Après un début d’année difficile, les indicateurs conjoncturels se sont nettement améliorés en mars, portés par le sentiment que le pire de la crise de la Covid-19 est désormais passé. Selon les prévisions, le PIB devrait retrouver ses niveaux pré-Covid-19 vers la fin de 2022. Nombre de mesures de soutien adoptées par les pouvoirs publics devraient rester en place cette année. La politique budgétaire pour 2022 dépendra de l’issue des élections législatives en septembre. Après un net tassement des chrétiens-démocrates dans les sondages, une coalition entre les Verts, les sociaux-démocrates et les libéraux ne peut être exclue. La crise entraîne un sérieux ralentissement de l’activité des entreprises, mais cela n’aura probablement pas de conséquences à long terme.
Premiers signes de reprise en mars
Devant la hausse des cas de coronavirus au T4 2020, les autorités ont décrété un deuxième confinement au début du mois de novembre, entraînant la fermeture de services impliquant des interactions sociales particulièrement importantes, comme les bars, les restaurants et les théâtres.
Vers la mi-décembre, les magasins non essentiels ont dû, à leur tour, baisser le rideau. Le PIB n’a ainsi progressé que de 0,3 %, contre 8,5 % au T3, sous l’effet de forces opposées : dans l’industrie manufacturière et le bâtiment, l’activité a progressé de plus de 5 %, mais elle s’est contractée d’environ 4,4 % dans les services marchands (commerce, communication et hôtellerie-restauration).
Cette dichotomie entre l’industrie manufacturière et les services a également été observée au début de 2021. L’activité a poursuivi son expansion dans le secteur manufacturier, en dépit des pénuries de semi-conducteurs qui perturbent la production dans l’industrie automobile. Le bâtiment, en revanche, a sérieusement pâti de conditions météo défavorables en janvier et en février, tandis que les restrictions liées au confinement ont continué de peser sur les services.
En mars, le climat économique s’est considérablement amélioré. L’indice Ifo du climat des affaires a atteint 92,7, son niveau le plus élevé depuis septembre 2020. En particulier, l’optimisme des chefs d’entreprises pour les prochains mois a fortement progressé, porté par les anticipations d’assouplissement des mesures de confinement, avec la baisse du taux d’incidence, due à la campagne de vaccination en cours.
Malgré le net repli de l’activité en 2020 (-4,9 % et -5,3 %, corrigé des effets de calendrier), le taux de chômage a augmenté à 4,6 % à peine, contre 3,4 % au début de 2020. Cela s’explique en grande partie par les mesures adoptées par les pouvoirs publics, comme le système de chômage partiel (Kurzarbeit), pour atténuer l’impact de la crise. Selon les estimations de l’institut Ifo, 2,8 millions ou 8,5 % de salariés ont bénéficié de ce dispositif en février (graphique 2). Dans l’hôtellerie-restauration, plus de 50 % des salariés étaient au chômage partiel.
Politique budgétaire accommodante
Le gouvernement fédéral a rapidement réagi à la crise du coronavirus en prenant des mesures visant à en atténuer l’impact sur l’activité. En mars, il a ainsi déployé un plan global de soutien en faveur des salariés et des entreprises, d’un montant de EUR 750 mds (22 % du PIB de 2019). Comme ce plan était constitué en grande partie de garanties, de prêts et de reports d’impôts, les dépenses publiques ont augmenté de EUR 127 mds, dont EUR 50 mds à destination des petites entreprises et des travailleurs indépendants.
En juin, le gouvernement a présenté un deuxième plan d’aide de EUR 130 mds. Ces mesures s’articulaient principalement autour de trois axes : la stimulation de la demande grâce à la baisse temporaire de la TVA (de 19 % à 16 % entre juillet et décembre 2020), l’octroi aux familles d’une aide supplémentaire de EUR 300 par enfant et le doublement du montant de la prime gouvernementale à l’achat d’un véhicule électrique. Elles comportaient également la dotation d’un fonds, à hauteur de EUR 50 mds, destiné à la lutte contre le changement climatique et à la promotion de l’innovation et du numérique.
En novembre et en décembre, d’autres mesures ont été introduites pour soutenir les entreprises les plus affectées par le nouveau confinement. Du fait de ces plans d’aide et de recettes fiscales insuffisantes, le déficit des administrations publiques a augmenté à 4,2 % du PIB, un plus haut depuis 2009. La dette du secteur public est ressortie à 70 % du PIB à la fin de l’année.
En 2021, le déficit va probablement stagner, tandis que le ratio de la dette pourrait augmenter encore à 75 %. Cependant, ce niveau reste nettement inférieur à celui de 82,4 %, atteint en 2010, pendant la crise financière. En 2022, les finances publiques devraient sensiblement s’améliorer avec l’expiration des mesures de relance, tandis que les recettes fiscales vont progresser avec la reprise de l’activité. Le déficit pourrait ainsi se replier en deçà de 2 % du PIB.
En 2022, l’évolution des finances publiques dépendra du prochain gouvernement. L’actuelle coalition entre les partis chrétiens-démocrates (CDU/CSU) et le parti social-démocrate (SPD) a peu de chances de se maintenir au pouvoir à l’issue des prochaines élections législatives du 26 septembre. La CDU/CSU, récemment affaiblie par des scandales, va probablement rester le principal groupe au Bundestag. Elle pourrait essayer de former une alliance avec les libéraux (FDP) et les Verts, appelée « coalition Jamaïque ».
Un tel attelage permettrait, sur le papier, de bénéficier d’une large majorité au Parlement. Cependant, les différences programmatiques pourraient être difficiles à surmonter. Depuis le repli de la CDU/CSU dans les sondages, une coalition entre les Verts, le SPD et le FDP, dite « feu tricolore », pourrait être envisagée. Pour le moment, cette alliance remporterait près de 50 % des sièges. Une telle perspective serait très séduisante pour les Verts car ce serait la première fois que le chef de ce parti deviendrait chancelier.
Dette élevée des entreprises sans conséquences à long terme
Les perspectives pour 2021 dépendent dans une large mesure de l’évolution de la pandémie et des progrès de la campagne de vaccination. Dans notre scénario, nous prenons pour hypothèse un assouplissement progressif des mesures de confinement à compter de la mi-avril, qui fait suite à la baisse des taux de contamination. Les services pourraient alors, aux côtés de l’industrie manufacturière, redevenir un moteur de la reprise. D’après les projections, le PIB devrait croître de 3 % en 2021 et de 4,8 % en 2022 pour retrouver, à la fin de cette même année, son niveau antérieur à la crise Covid-19.
L’une des principales questions qui se posent est la suivante : qu’adviendra-t-il des entreprises après le retrait progressif des mesures gouvernementales ?
L’année dernière, ces mesures ont été très efficaces pour maintenir le chômage à un niveau bas et éviter les faillites. Malgré la contraction de 5 % de l’activité économique en 2020, le nombre des faillites a, en fait, reculé de 15,5 % par rapport à 2019. Cela s’explique non seulement par la suspension de l’obligation faite aux entreprises insolvables de se déclarer en faillite, mais aussi par les prêts et subventions que les sociétés ont reçus. Nombreux sont ceux qui craignent que la générosité de l’État n’entraîne une augmentation des entreprises «zombies» et, par conséquent, un affaiblissement de la structure de l’économie1. Selon la dernière analyse du panel d’économistes, réalisée par l’Institut Ifo et la Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ), 86 % d’entre eux estiment que le nombre d’entreprises zombies a « augmenté » ou « fortement augmenté » en Allemagne depuis mars 2020.
Il est probable que la levée des mesures d’aide conduise à une hausse des faillites. Les entreprises poursuivront pour la plupart leurs activités normalement, mais nombre d’entre elles pourraient être confrontées à une dette élevée et certaines, dont le business model est viable, devront être restructurées.
L’endettement du secteur non financier a atteint un niveau record, susceptible de peser sur l’investissement et la productivité (graphique 2). Cependant, une étude menée par un groupe d’économistes allemands et américains aboutit à une conclusion rassurante : l’expansion des prêts aux entreprises ne devrait pas nuire à l’économie à long terme2. Les entreprises pourraient, en effet, passer à des sources internes de financement, c’est-à-dire recourir aux émissions d’actions au lieu de s’endetter. De plus, les dettes sont limitées, en fin de compte, par les actifs de la société. La baisse de la valeur de l’entreprise en deçà de sa valeur de marché entraînera sa liquidation, l’effacement du surendettement et la libération des actifs en vue de leur affectation à d’autres fins productives. La fluidité de l’opération de liquidation dépend de l’efficacité de la procédure d’insolvabilité et l’Allemagne est, à cet égard, bien placée. Elle est dotée de l’un des régimes d’insolvabilité les plus performants au monde3 : la durée de la procédure est d’un peu plus d’un an, en moyenne, le taux de recouvrement [des créances] est de près de 80 % et le coût représente à peine 8 % des biens.