hausse (1,1%).
Ces deux évolutions, liées, sont remarquables au regard du choc récessif massif encaissé par l’économie française, derrière lesquelles il faut voir l’efficacité des mesures d’urgence. Quatrièmement, le taux d’épargne des ménages, qui a fortement augmenté (+6,4 points, à 21,4%), sous l’effet de la constitution d’un mélange d’épargne forcée et de précaution, corollaire de l’incertitude prégnante et de la préservation du revenu disponible brut, tandis que leur consommation chutait, largement empêchée par les phases de confinement (-7%)[1]. Cinquièmement, le taux de marge des sociétés non financières, qui accuse une forte baisse (-4 points, à 29,2%, soit son plus bas niveau depuis 1985).
Le sixième indicateur est le déficit budgétaire et le septième, le ratio de dette publique. Selon la première estimation de l’INSEE, tous deux ont atteint un niveau record : -9,2% et 115,7% du PIB, respectivement. Ces chiffres sont toutefois moins dégradés que ceux attendus par le gouvernement dans le projet de loi de finances rectificatif (PLFR4) en date de début novembre (-11,3% pour le déficit, 119,8% pour le ratio de dette). Le coût de la crise est donc un peu moins important (+6,1 points de déficit par rapport à 2019 et +18,1 points de dette).
Une partie de l’explication tient à la contraction du PIB, moins importante que ce que le gouvernement avait inscrit dans le PLFR4 (-11%). Cette erreur favorable de prévision sur la croissance explique, toutes choses égales d’ailleurs, 83% de l’erreur sur le déficit (1,7 point sur 2,1). Le creusement du déficit (en milliards d’euros) est imputable à hauteur de 47% à la chute des recettes et de 53% à la hausse des dépenses, selon un effet de ciseau qui sera probablement plus difficile à refermer qu’il ne l’a été à ouvrir (cf. graphique 2).
Les à-coups trimestriels subis par le PIB, au gré des phases de confinement et de déconfinement, sont une autre caractéristique de cette crise, à retenir au bilan de 2020. Après une chute de 5,9% t/t au T1, le PIB a plongé de 13,5% t/t au T2 avant de rebondir vigoureusement de 18,5% t/t au T3, puis de rechuter de 1,4% t/t au T4, ce qui le laisse 5% sous son niveau d’avant-crise du T4 2019. La consommation des ménages se situe, quant à elle, près de 7% sous son niveau d’avant-crise, l’investissement des entreprises -5% et les exportations -10%.
Que la consommation soit plus impactée que l’investissement est une autre particularité de cette crise, tandis que le lourd tribut payé par les exportations tient au poids de l’aéronautique et du tourisme dans l’économie française[2].
Nouveau report du rebond
Le bilan conjoncturel des trois premiers mois de 2021 est mitigé. Le PIB devrait légèrement progresser au T1, mais uniquement à la faveur de l’effet d’acquis positif dû au rebond de l’activité en décembre, à la sortie du confinement de novembre. En janvier et février, selon les estimations de l’Insee et de la Banque de France, l’économie française aurait continué de fonctionner à environ 95-96% de son niveau d’avant-crise. En mars et en avril, nous anticipons une dégradation autour de 94-93%, à la suite du durcissement des mesures de confinement depuis le 20 mars, pour quatre semaines au moins, dans 16 puis 19 départements. Une nouvelle baisse du PIB au T1, un temps crainte, serait toutefois évitée. La France échapperait ainsi à une rechute technique en récession.
Le net redressement des enquêtes de confiance en mars est une bonne nouvelle mais il s’agit d’un faux rebond, l’illustration qu’une hirondelle ne fait pas le printemps (cf. graphique 3).
L’amélioration du climat des affaires dans les services et de l’opinion des ménages sur le niveau de vie futur en France illustrent la capacité de rebond ; la bonne tenue du climat des affaires dans l’industrie montre la force du soutien extérieur et rappelle la dichotomie entre ce secteur, moins affecté par les mesures sanitaires, et les services, plus directement impactés.
Mais cette amélioration en mars, dans les services notamment, est de l’ordre du rebond technique, après une dégradation en février, les deux mouvements allant à l’encontre de la relative stabilité des indices de mobilité de Google. C’est aussi et surtout, pour l’ensemble des enquêtes, un rebond très probablement éphémère car il ne porte pas la trace des dernières annonces du gouvernement en matière de confinement. Pour des indicateurs avancés, ils sont en retard d’une mesure, un décalage imputable à la vitesse de retournement de la situation sanitaire. Il faut donc s’attendre à une rechute des enquêtes en avril, avant, peut-être, un redressement durable à compter de mai.
À cette aune, les perspectives pour le T2 sont peu engageantes. Sous l’hypothèse d’un rebond de l’activité à partir de mai, permis par le relâchement supposé des mesures de confinement, le PIB s’inscrirait en légère hausse. Mais un chiffre négatif ne peut être exclu si les dernières restrictions sanitaires connues pesaient plus que prévu sur l’activité en mars et avril, si de nouvelles annonces étaient faites, et si le rebond attendu, une fois le confinement assoupli, n’était pas au rendez-vous. Ainsi, l’incertitude reste grande et l’évolution de la situation économique, en particulier son amélioration, tributaire de celle de la situation sanitaire.
Contrairement à ce que laissait espérer, fin 2020, la découverte des vaccins et le démarrage annoncé des campagnes de vaccination, à savoir la fin du stop-and-go sur l’activité, on reste, début 2021, du fait de l’apparition des variants et de lenteurs dans la vaccination, sur une trajectoire de sortie de crise par à-coups, en accordéon. On entrevoit toujours la lumière au bout du tunnel mais elle s’éloigne ou se rapproche en fonction de l’évolution de la situation sanitaire.
Au moment de la rédaction de ce texte, la tendance est à l’éloignement alors qu’il y a quatre mois, début décembre, date de notre précédente analyse, elle était au rapprochement. La capacité de rebond de l’économie, la possibilité d’un rebond vigoureux ne sont pas, en tant que telles, remises en cause ; c’est le timing du rebond qui est repoussé, de deux trimestres, du T1 au T3 2021. Dans ces conditions, même si une réflexion a été engagée sur les différentes étapes, l’heure n’est pas au retrait des mesures de soutien, au contraire.
Sur l’ensemble de 2021, la croissance s’élèverait à 6,1% en moyenne. Il s’agit d’une prévision plutôt optimiste, un demi-point au-dessus du consensus de mars. Cet optimisme repose sur l’accélération attendue de la vaccination et le soutien effectif du policy mix. En 2022, la croissance resterait forte (4,4%). Selon notre scénario, le PIB français dépasserait son niveau d’avant-crise au T1 2022. Ce retour marquerait une première étape.
Il n’y a pas de doutes qu’il advienne, à un moment donné ou un autre ; la question porte sur le temps que cela prendra, plus ou moins long. Revenir au niveau d’avant-crise en l’espace d’un an environ peut être considéré comme un temps relativement court au regard du choc subi.
En revanche, il existe une grande différence entre retrouver le niveau d’avant-crise et retrouver la trajectoire, c’est-à-dire le niveau que le PIB aurait atteint en l’absence de crise. L’ampleur de l’écart est une mesure de l’ampleur des séquelles de la crise. Si les États-Unis semblent partis pour revenir sur cette trajectoire d’avant-crise dès 2021, ce qui est remarquable, ce retour n’est pas acquis pour la France. Sur la base de nos prévisions jusqu’en 2022 et de celles du FMI de 2023 à 2025, l’écart serait encore légèrement inférieur à 1% en 2025.